Pop Expéditives : Oren Ambarchi, Lawrence English, Yoshida Tatsuya...
Oren Ambarchi : Sagitarrian Domain (Editions Mego, 2012)
Un gimmick de basse, une batterie, une guitare et un moog : voilà Sagitarrian Domain d’Oren Ambarchi. Rien à voir avec l’imagerie clinique de la pochette : le disque, aux élans krautrock (en plus réfléchi et plus entêtant) accumule les solos de guitares avant que les superbes envolées d’un trio de cordes (Elizabeth Welsh, James Rushford et Judith Hamann) calment les ardeurs de l’Australien qui conclut en douceur cet enthousiasmant Sagitarrian Domain.
Lawrence English : For/Not for John Cage (LINE, 2012)
Entre 2011 et 2012, Lawrence English a tenu à rendre hommage au John Cage qui l’inspire depuis des années. Si ce n'est sur la couverture du CD (un champignon flou), le mycologue s’y serait-il retrouvé ? English a accouché de vagabondages dans l’espace qui rappèleront aux aventuriers la consommation de champignons… hallucinogènes… Quant à nous, le résultat, s’il n’est pas d’une originalité remarquable, nous va.
Mutamassik : Rekkez (Ini Itu, 2012)
Le monde du Mutamassik de Giulia Loli tourne à la vitesse des volutes orientales (sur son site internet, elle parle de « pan-afrabic immigrant sound sources ») que l’on trouve sur ce LP, Rekkez. De ce monde, s’échappent des voix qui se superposent, des cordes qui les mettent en valeur à tel point qu’on a d’abord l’impression d’écouter un disque Ocora retouché malicieusement par Fennesz. Face B, la musique perd un peu en envergure au profit d’un travail expérimental d’un foutraque simpliste ou jubila-toire.
Uchihashi Kazuhisa, Yoshida Tatsuya : Barisshee (Tzadik, 2012)
Power rock ? Psyché noise ? Post-rock explosé ? Sur Barisshee, une guitare-electronics et une batterie en mettent partout = Uchihashi Kazuhisa (Ground Zero) et Yoshida Tsunoda (Ruins), qui n’en sont pas à leur premier méfait en duo. Le médiator convulsif et la baguette sèche comme un coup de trique donnent dans la chansonnette expé, le psychédélisme hargneux et, grâce à l’apport de l’électronique, l’ambient décalquée. Pas toujours du meilleur goût, mais assurément jubilatoire !
Adern X : Ink Spots called Words (Xevor, 2012)
Des expérimentations en tous genres (réutilisations de disques classique qu’il prend un malin plaisir – en tout cas on l’espère pour lui – à faire grésiller, sons de synthèse qui cherchent tout sauf la pureté du son et de la clarté de la synthèse, effets stéréophoniques à vous couper ce que vous voudrez…) : voilà la travail d’Adern X, Italien montreur de samples qui réunit ici une sélection de travaux qui l’occupent depuis 2007.
Electric Electric : Discipline (Africantape, 2012)
Electric Electric est un trio de Strasbourg, Alsace : Eric Bentz, Vincent Redel et Vincent Robert. Un peu de rock mâtiné d’électro et sûrement de grands rêves de Battles. Le tout n’est pas bien bon.
Anthony Pateras : Collected Works 2002-2012 (Immediata, 2012)
Lorsque l'on a découvert Anthony Pateras au son de Chasms, on n’est pas fâché de retrouver la pièce, importante, sur cette rétrospective longue de cinq disques, mis en boîte étiquetée Immediata. De son propre aveu, Pateras tenait avec elle à dire qu’il improvise autant qu’il compose – et lorsqu’il compose, que les instruments capables de l’inspirer sont nombreux.
Ainsi Chasms revient-il sur son usage du piano préparé avec un aplomb que ne trahissent pas de plus récents travaux, Block Don’t Bleed et Bleed Don’t Block, consignés sur le quatrième disque de la boîte : fantaisies d’artifices fiévreux qui se chevauchent ou s’interpellent. Sur piano à lamelles, Delirioso pousse au vice et fait du pianiste décadent un percussionniste affranchi. Assez pour que Pateras abandonne bientôt, et tout à fait, son instrument de prédilection pour faire autrement œuvre de frappe.
Ce sont alors cinq pièces, pour le bien desquelles le musicien accueille du renfort (Vanessa Tomlinson seule ou Eugene Ughetti à la tête de bataillons de six ou douze percussionnistes) qui battent la mesure et même la partition. Leurs structures peuvent être répétitives ou paysagères, luxuriantes ou clairsemées : ici un théâtre d’ombres et de silences se met en place sous les tintements parfois étendus par l’usage de l’électronique, là un élément perturbateur retouche le parcours des ondes.
La collecte est ensuite celle de travaux d’orgue et d’électronique : le drone d’Architexture, porté par le son de Byron Scullin, soumis aux changements sur le conseil d’expérimentations minimalistes ; le jeu de dupe de Keen Unknown Matrix, fait planète interdite à tout réfractaire au caprice musical. Un retour au classique, enfin : quatuor à cordes aux archets fuyants rendant hommage à John Zorn (en 2008, Pateras publiait Chromatophore sur Tzadik) ; association, percussive encore, avec James Rushford (piano préparé), Samuel Dunscombe (clarinette basse) et Judith Hamann (violoncelle) ; grand orchestre lâchant prise sur Fragile Absolute, composition traînante qui évoque Scelsi sans parvenir toutefois (la chose est difficile) à atteindre ses profondeurs.
La conclusion est alors à trouver en Lost Compass, pièce d’électroacoustique qui résume les vues et desseins d’Anthony Pateras : classique mis à mal par l’expérimentation, l’expérimentation gagnant au savoir-faire classique (musique et théâtre tout à la fois) que l’Australien tord et adapte à ses propres codes chaque jour un peu plus.
Anthony Pateras : Collected Works 2002-2012 (Immediata / Metamkine)
Enregistrement : 2002-2012. Edition : 2012.
CD1 : 01/ Crystalline 02/ Broken Then Fixed Then Broken 03/ Fragile Absolute 04/ Lost Compass 05/ Immediata CD2 : 01-03/ Chasms 04/ Delirioso CD3 : 01/ Architexture 02-04/ Keen Unknown Matrix (2009-2011) CD4 : 01/ Block Don’t Bleed 02/ Bleed Don’t Block CD5 : 01/ Refractions 02-05/ Mutant Theatre Act 2 06/ Hypnogogics 07-17/ Mutant Theatre Act 3 18/ Flesh & Ghost
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Anthony Pateras : Errors of the Human Body OST (Editions Mego, 2012)
Bande originale du film éponyme tourné par un certain Eron Sheean à l’Institut Max Planck – l’équivalent allemand de l’Institut Pasteur – de Dresde, Errors Of The Human Body se suffit TRES largement à lui-même pour ses propres qualités musicales. Jouée par sept instrumentistes, dont le compositeur australien Anthony Pateras au piano (éventuellement préparé), à l’orgue et à l’électronique, l’œuvre développe en vingt-et-une transitions une narration mélodique qui fait fi des seuls emplâtres ambient post-Tangerine Dream.
Atteignant parfois le sublime dans sa quête tonale (le saisissant Burton), Pateras et ses acolytes touchent également au but lorsqu’ils s’épreignent de Morton Feldman (Research From Unexpected Places) – tout en ne négligeant pas le Tuxedomoon lunaire de A Ghost Opera (qu’ils emmènent du côté de György Ligeti). Faut-il l’écrire, tant l’évidence est là, s’il ne faut guère s’attendre à de grandes envolées expressives, le sens überraffiné du détail impressionniste mis en place par l’homme de Down Under – dont c’est la première collaboration avec le réalisateur ???????? – vaut des louanges par cent et par mille. Mais oui, à ce point.
Anthony Panteras : Errors of the Human Body OST (Editions Mego / Souffle Continu)
Edition : 2012.
CD / 2 LP : Errors of the Human Body OST
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli