Illogical Harmonies : With D’incise (Insub., 2016)
Dans l’un de ces beaux étuis que publie désormais le label Insub., on trouve un nouveau poster qui, malgré le pliage, délivre le code permettant de télécharger ces quarante-cinq minutes de concert enregistré à Genève (Cave 12). Ce soir-là, 22 février 2015 : Johnny Chang (violon) et Mike Majkowski (contrebasse) – Illogical Harmonies est le nom dont s’est emparé le duo – improvisaient avec D’incise (enregistrements).
D’une note unique maintenue à l’archet – qu’elle aille et vienne, tremble sous la main du violoniste ou flanche lorsque Majkowski pince une de ses cordes –, le trio fait le décor dans lequel il sème des graines d’idées, malheureusement pauvres. Ainsi, sur les archets, D’incise dépose un field recording convenu (turbines bruissantes ou rideaux de pluie). Et puis, une fois le field recording passé, Chang ose une mélodie plus fausse encore qu’illogique. Expressément ? La question se pose. Assourdissant, l’ennui que l’improvisation dispense nous empêchera d’y réfléchir.
Illogical Harmonies : With D’incise (Insub.)
Enregistrement : 22 février 2015. Edition : 2016.
Téléchargement (en étui) : 01/ Illogical Harmonies with D’Incise
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Hannes Lingens : Four Pieces for Quintet (Insub, 2013)
On avait à peine entendu l’accordéoniste Hannes Lingens sous la direction d’Antoine Beuger (Tschirtner Tunings For Twelve) que le voilà déjà à la tête d’un quintette : à ses côtés, sur quatre pièces de cinq minutes à télécharger, trouver Johnny Chang (Violon), Koen Nutters et Derek Shirley (contrebasses) et Michael Thieke (clarinette).
On classera d’un revers d’oreille ces quatre épreuves dans la catégorie Wandelweiser, même si un archet ou une note tenue se charge souvent d’éloigner tout silence de la composition en train de se jouer. On soupçonnera aussi les blocs colorés de leurs partitions de chercher à percer les mystères du Titanic de Bryars. Mais si ces quatre pièces s’entendent sans déplaisir, l’équilibre entre composition et improvisation qui les a commandées est encore précaire… Candide, pour ne pas dire « vert », s’il faut choisir une couleur entre toutes.
Hannes Lingens : Four Pieces for Quintet (Insub)
Enregistrement : 28 avril 2013. Edition : 2013.
Téléchargement : 01-04/ Four Pieces for Quintet
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
The Pitch : Xenon & Argon (Gaffer, 2015) / Frozen Orchestra (Amsterdam) (Sofa, 2015)
Attention, quatuor inusité à l’horizon pour musique sublim(inal)e. Décliné en deux étapes où la basse, le vibraphone, l’harmonium et la clarinette tournent incessamment autour du point d’équilibre, et c’est pour souvent atteindre la grâce, Xenon & Argon du collectif The Pitch expose en deux langoureuses mélopées un attachement indicible à la micro-mélodie, mais aussi au drone, et il est tout en doigté introspectif.
Autour d’harmonies aussi étranges que sublimes, Morten Olsen, Koen Nutters, Boris Baltschun et Michael Thieke jouent avec nos perceptions sonores, qu’ils se plaisent à titiller à l’envi. Hors de toute sérénité malveillante, ils font grincer leurs instruments juste ce qu’il faut sur les 18 minutes de Xenon, même si le second titre, Argon, s’épanche avec moins d’originalité, en un épisode où le drone est marqué de l’empreinte hypnotique de Luigi Dallapiccola rencontrant My Cat Is An Alien et Peter Rehberg.
The Pitch : Xenon & Argon (Gaffer Records)
Edition : 2015
LP : 01/ Xenon 02/ Argon
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli
Le Frozen Orchestra, c’est The Pitch avec des invités, et pas des moindres : Lucio Capece, Johnny Chang, Robin Hayward, Chris Heenan, Okkyung Lee et Valerio Tricoli. Sur le drone d’harmonium il y a donc du monde, mais les choses se passent bien, si bien que les instruments acoustiques se confondent rapidement pour « densifier » l’architecture grandiose de ce live. Amateurs de drones et d’électroacoustique vibratoire, Frozen Orchestra (Amsterdam) est fait pour vous.
The Pitch : Frozen Orchestra (Amsterdam) (Sofa)
Enregistrement : 26 février 2012. Edition : 2015.
CD : 01/ Side A 02/ Side B
Pierre Cécile © Le son du grisli
Stefan Thut : Drei, 1-21 (Edition Wandelweiser, 2013)
Il n’a pas plu depuis trois jours. Drei.
Johnny Chang, violon. Sam Sfirri, melodica. Jürg Frey, clarinette. A chacun sa note. Il faut juste qu’elle tienne le temps demandé par la partition de Stefan Thut. Le compositeur a tracé des bâtons, courts, à l’horizontal. Un, deux ou trois, isolés ou superposés. Un musicien une note un bâton (ils me rappellent certains écrits de Beckett). Et des silences. Même pas dérangés par le bruit de la pluie.
Trois jours. Le violon enregistré le 15 janvier 2012. Le melodica enregistré le 22 octobre 2012. La clarinette enregistrée le 26 octobre 2011. A chacun sa note. Les silences sont présents de plus en plus mais le temps ne se fait pas plus long. La partition de Thut est une frise de strates mécaniques qui nous fait croire que tout est décidé à l’avance.
Mais voici que la pluie tombe et, ça, Thut ne l’avait pas prédit. Elle tombe sur sa sculpture mobile de vingt-et-une pièces, ses vingt-et-une pièces de trois minutes zéro six. Mais à chaque réapparition d’un des trois instruments, elle fait silence – ou est-ce mon attention qui fait silence ? Elle me laisse à mon écoute, elle m’oblige à l’attendre. Trois minutes zéro six de plus. Trois minutes zéro six encore. Pour toujours.
Stefan Thut : Drei, 1-21 (Edition Wandelweiser)
Enregistrement : 2011-2012. Edition : 2013.
CD : 01-21/ 03:06
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Tilbury, Chang, Drouin... : Variable Formations (Another Timbre, 2013) / Tilbury : Triadic Memories (Atopos, 2008)
Au Café Oto le 16 février 2013, Johnny Chang et Jamie Drouin invitèrent John Tilbury, Angharad Davies, Phil Durrant et Lee Patterson à composer au gré de formations changeantes : solo du pianiste, duo Chang / Drouin, trio Davies / Durrant / Patterson, enfin, sextette à entendre sur ce disque.
En faisant écho à la musique jouée plus tôt (celle d'Eva-Maria Houben, par exemple, pour le trio), les musiciens improvisèrent ensemble : le piano, sur deux notes, attire à lui l'archet du violon et une ligne électronique tremblante ; un lot de cordes lasses accentue les appréhensions, et même les angoisses, d'un clavier sur l'éternel retour ; une délicatesse partagée soigne les reliefs d'une pièce de musique électroacoustique où les évocations et les références enrichissent une électroacoustique de belle déconvenue.
John Tilbury, Johnny Chang, Jamie Drouin, Phil Durrant, Lee Patterson, Angharad Davies : Variable Formations (Another Timbre)
Enregistrement : 16 février 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Variable Formations
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
En concert à Londres, le 6 octobre 2008, Triadic Memories par John Tilbury. Cette note aigue, encore, non pensée mais révélée par Morton Feldman, qui à sa traîne en commande deux ou trois autres, plus graves qu’elle mais qu’elle fait tourner au rythme d’un balancement perpétuel. Dont les effets sont imprévisibles. Plus loin, Tilbury interprète Notti Stellate a Vagli, hommage à Feldman signé Howard Skempton. Les notes sont liées davantage mais la délicatesse est de rigueur encore. Tout est une autre fois affaire de notes défaites et suspendues.
John Tilbury : Triadic Memories / Notti Stellate A Vagli (Atopos)
Edition : 2008.
2 CD : CD1 : 01/ Triadic Memories Part 1 – CD2 : 01/ Triadic Memories Part 2 02/ Notti Stellate A Vagli
Guillaume Belhomm © Le son du grisli
Ce dimanche 1er juin à 14 heures, John Tilbury sera de concert avec Isabelle Duthoit, Anne-James Chaton et Frantz Hautzinger, à Vandoeuvre, dans le cadre du festival Musique Action.