Mike Osborne : Dawn (Cuneiform, 2015)
Derviche tourneur de la scène improvisée britannique, Mike Osborne assiégeait deux tournis : celui de son phrasé empli de hautes spirales et celui de sa propre schizophrénie, cette dernière l’éloignant à partir des années 1980 du circuit jazz. Pour l’heure, nous sommes en 1970 et l’altiste attaque les aigus à la base.
La phrase refuse de s’arrêter, le looping est dolphyen (Scotch Pearl), l’harmolodie parfois colemanienne (TBC) et la ritournelle épisodiquement aylérienne (1st). Ne pouvant que constater l’intensité des manœuvres, Harry Miller et Louis Moholo s’accrochent à l’insaisissable, s’en sortent à merveille.
Quatre ans plus tôt, toujours aux côtés d’un John Surman barytonnant sans conviction, du fidèle Miller et d’un vibrant Alan Jackson, l’altiste – toujours sans pianiste – cherchait à embrayer la boite aux lyrismes secs avant d’y échouer. Puis, tous ensemble, trouvaient dans l’Aggression de Booker Little le chemin des vives clairières. Moments magiques et documents précieux, cela va de soi.
Mike Osborne : Dawn (Cuneiform / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1966 & 1970. Edition : 2015.
CD : 01/ Scotch Pearl 02/ Dawn 03/ Jack Rabbit 04/ TBC 05/ 1st 06/ TBD 07/ Seven by Seven 08/ And Now the Queen 09/ An Idea 10/ Aggression
Luc Bouquet © Le son du grisli
Peter Lemer : Local Colour (ESP, 2013)
Cette jeunesse britannique était sans peur, sans reproche et surtout sans frontière. Elle était accrochée au free jazz noir américain mais savait aussi s’en dégager. Sa mitraille était millésimée mais ne se perdait jamais en convulsions inutiles. Elle n’était pas avare de coulées brusques et de saxophones perçants. Elle ne trouvait pas ridicule cette caisse claire tapageuse, ces cymbales mal ordonnées. Mais elle savait aussi prendre quelques sentiers pacificateurs, contemplatifs. Elle savait jouer avec l’espace, pouvait prétendre à la sagesse et au retrait. Et se posait la question de l’avenir et de l’avenir des dissonances.
En 1966, Peter Lemer, Nisar Ahmad Khan, John Surman, Tony Reeves et John Hiseman enregistraient pour ESP, ce qui n’est pas rien. Certains se sont éclipsés, d’autres ont eu la carrière que l’on connaît. Reste cette œuvre de jeunesse qui, comme toute œuvre de jeunesse, reste imparfaite mais si juste dans ses éclats.
Peter Lemer Quintet : Local Colour (ESP / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1966. Réédition : 2013.
CD : 01/ Ictus 02/ City 03/ Flowille 04/ In the Out 05/ Cramen 06/ Enahenado
Luc Bouquet © Le son du grisli
John Surman : Flashpoint (Cuneiform, 2011)
Un zeste d’Africa-Brass, un zeste de big-band bien swinguant, un zeste de free héroïque : John Surman, en ce printemps 69, multiplie les figures avec décontraction et détermination. Donne la parole aux diplomates (Kenny Wheeler, Ronnie Scott, Fritz Pauer), aux éruptifs affamés (Alan Skidmore, Mike Osborne), à ceux qui ne savant pas trop quoi en faire (Malcolm Griffiths, Erich Kleinschuster, Alan Jackson) ; charge le merveilleux Harry Miller de lier le tout. Et n’oublie pas, au passage, de signer quelques vaillants solos.
En CD et en DVD noir et blanc (avec indications et remarques du leader après chaque prise), cette répétition filmée mérite amplement le détour.
John Surman : Flashpoint : NDR Jazz Workshop – April ’69 (Cuneiform / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1969. Edition : 2011.
CD : 01/ Mayflower 02/ Once Upon a Time 03/ Puzzle 04/ Gratuliere 05/ Flashpoint - DVD : 01/ Mayflower 02/ Once Upon a Time 03/ Puzzle 04/ Gratuliere 05/ Flashpoint
Luc Bouquet © Le son du grisli
John Surman, Howard Moody: Rain on The Window (ECM - 2008)
Dans une église d'Oslo, le saxophoniste John Surman enregistrait récemment Rain on The Window avec l'organiste Howard Moody. S'il fait figure de curiosité musicale et parvient parfois à convaincre sur des pièces d'une concentration discrète bousculée par un intérêt pour le folklore nordique, le disque distille sur son ensemble un ennui profond. Presque partout, l'habileté de Surman au soprano et au baryton étouffe sous un lyrisme exagéré qui finit par rendre l'office interminable.
CD: 01/ Circum I 02/ Stained Glass 03/ The Old Dutch 04/ Dancing in The Loft 05/ Step Lively ! 06/ Stone Ground 07/ Tierce 08/ Circum II 09/ Rain on The Window 10/ Dark Reeds 11/ O Waly Waly 12/ A Spring Wedding 13/ I'm Troubled in Mind 14/ On The Go 15/ Pax Vobiscum >>> John Surman, Howard Moody - Rain on The Window - 2008 - ECM. Distribution Universal.
Graham Collier : Hoarded Dreams (Cuneiform - 2007)
En 1983, le contrebassiste anglais Graham Collier abandonnait son instrument au profit de la direction d’un orchestre d’exception, qui comptait dans ses rangs John Surman, Ted Curson, Tomasz Stanko ou Kenny Wheeler - 4 musiciens auprès de 16 autres, partis défendre ensemble Hoarded Dreams.
Dans les pas de George Russell, Collier interroge ici le rapport d’un jazz qu’il a toujours servi et d’une musique contemporaine décomplexée. Sortis des brouillards dissonants, une valse emportée ou un grand swing peuvent alors voir le jour ; ailleurs, une musique de chambre tourmentée ou un brin de funk rehaussé par les cuivres se disputent les faveurs de la composition. Toutes combinaisons faisant place, à intervalles presque réguliers, à un free jazz brouilleur de cartes.
Décelables parmi les envolées, les gestes précis de solistes remarquables : la trompette de Curson et le saxophone baryton de Surman sur Part 2, la flûte de Geoff Warren sur le mouvement lent de Part 4. Gratifications supplémentaires à celles déjà offertes par une pièce réfléchie, menée d’une main vicieuse par Graham Collier lui-même.
Graham Collier : Hoarded Dreams (Cuneiform / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1983. Edition : 2007.
CD : 01/ Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3 04/ Part 4 05/ Part 5 06/ Part 6 07/ Part 7
Guillaume Belhomme © Le son du grisli