Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Twenty One 4tet : Live at Zaal 100 (Clean Feed, 2016)

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Ayler résonne en eux : même façon d’entrelacer leurs lyrismes, mêmes élans convulsifs, même abstraction du rythme. Ceux qui y trouveront à redire retourneront vite à leurs petits princes sur papier glacé. Les autres (j’en suis, j’en suis !) ne s’useront jamais de leurs joutes, de leurs solidités et endurances résolues.

A Amsterdam, ce soir-là, Luis Vicente (trompette), John Dikeman (saxophone ténor), Wilbert de Joode (contrebasse) et Onno Govaert (batterie) apportèrent de nouvelles nuances : épurer le texte, créer une masse expressive, faire du torride un terrain d’expérimentation lisible, sortir d’un brötzmannisme stérile, introduire un zeste de brasier sonique, briser la stature du fort-en-gueule, ne plus saturer le cercle. Et, ainsi, camper dans la toute proximité des glorieux et admirés ancêtres.


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Twenty One 4tet : Live at Zaal 100
Clean Feed / Orkhêstra International
Enregistrement : 27 septembre 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Red Moon 02/ Rising Tide 03/ Undertow 04/ Vesuvius
Luc Bouquet © Le son du grisli



John Dikeman, William Parker, Hamid Drake : Live at la Resistenza (El Negocito, 2015)

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Quelque chose survient ici, qui devrait nous mettre la puce à l’oreille : le très prévisible duo William Parker / Hamid Drake le devient nettement moins. Il faut dire que les phrasés de rocailles et d’escarres de John Dikeman ne sont pas ceux de tout le monde. Ce sont des phrasés de force et de colère. Ce sont des phrasés qui rugissent. Ce sont des phrasés qui ne demandent qu’à être captés et étendus. Ce ne sont pas des phrasés insaisissables, mais des phrasés en attente d’amis.

Donc : les cris, les convulsions, les lamentations et ce vieux free jazz qui bouge encore. J’en vois qui s’en lassent. J’en vois qui se réjouissent. Je m’adresse donc à la deuxième catégorie : ouvrez les oreilles, mes amis, car un nouveau trio vient de naître. En choisissant de jouer avec  la paire Parker / Drake, Dikeman savait qu’il ne pouvait compter que sur lui seul. Le pari est gagné : ces trois-là s’écoutent, se comprennent, se complètent, s’amuseraient presque. Et oui, ce qui n’aurait pu n’être qu’un gig de plus cède la place à un concert vif, sans flottement, sans encombrements. C’est à suivre, me semble-t-il.



John Dikeman, William Parker, Hamid Drake : Live at la Resistenza (El Negocito Records)
Enregistrement : 5 mai 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Gratitude 02/ Invocation 03/ Bad Uncle John! 04/ WY Funk
Luc Bouquet © Le son du grisli


Universal Indians, Joe McPhee : Skullduggery (Clean Feed, 2015)

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C’est à l’occasion d’une tournée que fit Joe McPhee avec Universal IndiansJohn Dikeman (saxophones), Jon Rune Strøm (contrebasse) et Tollef Østvang (batterie) – que fut enregistré ce concert. A Anvers, le 15 juin 2014.

Certes, la formule est classique, mais ne manque pas d’intérêt : l’esprit avec lequel McPhee explore l’intérieur de sa trompette de poche ou  tire de ses saxophones des phrases aussi concises que profondes invite le trio à l’écoute et même à la réflexion. Ainsi, Dikeman – dont on connaît la vivacité et le souffle épais – ménage-t-il ses partenaires pour mieux accepter un intelligent compromis : les salves furieuses rivalisent alors avec un chant engagé par l’archet de contrebasse (ailleurs, une vocalise en hommage à Dewey Redman) ou une mélodie lâche. Le morceau-titre, de fondre ces intentions différentes avec naturel épatant.

Universal Indians, Joe McPhee : Skullduggery (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 15 juin 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Yeah, and? 02/ Dewey’s Do 03/ Skullduggery 04/ Wanted
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

survival unitJoe McPhee emmènera ce jeudi soir à Brest, dans le cadre de l'Atlantique Jazz Festival, son Survival Unit III.


Cactus Truck : Seizures Palace (Not Two, 2015) / Are You FREE? (BeCoq, 2015)

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Pire que la tondeuse du dimanche et les cigales de l’été : le nouveau Cactus Truck (John Dikeman, Jasper Stadhouders, Onno Govaert). Le p’tit dernier se nomme Seizures Palace. Ici, ce n’est qu’éruption continue : pas de regret pour le silence. Papa Cage ne s’en remettrait pas.

Oui, c’est une bataille. C’est l’axe du brutal. Guitares cisaillantes, batterie en rebonds retors, saxophone forant le cri jusqu’à l’agonie : la morsure est fatale. Le chaos n’admet aucune reconstruction. Je ne sais comment les p’tits jeunes nomment ça : proto-noiso-préhistorico-punko-garage ? Moi, et depuis longtemps d’ailleurs, je ne sais qu’une chose : diable, que je les aime ! Après le non du peuple grec, une autre bonne nouvelle : le Seizures Palace de Cactus Truck.

Cactus Truck : Seizures Palace (Not Two Records)
Enregistrement : 2012. Edition : 2015.
CD : 01/ ? 02/ Will to Power 03/ Drones 04/ Fetzer 05/ Difference & Repetition 06/ Fuck You Nash 07/ One for Roy 08/ Fourth Wind
Luc Bouquet © Le son du grisli

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En trois temps – 01/ Are 02/ You 03/ FREE?, pour reprendre le nom du festival slovaque qui programma le trio ce 10 octobre 2014 –, Cactus Truck improvise et pose la question de la liberté (de jeu). Mais aussi des artifices qu’elle impose : free ascensionnel (un contrepoids – le trombone de Jeb Bishop, hier – aurait ramené à la raison le ténor de John Dikeman), colifichets « soniques » débités en repli commandé (guitare de Jasper Stadhouders là pour faire patienter le public entre deux emportements) et succession de reliefs contrastants découpés à la baguette (Onno Govaert, donc). Caractéristique d’une improvisation tonitruante, certes, mais sans grand caractère, aussi.  

Cactus Truck : Are You FREE? (BeCoq)
Enregistrement : 10 octobre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Are 02/ You 03/ FREE?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Gonçalo Almeida, John Dikeman, George Hadow : O Monstro (Creative Sources, 2014)

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Messieurs-Dames, vous voilà prévenus : cela s’appelle un disque de free jazz. Pour les aficionados du genre (dont je suis), ce disque égalerait presque le Raining Fire de Charles Gayle. Mille-feuille sur tom et caisse claire martelée (George Hadow), archet dissonant et adverse (Gonçalo Almeida), ténor en surchauffe (John Dikeman) : on connait la formule, on y admet souvent quelque lassitude d’écoute.

Mais il y a ici l’homme des Cactus Truck, ce souffleur infatigable, ce bourreau du souffle nommé John Dikeman. Chez lui, la tendresse ne pourra être que convulsive, les tics seront envoyés au vestiaire. Adepte de la déconstruction, refusant distraction et automatismes, il lacère, brutalise son ténor, borde cette bête immonde qu’est le free jazz. Après tant de copies (le saxophoniste y est parfois tombé anche la première) et d’implosions inutiles, voici un disque réconfortant. Bruyamment réconfortant.

Gonçalo Almeida, John Dikeman, George Hadow : O Monstro (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Pentagon 02/ Eastern Tides 03/ Vrieke! 04/ O Monstro
Luc Bouquet © Le son du grisli



Improvisation Expéditives : Cactus Truck, Michel Côté, Igor Lumpert, Michael Vlatkovitch...

impro expéditives décembre 2012

igor lumpertIgor Lumpert : Innertextures Live (Clean Feed, 2012)
De ce jazz sans tension(s) et sans émoi(s), on ne raffole pas. Parce que trop précautionneux, parce que refusant la périphérie et parce que plafonnant en des motifs monotones, l’oreille s’évade. Reconnaissons néanmoins au saxophoniste ténor slovène Igor Lumpert une délicatesse non feinte et une sensibilité idéale quand s’invite la ballade (Sea Whispers, This Is for Billie Holiday). Sans brusquerie, contrebassiste (Christhopher Tordini) et batteur (Nasheet Waits) assistent le saxophoniste dans sa quête de douce prudence. Mais sans danger, où est le salut ?

vlatkovitch tryyo

Vlatkovich Tryyo : Pershing Woman (pfMENTUM, 2012)
Un batteur virevoltant (Damon Short), un violoncelliste languide (Jonathan Golove), un tromboniste volubile (Michael Vlatkovich), un bop qui n’en est pas, des thèmes passe-partout, des failles dans la mise en place, des dialogues croisés, des sautes d’humeur, une énergie débordée, des tricotages audacieux, une difficile facilité… et une prise de son si médiocre (comprenne qui pourra !) que l’on a du mal à aller jusqu’au terme du CD. C’était donc le Vlatkovich Tryyo.

peter romPeter Rom, Andreas Schaerer, Martin Eberle : Please Don’t Feed the Model (Unit, 2011)
Curieuses matières proposées par le trompettiste Martin Eberle, le guitariste Peter Rom et le vocaliste Andreas Schaerer : matières maniables et à la limite de la roublardise même si parfois entêtantes. Matières se répétant, invitant à faire se rencontrer Afrique et Brésil, human beatbox timide et arpèges lascifs. Dans cet océan de normalité, écartelée entre sirupeux et danger, la trompette de Martin Eberle émerge, libre et fusionnante. Presque mauvaise élève d’une musique frôlant plus d’une fois la ligne rouge.

cactus truckCactus Truck : Brand New for China! (Public Eyesore, 2012)
De cette sauvagerie extrême venue d’Amsterdam (John Dikeman : saxophones,  Jasper Stadhouders : guitare et basse électriques, Onno Govaert : batterie), on notera la colère exaucée, le déchaînement continu, l’étranglement convulsif, le paroxysme jamais abandonné, un chaos qui jamais ne se civilise, une basse enrhumée, un essorage de la matière, des bruits sans fin… et aucune trace d’essoufflement. Belle performance, messieurs !

maikrotonMaïkotron Unit : Effugit (Rant, 2012)
Du maïkotron, instrument à vent de la famille des bois, crée en 1982 par Michel Côté, on découvre ici quelques-uns des rauques effets. Entre hautbois enrhumé et clarinette basse grippée, on sait que cet assemblage hybride de trompettes, cornets, saxophones, clarinettes et trombone, courant sur cinq octaves et possédant des vertus microtonales peut s’ouvrir à de nombreux possibles. Possibles partiellement oubliés par Michel Côté, Michel Lambert et Pierre Côté dont la suave et très inspirée improvisation (longues introspection, espaces ouverts) éclaire plus les clarinettes, flûtes et saxophones des deux souffleurs que les troubles inflexions de cet étonnant maïkotron. 

shalabiSam Shalabi, Alexandre St-Onge, Michel F. Côté : Jane and the Magic Bananas (& Records, 2012)
Précepte cher à Glenn Branca, le petit jeu consistant à passer d’un apparent chaos à une transe évolutive, se retrouve plusieurs fois appliqué ici. Nous dirons donc que la guitare électrique de Sam Shalabi, la guitare basse d’Alexandre St-Onge et la batterie amplifiée de Michel F. Côté œuvrent dans l’hypnotique et le dérèglement. Sachant s’échapper de la masse pour mieux faire bloc, nos trois sidérurgistes donnent aux sévices soniques quelques vives médailles : pièces courtes et déplumées, travaillant sur les micro-intervalles, souvent déphasées et grouillantes, elles prennent source dans la dissonance même. En ce sens, habitant un profond aven, impriment la douleur dans la chair d’une musique sauvage à souhait.


The Royal Improvisers Orchestra : Live at the Bimhuis (Riot Impro, 2011)

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The Royal Improvisers Orchestra est constitué d’une vingtaine de musiciens. Le saxophoniste et clarinettiste Yedo Gibson en est le fondateur. Un soir de 2008, on les enregistre au Bimhuis. Et ainsi, l’on découvre un combo soucieux d’improviser sans (se) déborder.

Une première plage (Collective Improvisation) déserte peu à peu les espaces pour s’offrir quelques acomptes de frayeur avant chaos foudroyant. Plus loin, les voix oscillent entre tortures et tentations. Les autres conductions regorgent d’un même sérieux : déconstruction du motif in Burocratie, ambiance de fête foraine entrecoupée de solennels solos d’alto in Imigratie Walk, effrois et médisances sur fond de glissendi ligetien in Truism Turism, délirium baroque in His Composition. Soit The Royal Improvisers Orchestra : combo raisonnablement prometteur.  

The Royal Improvisers Orchestra : Live at the Bimhuis (Riot Impro)
Enregistrement : 2008. Edition : 2011.
CD : 01/ Collective Improvisation 02/ Burocratie 03/ Imigratie Walk 04/ Truism Turism 05/ His Composition
Luc Bouquet © Le son du grisli


John Dikeman, Klaus Kugel, Raoul van der Weide : Across the Sky (Not Two, 2012)

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Dans la famille des hauts-convulsifs, John Dikeman a toute sa place. Saxophoniste dans la lignée des Ware-Gayle-Perelman, l’Américain ne trouve son bonheur que dans la ligne brisée, le cri-morsure. On ne lui demandera pas de clarifier son phrasé puisque tel n’est pas son domaine. Reste que la thématique utilisée ici (un long bruissement inaugural avant le fracas sonique annoncé) ne change que très peu d’une plage à l’autre.

Armés jusqu’aux dents et parfaits accompagnateurs du chaos orchestré par le saxophoniste, le contrebassiste Raoul van der Weide et le batteur Klaus Kugel pulsent la matière inlassablement au risque de la rendre inefficace. Et parfois, subtilisent au magma convulsif des sentiers de subtilité bienvenue. Nécessaires moments d’apaisement avant que le ténor ne retrouve le pourpre d’un enfer dans il est l’un des plus inspirés gardiens.

John Dikeman, Klaus Kugel, Raoul van der Weide : Across the Sky (Not Two)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A screaming Comes 02/ Across the Sky 03/ It Has Happened Before…
Luc Bouquet © Le son du grisli

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Marta Warelis, Frank Rosaly, Aaron Lumley, John Dikeman : Sunday At De Ruimte (Tractata / Doek, 2021)

A l'occasion (et jusqu'à) la parution, à la fin du mois d'avril 2022, de l'anthologie du Son du grisli aux éditions Lenka lente, nous vous offrons une dernière salve de chroniques récentes (et évidemment inédites). Après quoi, ce sera la fermeture. 

marta warelis sunday at de ruimte

Le titre est assez clair, ne manquait que la date : 2 août 2020. Un bébé dans l’assistance apporte un peu de couleur à une introduction que Marta Warelis veut sombre et patiente. Aux côtés de la jeune pianiste polonaise, c’est John Dikeman (saxophone), Aaron Lumley (contrebasse) et Frank Rosaly (batterie).

Le saxophone louvoie, rampe même, sur la première intention de la pianiste. L’improvisation est en place, qui progresse et compose avec prudence. L’invention de Rosaly, les sons qu’il décoche des différents éléments de son instrument, font naître un relief qui joue de l’ombre et la multiplie. Ne reste plus qu’à attendre que les individualités éclatent, l’une après l’autre : en deuxième plage un grand solo de Lumley, un peu plus loin l’expression rageuse de Dikeman et les notes en cascades de Warelis.

Bien lancé, le quartette changera souvent d’altitude sans manquer d’intéresser jusqu’à ce que l’usage d’une flûte ramène l’expression à terre où les musiciens se séparent avec une élégante nonchalance.

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Cactus Truck : Live in USA (Eh? / Tractata, 2013)

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Si John Dikeman (saxophones), Jasper Stadhouders (guitare et basse électriques) et Onno Govaert (batterie) se cachent derrière Cactus Truck c’est qu’ils ne craignent ni l’épine ni la vitesse. D’ailleurs, le power trio sax / guitare / batterie se s’embarrasse pas de présentation : à la place, il déverse directement le même free costaud que Luc Bouquet avait entendu sur Brand New China.

Sur le CD en question, les Hollandais ont placé des morceaux de trois concerts donnés aux USA, parfois avec Jeb Bishop (les deux premiers titres) et parfois avec Roy Campbell (le dernier titre). Et oui, le trio étend sa menace et les murs étasuniens en tremblent. Heureusement que Bishop improvise et que Campbell mélodise pour que le free jazz de Cactus Truck n’abatte pas tout jusqu’au dernier de leurs auditeurs. S’ils ont les épaules assez larges, ces-derniers applaudiront le groupe sur les ruines.

Cactus Truck : Live in USA (Eh? / Tractata Records)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Prairie Oyster 02/ Seans Gone 03/ Hot Brown 04/ The Twerk 05/ Magnum Eyebrow 06/ Wedding Present (Sorry Erine) 07/ Ninja
Pierre Cécile © Le son du grisli



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