For Promotional Use Only? Jemh Circs, Tucker Dulin & Ben Owen, John Chantler
Piqué par quelques remarques (la loi des séries, en mai et juin et même si mai et juin c'est déjà loin c'est quand même beaucoup) de lecteurs (c’est donc qu’il y en a, et ils sont parfois musiciens >> smiley clignant de l’œil) sur mon travail de « critique musical », l’envie m’a titillé d’expliquer pourquoi je fais vite et pourquoi je ne décris pas tant que ça la musique des galettes que je reçois. Et puis non. Non, je n’expliquerai rien, mais je promets que je ferai pire. Car je peux faire (encore) pire, évidemment. En plus de mon incapacité choisie (oui) à ne pas décrire, voilà que je survolerai maintenant la production FPUO (For Promotional Use Only > c'est pas à un mois de la fin des chroniques de disques en ligne sur le son du grisli que je vais lancer une rubrique, dommage mais tant pis j'avais qu'à y penser avant) que je reçois. Après tout, quand un disque est mauvais sa copie l’est tout autant (et même parfois elle saute mais parfois vaut mieux pour elle) et me voilà dans l’impossibilité de le revendre à un prix défiant toute concurrence = à la poubelle. Et dans la banlieue silencieuse où je réside, je suis lourdement taxé sur les déchets.
Dans la banlieue silencieuse où je réside, donc, qu’avais-je besoin de ces sauts de puce électronique, de ces plages qui ont la bougeotte triste ? La copie d’un LP de Jemh Circs (CD-R LC 06790 tamponné des noms de l’artiste et du label Cellule 75) qui saura ennuyer tout amateur de bonne électro à synthés. Du Bel Canto mou de la glotte ou du Momus instrumental qui se la jouerait expé (tiens là un bruit de verre, tiens là un larsen, lequel je garde putain ?…).
Quitte à donner dans l’expérimental, j’ouvre la pochette du Tucker Dulin / Ben Owen. Dans la version que j’ai reçue de For Echo of Echo il y a un carton plié en deux (un « /30 » apparaît au dos mais le mien est barré par un trait de crayon) et un CD-R (TDK 52X 700MB). Une demi-heure d’une prestation enregistrée en 2013 à New York, dans une galerie au public comblé je n’en doute pas par des bruits de trucs traînés par terre, un drone électronique ou deux notes de cuivre (je ne saurais dire lequel)… Je ne comprends pas vraiment ce que font Dulin et Owen, ce qu’ils cherchent et pourquoi ils pensent que le son de leur performance pourrait m’intéresser. La question restera en suspens.
Comme la question que pose John Chantler : Which Way to Leave? Retourner au bidouillage électro ? Bon. Va pour le Chantler alors… Un autocollant avec la tracklisting et les infos de base sur une pochette cartonnée avec dedans un autre CD-R imprimé… D’une autre trempe que celle de Jemh Circs, la copie de celui-là, alors qu’elle aussi peut sautiller mais avec une gaucherie classe qui la rend intéressante. Bizarre dans sa façon de se tenir, de s’aplatir à la Eno ou de saturer à la grecque, Chantler accouche d’une belle œuvre abstracto-dépressionniste. Ce qui me fait avouer qu’il y a bien sûr des FPUO que l’on garde. Et qu’il peut même arriver que le pauvre chroniqueur de banlieue achète « le vrai » bon disque qu’on lui a gentiment copié pour que, avec un peu de chance et même rapidement, il en fasse encore mieux après la publicité.
Jemh Circs : Jemh Circs
Cellule 75
Edition : 2016.
CD : 01-09/ Jemh Circs
Tucker Dulin, Ben Owen : For Echo of Echo
Enregistrement : 2013. Edition : 2016.
CD : 01/ Echo of Echo
John Chantler : Which Way to Leave?
Room40
Edition : 2016.
CD : 01-09/ Which Way to Leave?
Pierre Cécile © Le son du grisli
P.S. : N'hésitez pas à réagir à cette rubrique afin qu'elle ait une chance de se poursuivre dans la version papier du son du grisli.
John Chantler : Still Light, Outside (1703 Skivbolaget, 2015)
Si (jusque-là) j’ignorais tout de John Chantler (ce qui prouve au lecteur que je ne connais pas ma grisli bible par cœur), Still Light, Outside m’a bien motivé à aller fouiller, comme on dit de la taupe au trou. Et de la taupe au trou, on sait qu’il n’y a qu’un pas.
Alors qu’est-ce ? Eh bien un Long Shadow of Decline en trois parties à l’instrumentarium qui trahit des guitares, un church organ et des electronics, bref de quoi faire. Et faire bien puisque Chantler fabrique avec tout ça une sorte d’ambient expérimentale (oui, mais légère) qui entasse n’importe quel bacillaire ou adventice (des synonymes de parasite) avec un calme agaçant (pour eux, en tout cas j’imagine).
L’auditeur que je suis n’a plus qu’à constater, la tête dans les étoiles, que ce suspense de film fantastique rêvé est moins effrayant que bien bien malin et que ses sons continus ont même l'accueil sympathique. C’est dire la confiance qu’il faut. Et, même si c’est un peu frais, je fais toute confiance à John Chantler.
John Chantler : Still Light, Outside (1703 Skivbolaget)
Enregistrement : août-novembre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ The Long Shadow of Decline – Pt I 02/ 01/ The Long Shadow of Decline – Pt II 03/ 01/ The Long Shadow of Decline – Pt III
Pierre Cécile © Le son du grisli
John Chantler : Even Clean Hands Damage the Work (Room40, 2014)
Quitte à ce que ma chronique tienne pour l’essentiel dans la citation d’un camarade (on appelera ça une chronique de rentrée), j’ose quand même : « l’homme de Brisbane oublie qu’en musique plus que dans tout autre art, l’expérimentation est une arme à double tranchant qui peut très vite terminer sa course planté dans un sol aussi aride qu’il est stérile » (Fabrice V., à propose de The Luminous Ground).
Quelques années plus tard, sur le même label, Even Clean Hands Damage the Work du même John Chantler produit les mêmes effets : après les bombardiers de Kahn et Asher (Planes), les lévitations de Chantler pèsent trop peu pour planer ; ensuite ses tressages de perles sonores n’ont que peu d’intérêt : une guitare sous acide collée à un space program post(déjàoui)-rafaeltoralien puis un drone chiatique… bon bon. Et quitte à finir sur une autre citation, finissons-en (déjàoui) : « l'homme de Brisbane, parfois rude, reste toujours insipide ».
John Chantler : Even Clean Hands Damage the Work (Room40)
Edition : 2014.
LP : 01/ Even Clean Hands 02/ Damage the Work
Pierre Cécile © Le son du grisli
John Chantler, Steve Noble, Seymour Wright : Front Above (1703 Skivbogalet, 2017)
Aux synthétiseurs, c’est un John Chantler tendu – pour ne pas dire nerveux – que l’on trouve ici aux côtés du saxophoniste Seymour Wright et du batteur Steve Noble. Le trio a été enregistré le 7 mai 2017 au Cafe Oto : six courtes pièces improvisées font le disque.
Sur la première, les claques que distribue Noble sont vertueuses, incitant Wright à forcer le trait d’un jeu convulsif et Chantler à trouver les sonorités capables de rivaliser avec celui-ci. Déjà, l’équilibre du trio est évident, qui s’essaye ensuite à un instable engourdissement : sur le troisième et dernier Front, Chantler semble ainsi décider de l’allure, comme il tissait hier en solitaire sa synthétique musique d’atmosphère.
Sur le premier Above, c’est par contre Wright qui en impose, dans les pas de Parker, cherchant en saxophoniste « remarkable » des formules que Noble rehaussera en pointilliste tandis que le synthétiseur, lui, ronronne ou rit sous cape. Chantler ne pouvait aborder le champ improvisé en meilleure compagnie, dont il aura su profiter jusqu’au bout – et même bousculer un peu, comme lorsqu'il s’adonne à la couture sur deux notes d’alto répétées sur Above 2.
John Chantler, Steve noble, Seymour Wright : Front Above
1703 Skivbolaget
Enregistrement : 7 mai 2017. Edition : 2017.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
John Chantler : The Luminous Ground (Room40, 2011)
Essentiellement connu sous nos latitudes nordiques pour son apport au très réussi U de Tujiko Noriko, John Chantler se retrouve tout naturellement sur le label Room40 de son pote Lawrence English pour sa seconde tentative solo. Globe-trotter devant l’éternel (il a résidé au Japon avant d’émigrer à Londres), le musicien australien explore sur The Luminous Ground les dérives psychotiques en tout genre, pourvu qu’elles soient denses et saturées.
Essentiellement, vous l’avez deviné, psychédéliques et kaléidoscopiques, les aventures dessinées par Chantler déploient en filaments serrés des envies d’au-delà sous psychotropes – on pourrait vous resservir toute notre panoplie de mots en psy-machin, tiens. Toutefois, un vague sentiment d’abandon envahit rapidement l’espace à l’écoute de ses sept titres. Ne cherchant d’ailleurs jamais à caresser l’auditeur dans le sens du poil, ce qui est totalement respectable, l’homme de Brisbane oublie qu’en musique plus que dans tout autre art, l’expérimentation est une arme à double tranchant qui peut très vite terminer sa course planté dans un sol aussi aride qu’il est stérile.
EN ECOUTE >>> Untitled #2
John Chantler : The Luminous Ground (Room40)
Edition : 2011
LP : 1/ Untitled 2/ Untitled 3/ Untitled 4/ Untitled 5/ Untitled 6/ Untitled
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli