Steve Lacy Quintet : Last Tour (Emanem, 2015)
Ce concert jusque-là inédit se fait remarquer parmi les enregistrements plus anciens de Steve Lacy publiés récemment – par hatOLOGY (Shots) et Emanem (Avignon and After Volume 2 et Cycles). C’est qu’il consigne une des dernières prestations d’un quintette qui datait de 2001 (enregistrement à Paris de The Beat Suite) et réunissait le sopraniste, Irène Aebi, George Lewis, Jean-Jacques Avenel et John Betsch.
A la voix d’Aebi, Lacy ajoute ici la sienne : abîmée, mais néanmoins largement mise à contribution, ainsi récite-t-il William Burroughs, Robert Creeley, Bob Kaufman ou Ann Waldman et Andrew Schelling quand il ne prévient pas avec une certaine ironie l’audience présente à Boston ce 12 mars 2004 : « This is a real jazz tune ». Les textes des poètes, une fois repris par Aebi (qui ne s’embarrasse malheureusement que rarement de nuances, sur As Usual ou Train Going By), donneront leur titre à ces exercices de swing appliqué à quelques ritournelles.
Comme souvent celles de Lacy, les inventions de Lewis étonnent : expression rentrée en trombone sur Naked Lunch ou implacable solo sur l’un des classiques du sopraniste, Blinks. La musique qui se joue là est celle d’une formation qui navigue à vue sur des thèmes qui, sous leurs airs de légèreté, dissimulent une intensité étonnante. C’est l’effet de l’élégance qui n’aura jamais quitté Steve Lacy.
Steve Lacy : Last Tour (Emanem / Orkhêstra International)
Enregistrement : 12 mars 2004. Edition : 2015.
CD : 01/ The Bath 02/ Morning Joy 03/ As Usual 04/ Naked Lunch 05/ Baghdad 06/ Train Going By 07/ Blinks 08/ In the Pocket
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Steve Lacy – Roswell Rudd Quartet: Early and Late (Cuneiform Records - 2007)
De leurs jeunes années passées ensemble à défendre le répertoire de Monk, le saxophoniste Steve Lacy et le tromboniste Roswell Rudd auront gardé une amitié solide, de celles qui permettent les séparations et profitent des retrouvailles. Le temps de deux disques, Early and Late propose un exposé de celles-ci, pour peu qu'elles se soient déroulées en quartette.
Des extraits de concerts donnés en 1999 et 2002 inaugurent ainsi la sélection. Aux côtés du contrebassiste Jean-Jacques Avenel et du batteur John Betsch, la paire défend quelques thèmes soutenus au creux desquels glisser ses solos – qu'ils soient fantasques (Rudd sur Blinks) ou plus sagement élaborés (Lacy sur Bone) -, ou investit des progressions plus instables que se disputent langueur amusée et expérimentations légères (The Bath). En guise de morceaux de choix: The Rent, marche latine déboîtée, et Bamako, qui donne à entendre les souffleurs à l'unisson le temps d'une mélodie signée Rudd.
En 1962, c'est auprès du contrebassiste Bob Cunningham et du batteur Denis Charles que Lacy et Rudd enregistraient trois thèmes de Monk et un autre de Cecil Taylor. Sur une section rythmique polie, trombone et soprano servent donc un bop élaboré, capable d'incartades soudaines (les aigus inopinés de Lacy sur Think of One), le long d'une vingtaine de minutes inédites. Qui font de cette compilation un document important autant qu'une introduction idéale aux manières jointes de Steve Lacy et Roswell Rudd.
CD1: 01/ The Rent 02/ The Bath 03/ The Hoot 04/ Blinks 05/ Light Blue 06/ Bookioni - CD2: 01/ Bamako 02/ Twelve Bars 03/ Bone 04/ Eronel (take 2) 05/ Tune 2 06/ Think of One 07/ Eronel (take 3)
Steve Lacy – Roswell Rudd Quartet - Early and Late - 2007 - Cuneiform Records. Distribution Orkhêstra International.
Charles Tyler Ensemble: Live at Sweet Basil (Bleu Regard - 2006)
Ancien partenaire d’Albert Ayler, Sun Ra ou Steve Lacy, et après avoir enregistré sous son nom pour ESP ou Silkheart, le saxophoniste Charles Tyler redonnait en concert (1984) les preuves de sa capacité à mener un ensemble. Auprès de Roy Campbell (trompette), Richard Dunbar (cor), Curtis Clark (piano), Wilber Morris (contrebasse) et John Betsch (batterie).
Malgré le passif free du saxophoniste, c’est l’ombre de Monk qui plane sur cet enregistrement – phénomène dû aux interventions de Clark, souvent, et aux trois standards signés Thelonious que le second disque donne à entendre -, qui sert, dans la plupart des cas, un swing toujours impeccable et jamais clinquant (Bemsha Swing, Life Can Be So Beautiful, Honey Dripper).
Ailleurs, c’est vers d’autres influences que Tyler revient: menant de son saxophone baryton une marche déviante ou un blues qui rappellent les postures facétieuses de l’A.A.C.M. (Surf Ravin, Lucifer Got Uptight), sonnant l’heure d’un hommage angoissé et allant crescendo qu’il adresse à un ancien partenaire (Cecil Taylor Motion), ou dérivant jusqu’à obtenir un cool jazz extirpé d’un amas de dissonances (Reflections).
En deux volumes, Live at Sweet Basil rend compte de l'adresse avec laquelle Tyler savait fondre sa pratique avant-gardiste dans une exigence d’accessibilité tenant du leitmotiv. Sans jamais transiger pour autant.
CD1: 01/ Life Can Be So Beautiful 02/ Cecil Taylor Motion 03/ Surf Ravin 04/ Lucifer Got Uptight 05/ Honeydripper - CD2: 01/Round Midnight 02/ Reflections 03/ Bemsha Swing
Charles Tyler Ensemble - Live at Sweet Basil - 2006 - Bleu Regard. Distribution Orkhêstra International.