Fire!, Oren Ambarchi : In Your Mouth - A Hand / Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon, 2012/2013)
L’amateur de crochets et d'anicroches trouvera là son compte : In the Mouth – A Hand est ce récit de coups portés par Fire! à un invité de marque : Oren Ambarchi.
Alors que la rencontre du trio et de Jim O’Rourke (Released! / Unreleased?) avait accouché de ballades expérimentales, mornes mais néanmoins inventives, In the Mouth – A Hand joue de basses et de rythmes soutenus qui enjoignent Gustafsson et Ambarchi à faire respectivement œuvre de cris rentrés et de cordes envisagées au poing – parfois le coup est maladroit, la gesticulation manque son but, alors le moulinet tourne à vide et l’exercice tient de l’entraînement longuet. Mais dans son ensemble, le disque se montre digne d’intérêt : faite de nœuds inextricables, la musique qu’il délivre trouve dans son endurance même la raison de son entêtement.
Fire!, Oren Ambarchi : In the Mouth – A Hand (Rune Grammofon)
Enregistrement : 28 octobre 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A Man Who Might Have Been Screaming 02/ And The Stories Will Flood Your Satisfaction (With Terror) 03/ He Wants To Sleep In A Dream (He Keeps In His Head) 04/ Possibly She Was One, Or Had Been One Before (Brew Dog)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013
Au son de compositions de Gustafsson, Berthling et Werllin et sur des paroles d’Arnold de Boer, Fire! s’est fait grand orchestre. Enregistré le 13 janvier 2012, une trentaine de musiciens (dont Magnus Broo, Per-Ake Holmlander, David Stackenäs, Sten Sandell, Joel Grip ou Raymond Strid) s’y bousculaient de concert. Déclamant, Mariam Wallentin, Emil Swanangen et Sofia Jernberg, mènent la formation de ronde affolée en berceuse inquiète et de free folk en post-rock prog, obtiennent grâce après supplique : Fire!, stay with me.
Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon)
Enregistrement :13 janvier 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Exit! Part One 02/ Exit! Part Two
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013
Improvisation Expéditives : Breakway, Motif, Joe Williamson, Sam Shalabi, Ramon Prats, Jürg Frey, Nick Hennies...
Breakway : Hot Choice (Peira, 2011)
Sous couvert d’improvisation brusque, Paul Giallorenzo (piano, moog), Brian Labycz (synthétiseur) et Marc Riodan (batterie) enfilaient en 2010 des miniatures qui crachent ou claquent. Ici, leur musique joue les concrètes, ailleurs elle se laisse endormir par les drones ; là enfin, elle électrise. Sans ligne mais avec artifices, elle convainc d’un bout à l’autre. [gb]Motif : Art Transplant (Clean Feed, 2011)
Les souffles soudés d’Axel Dörner inaugurent Art Transplant, enregistrement du projet Motif sur des compositions du contrebassiste Ole Morten Vagan. A la mécanique réductionniste succèdera un jazz de facture assez classique, amalgame ressassé d’hard bop et de free dirigé d’une main molle. Si le piano reste d’un bout à l’autre « motif » de fâcherie, on remerciera Atle Nymo d’avoir lutté contre à coups de saxophones. [gb]Jürg Frey, Nick Hennies : Metal, Stone, Skin, Foliage, Air (L’Innomable, 2011)
Cette œuvre de percussion célèbre d’abord l’acharnement du triangle. Par touches délicates, ce sont ensuite cymbales, caisses et objets, qu’animent Jürg Frey (sorti du Percussion Quartet) et Nick Hennies jusqu’à fantasmer l’usage d’un petit moteur, le grondement du tonnerre ou le bris de morceaux de verre. Ainsi Metal, Stone, Skin, Foliage, Air investit le champ des travaux de Fritz Hauser ou d’Ingar Zach, sans toutefois convaincre autant que ceux de ces deux-là. [gb]Joe Williamson : Hoard (Creative Sources, 2011)
Il existe beaucoup de solos improvisés à la contrebasse. Hoard date de juin 2010 et, malgré les antécédents, se fait remarquer : accrocheur, endurant voire radical, le voici attachant. Joe Williamson y appuie, frotte, astique, balance ou scie, et, malgré quelques baisses de régime (et les mêmes antécédents), nous arrache la promesse d’y revenir. [gb] Sam Shalabi, Alexandre St-Onge, Michel F. Côté : Jane and the Magic Bananas (& Records, 2012)
Précepte cher à Glenn Branca, le petit jeu consistant à passer d’un apparent chaos à une transe évolutive, se retrouve plusieurs fois appliqué ici. Nous dirons donc que la guitare électrique de Sam Shalabi, la guitare basse d’Alexandre St-Onge et la batterie amplifiée de Michel F. Côté œuvrent dans l’hypnotique et le dérèglement. Sachant s’échapper de la masse pour mieux faire bloc, nos trois sidérurgistes donnent aux sévices soniques quelques vives médailles : pièces courtes et déplumées, travaillant sur les micro-intervalles, souvent déphasées et grouillantes, elles prennent source dans la dissonance même. En ce sens, habitant un profond aven, impriment la douleur dans la chair d’une musique sauvage à souhait. [lb]
Ramon Prats, Albert Cirera : Duot (DLB, 2012)
Pour ce duo saxophone (Albert Cirera) – batterie (Ramon Prats), creuser la matière s’envisage sur le long terme. Soit prendre un point d’appui (une mélodie, une situation rythmique) et en fouiller toutes les strates. Pour le batteur : entretenir la résonnance et faire du rythme un lointain allié. Pour le saxophoniste (flûtiste sur une plage) : improviser la phrase et ne jamais sombrer dans sa périphérie. Pour ce même saxophoniste, également : faire exister une respiration microtonale et ne jamais l’étouffer. Et surtout, pour tous les deux : ne jamais rompre le fil d’une improvisation généreuse si ce n’est spectaculaire. [lb]
Platform 1 : Takes Off (Clean Feed, 2012)
Au nombre des projets de Ken Vandermark, il faudra désormais compter avec Platform 1, qui l’associe à deux recrues de Resonance (Magnus Broo, Steve Swell) ainsi qu’à Joe Williamson (contrebasse) et Michael Vatcher (batterie). Les 5 musiciens se partagent les compositions.
Ce qui d’abord implique la mise en place d’un brass band affolé (Tempest, épreuve dolphyenne signée Swell, combinée à 2A>2B de Broo) au sein duquel le saxophone ténor jouera des coudes avant de plier sous la force d’un vent latin. Imposant Station, Vandermark répond à l’affront qui lui a été fait par une pièce de réflexion, qui joue d’unissons et de gimmicks mêlés. La trompette de Broo y trouve à dire autant que sur Compromising Emanations (Swell) à l’occasion des récréations que la composition réserve aux instruments à vent.
Le sombre climat de Deep Beige (Williamson) prouvera encore qu’une émotion profonde peut être exprimée pleinement quand un hommage à Roswell Rudd (In Between Charis, Vandermark) rétablira la balance en offrant à Williamson et Vatcher le soin de conduire un bel exercice de bop outragé. Et Takes Off aura tout dit ; pleinement.
Platform 1 : Takes Off (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 27 et 28 mai 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Tempest – 2A>2B 02/ Portal 33 03/ Station 04/ Dim Eyes 05/ Compromising Emanations 06/ Deep Beige + For Derek’s Kids 07/ In Between Charis
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sven-Åke Johansson : Jazzbox (SAJ, 2013)
Sous l’intitulé Jazzbox, Sven-Åke Johansson met en boîte cinq références de son propre label, SAJ, qui l’exposent en trio (Candy), quartettes (Cool, Tune Up) ou sextette (Cool encore).
Ce Cool Quartett que capteront les micros d’Eric La Casa en 2008 (Dancing in Tomelilla) est ainsi à entendre sur trois disques enregistrés en 2002 (pour les deux premiers), 2009 et 2012 (pour le troisième). Partout, Axel Dörner, Zoran Terzic et Jan Roder, servent un jazz ligne claire que se disputent le west coast et le « cool » annoncé. Au son de standards – George Gershwin, Jerome Kern, Cole Porter… –, le groupe évoque (My Heart Stood Still aidant) Chet Baker flottant sur le lac Wansee ou dépose la Berlin Alexanderplatz quelque part sur la carte entre San Francisco et New York. Sur le troisième volume, trois morceaux donnent à entendre le Quartett augmenté de deux membres : Tobias Delius et Henrik Walsdorff aux saxophones ténor et alto, dont les sonorités encanaillent Bernie’s Tune que popularisèrent Mulligan et Baker. Plus tortueuses, la poignée de compositions de Dörner que le Quartett interprète ici et là comblent le répertoire d’audaces qui, sur la longueur, peuvent manquer.
Plus « poli » encore, ce Candy que le trompettiste et le batteur enregistrèrent, en 2002 toujours, avec le contrebassiste Joe Williamson. Sur l’air de chansons anciennes (Candy, The Way You Look Tonight, Stars Fell on Alabama, Old Devil Moon…), le trio soigne ses gestes et prend garde aux dérapages. La formule souffrira en conséquence de la comparaison avec celle de Tune Up, disque enregistré plus récemment en quartette, dans lequel Johansson retrouvait Delius et Roder en présence d’Aki Takase. Ce sont alors Old Black Magic, Cool Blues ou The Song Is You, qui passent au son d’un swing tranquille que le piano bouscule parfois. Comme le Cool Sextett, le quartette de Tune Up « tombe » sur un équilibre qui flatte ses relectures.
Sven-Åke Johansson : Jazzbox (SAJ / Metamkine)
Enregistrement : 2002-2012. Edition : 2013.
5 CD : CD1/ Cool Quartett Vol. I CD2/ Cool Quartett Vol. 2 CD3/ Cool Quartett / Sextett CD4/ Tune Up CD5/ Candy
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Trapist : The Golden Years (Staubgold, 2012)
Avec son premier disque (Highway My Friend), sorti chez Hat en 2002, Trapist m'avait emballé, dans le genre : nonchalant, concret et un peu poisseux – en tout cas moins pompeux que The Necks, moins « branché » que Radian, dans une forme de cousinage avec Mersault peut-être.
Plus léché, produit ou explicite, le deuxième enregistrement du groupe (Ballroom, paru en 2004 sur Thrill Jockey) décevait franchement... et c'est avec quelque appréhension que j'ai écouté les quarante minutes du nouvel album, « recorded during the golden years ».
Je ne saurais dire exactement quel « âge d'or » Martin Siewert (guitares, electronics), Joe Williamson (contrebasse, trackerball) et Martin Brandlmayr (batterie, percussion, vibraphone, piano) pensaient ressusciter ici – d'autant plus que rien n'indique précisément quand ces quatre morceaux ont été gravés... bien que Pisa doive remonter à un concert de 2007 – mais il faut reconnaître que le trio retrouve ce pouls lancinant sur lequel, comme dans une sorte de raga, les arpèges de guitare (d'un Loren Connors à Paris-Texas) viennent se poser. Frôlant parfois d'inutiles joliesses atmosphériques, le groupe ne s'y enferre pas et arrive à garder le cap d'une musique certes accessible, homogène & réverbérée, mais intéressante, délicatement corrodée & faite main (à ce titre, le travail de Brandlmayr – aux balais, par exemple – vaut le détour).
Il semble bien que Trapist soit de retour...
Trapist : The Golden Years (Staubgold)
Edition : 2012.
CD / LP : 01/ The Gun That's Hanging On The Kitchen Wall 02/ The Spoke And The Horse 03/ Pisa 04/ Walk These Hills Lightly
Guillaume Tarche © Le son du grisli
Weird Weapons : 2 (Creative Sources, 2011)
Je pensais, jusqu’à cette écoute, pouvoir reconnaître la guitare d’Olaf Rupp. Mais au début de Buckram, est-ce elle qui gratte ou la contrebasse de Joe Williamson ? Et aussi, est-ce elle qui gonfle ou la peau de la caisse claire de Tony Buck ? Impossible à dire.
Heureusement, la guitare de Rupp me revient, répétitive et acharnée sur les trois ou quatre cordes qui suffisent à ses arpèges. Cette fois nul doute c’est bien là Williamson alors que Buck s’escrime à enfoncer ses baguettes plus profond dans les fûts. Je reconnais donc la guitare de Rupp parce que je m’aperçois que ses deux partenaires sont occupés ? Soit, qu’importe. Ce qui importe c'est que tout tourne et que les arpèges dansent avec un drone et un bruit de métaux. La guitare classique de Rupp ne lâche rien, elle tient bon sous la pression conjointe de bassiste de Trapist et du batteur de The Necks. Le premier Weird Weapons était sorti sur Emanem. Le second ne trahit aucune de ses promesses.
EN ECOUTE >>> Shantung & Buckram
Weird Weapons : 2 (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ Shantung 02/ Buckram
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Per Henrik Wallin, Sven-Åke Johansson: 1974-2004 (Umlaut, 2011)
Trente années de collaboration entre Per Henrik Wallin (piano) et Sven-Åke Johanson (batterie, accordéon, trompette, voix) sont racontées dans un coffret qu’édite l’Umlaut Records de Joel Grip…
Le premier des quatre disques est l’enregistrement le plus récent : duo évoluant en 2004 en compagnie du contrebassiste Joe Williamson. De Wallin, on célébrera les flottements élégants d’un pianiste revenu de soubresauts intempestifs et la retraite en phrases répétitives évoquant ici Monk, ailleurs Komeda. De Johansson, on notera la constance échevelée et ce goût des récits ponctués d’outrages.
Dix ans plus tôt, à Berlin, Wallin et Johansson dialoguaient déjà : veine cette fois taylorienne du jeu de Wallin, arpèges aussi véloces que sont appuyés les coups que Johansson porte à sa batterie. L’expressionnisme sorti du torrent, comme ce sera le cas en 1986 à Berlin encore : indéniable complicité filtrant – le son est ici « plus lointain » – de ballades défaites ou d’instrumentaux d’un cabaret déviant.
Si les enregistrements diffèrent, les quatre disques de ce coffret important soulignent la fougue additionnée de Wallin et Johansson et confortent les souvenirs que l’on gardait du trio du premier et des interventions du second, notamment aux côtés de Schlippenbach.
Per Henrik Wallin, Sven-Åke Johansson: 1974-2004 (Umlaut / Souffle continu)
Enregistrement : 1974-2004
CD1 : 01/ En Vals 02/ Sigge Fürst – CD2 : 01/ Biograf 02/ Roxy 03/ saga 04/ Teaterbio – CD3 : 01/ The Moon Says Good Night 02/ The Moon Continued 03/ Ungmön… (die eule) – CD4 : 01/ The Eel 02/ Get Hap 03/ The Swinging Policeman 04/ Romans
Guillaume Belhomme © Le son du grisli