Duane Pitre : Feel Free: Live at Cafe OTO (Important, 2013)
Tout de suite (= avant la toute première note), le décor est planté : Duane Pitre / Feel Free: Live At Cafe OTO. Ce qui nous rappelle qu’il y eut avant cela un Feel Free de studio, sorti en 2012 sur Important Records.
Ne connaissant pas la prise studio, je ne pourrais donc vous dire ce qui change… Si ce n’est, quand même, les intervenants. Au côté de Duane Pitre, des musiciens du coin, cette fois, loin d’être inconnus des abonnés du grisli : Guillaume Viltard (contrebasse), Oliver Barrett (violoncelle), James Blackshaw (dulcimer), Jennifer Allum (violoncelle), Jesse Sparhawk (harpe). A l’harmonique de guitare électrique, le Monsieur Pitre avale d’un coup d’un seul toutes les racines qui l’influencent : & asiatique (les drones du dulcimer et les archets) & gothique (le romantisme que portent en eux les cordes de ses camarades du jour). C’est lent, ça insiste & ça tourne, ça peut endormir si joué trop fort, c’est inattendu et quelque chose me dit que les invités de l’OTO n’y sont pas pour rien.
Duane Pitre : Feel Free: Live at Cafe OTO (Important / Souffle Continu)
Enregistrement : 14 juin 2012. Edition : 2013.
LP : Feel Free: Live at Café OTO
Pierre Cécile © Le son du grisli
Jennifer Allum, Ute Kanngiesser : Bell Tower Recordings (Matchless, 2013)
Nous avons déchiffré ensemble la pochette du CD de Jennifer Allum et Ute Kanngiesser, sa cloche et ses poids. Leurs instruments sont cousins (un violon, un violoncelle). Leurs pratiques sont cousines, elles aussi. C’est presque une histoire de famille, que cette improvisation enregistrée en 2012 en trois lieux différents de la St. Augustine’s Bell Tower de Londres.
Les cloches sonnent, annonçant presque une heure de jeu, de balancelle, de recherche au pendule des trésors enfouis dans ce clocher. L’une tapote le bois de son instrument et l’autre pince une ou deux cordes, c’est comme un relai timide. L’une & l’autre s’emparent de leurs archets, se cachent puis réapparaissent, à tour de rôle. L’une égrène les secondes qui passent et l’autre les fuit sous les bruits de la grande ville. C’est une expérience de l’instant qui touche à distance, géographique et temporelle. Et si Jennifer Allum et Ute Kanngiesser ne savent pas comment mettre un terme à leur improvisation, c’est qu’il est des choses sans fin, comme l’est le passage des secondes ou le mouvement d’un pendule.
Jennifer Allum, Ute Kanngiesser : Bell Tower Recordings (Matchless / Metamkine)
Enregistrement : 29/05/2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Pendulum Case 02/ Clock Room 03/ Bell Room
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Eddie Prévost : Workshop Concert (Matchless, 2013)
21 mai 2012 au Café Oto de Londres : le cercle que forment Eddie Prévost et ses cinq « partenaires de workshop » choisis pour l’occasion par Seymour Wright (Jennifer Allum au violon, Ute Kanngiesser au violoncelle, Grundik Kasyansky au theremin, Dimitra Lazaridou-Chatzigoga à la cithare et Daichi Yoshikawa à l’électronique) décide des duos qui, dans un premier temps, improviseront plus d’une demi-heure durant. Invités par l’exercice à faire preuve de parcimonie inspirée, les musiciens s’en tirent avec subtilité : vertus de l’archet (Kanngiesser semblant même travailler à l’harmonie de l’ensemble) et provocations amplifiées, aigus tenaces contre ronflements électroniques, bâtissent une pièce d’abstraction chantante.
Autrement déconcertants, cinq trios suivent sur des prises allant de quatre à douze minutes. Plus virulents aussi, les comités restreints butent sur des pierres d’achoppement faites pour être concassées : ce sont-là les cymbales qui découpent et les graves déflagrations de Yoshikawa qui réduisent en miettes. Voilà qui finit d’arranger ce concert d’habitués des workshops organisés par Eddie Prévost depuis 1999.
Eddie Prévost & Co. : Workshop Concert (Matchless Recordings)
Enregistrement : 21 mai 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Moving Duets DY/JA/GK/DL-C/EP/UK/DY 02/ Trio JA/GK/EP 03/ Trio GK/EP/DY 04/ Trio JA/DL-C/UK 05/ Trio DL-C/UK/GK 06/ Trio JA/EP/DY
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Jennifer Allum, Eddie Prévost : Penumbrae (Matchless, 2011)
Aux côtés d’Eddie Prévost on trouve sur Penumbrae Jennifer Allum. Ce sont-là des travaux d’archets différents – cinq en tout : trois pour le percussionniste, deux pour la violoniste – et deux recherches instrumentales opposables d’autant qu’elles semblent trouver autant d’intérêt à l’intersection qu’à l’éloignement féroce – « Une ligne rencontre une ligne. Une ligne évite une ligne. Aventures de lignes », écrivit Michaux à propos de l’œuvre de Klee.
Ici, l’intersection et l’éloignement permettent l’élévation d’un relief original et puis son érosion. Ces Investigative Studies composent avec soin – galanterie, presque –, au fur et à mesure d’aigus en suspension et de frappes en résonances, des volumes imaginaires et opérant. Rapide, l’archet de violon peut aussi feindre d’actionner un moteur en réduction ou se faire plus insistant pour répondre aux assauts de cymbales sifflantes. Même à ces occasions, l’harmonie n’abandonne l’association d’Allum et de Prévost – « Une ligne rêve. On n'avait jusque-là jamais laissé rêver une ligne. Une ligne attend. »
Enfin, il y a Dolwilym Penumbra. Un battement entretient un drone né du mouvement des cymbales sur lequel l’archet de violon tourne en distribuant de minces paquets de notes. La pièce que l’on développe est une composition-satellites sur laquelle, avec de plus en plus d’aplomb, les cymbales réclament des droits. On leur donnera raison – « Une ligne renonce. Une ligne repose. Halte. »
Jennifer Allum, Eddie Prévost : Penumbrae (Matchless / Metamkine)
Enregistrement : 13 juillet et 12 octobre 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Investigative Study I 02/ Investigative Study II 03/ Investigative Study III 04/ Dolwilym Penumbra
Guillaume Belhomme © Le son du grisli