Benjamin Bondonneau : Phonolites / Les cartographes du son : RadioDordogne#1 (Le Châtaignier Bleu, 2015/2014)
C’est Roger Caillois, son Écriture des pierres, qui inspira Phonolites à Benjamin Bondonneau. Un travail d’empreintes et de correspondances qui lie le clarinettiste et peintre à des camarades chargés de composition : dessins, textes, mises en demeure… inspirées tous par la lecture de Caillois.
De l’écrivain, on recommandera aussi les deux tomes de l’indispensable Anthologie du fantastique. C'est que les deux ouvrages soudain se rejoignent : les pierres, leur témoignage, commandent comme par enchantement aux invités (Maurice Benhamou, Jean-Yves Bosseur, Michel Doneda, Jean-Luc Guionnet, Jonas Kocher, Christian Rosset et Matthieu Saladin – et puis Ly Than Tien, plusieurs fois). A Bondonneau d’interpréter alors ces visions qui mêlent nature et fantastique – à lire dans un grand jeu de cartes que l’objet qu’est Phonolites renferme – avec un aplomb concret.
Ainsi naissent ces « suites sonores et picturales » : clarinettes confondantes sublimées par les créations (sans titre, toutes deux) de Rosset (sa partition est à elle seule une impressionnante œuvre graphique) et de Guionnet, puis par celle de Bondonneau en personne : Pierres 1966, qui retourne à la voix de Caillois pour ancrer dans le son cette épatante « manifestation des forces élémentaires ».
Benjamin Bondonneau : Phonolites. Autour de Roger Caillois 2014-2015 (Le Châtaignier Bleu / Metamkine)
Edition : 2015.
CD : 01/ Stones’ Museum1 02/ Eboulis 03/ Stones’ Museum2 04/ S’aposter à l’obscur 05/ Stones’ Museum3 06/ Le souffle des pierres 07/ Stones’ Museum4, 08/ Sans titre 09/ Les pierres n’ont pas de langue 10/ Sans titre 11/ Stones’ Museum5 12/ Pierres 1966 13/ Stones (broken version)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Six pièces radiophoniques sont ici réunies, « cartographies sonores » du Périgord signées Benjamin Bondonneau et Wilfried Deurre. Des témoignages y côtoient des bruits d’un quotidien fait de chants d’oiseaux ou d’amphibiens, de vieilles rengaines, de fables exotiques (mine de rien), de poésie, de politique, de philosophie… Dans le paysage, on croit entendre passer le fantôme de Luc Ferrari. Comme une caution qui viendrait fortifier ce travail de patrimoine et de création.
Les cartographes du son : RadioDordogne#1 (Le Châtaignier Bleu / Metamkine)
Edition : 2014.
CD : 01/ De l’épaisseur de la Dordogne 02/ La nuit, on pense mieux 03/ De la servitude 04/ Des voyages en enfance 05/ Work Sounds 06/ Des sons pour John
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Géographie utopique (Le châtaignier bleu, 2011)
L'excellent travail que Benjamin Bondonneau (clarinettes, peinture) présentait l'an passé avec L'arbre ouvert trouve dans Géographie utopique non seulement une prolongation – dans la démarche pluri-artistique – mais aussi une nouvelle extension particulièrement enthousiasmante.
Désireux de mutualiser les approches esthétiques d'un lieu particulier (le domaine de Certes en l'occurrence, dans l'estuaire de la Gironde, entre marais et forêt), de rendre compte de ses « interprétations sensibles », picturales, musicales ou cinématographiques qui auront autant puisé dans l'histoire que dans la faune ou la littérature, les participants au projet offrent, sous la forme de ce riche coffret, un véritable support de rêverie (y a-t-il d'ailleurs, vers l'utopie, meilleur véhicule que le songe ?). Les reproductions des peintures de Bondonneau d'abord, joyeux atlas mentaux ; le beau court-métrage de Sébastien Betbeder ensuite ; la musique enfin, pensée par Jean-Yves Bosseur, et à laquelle se mêlent d'évocateurs enregistrements de terrain.
Les scénarios ou propositions que ce compositeur a élaborés sont confiés au Quatuor Cassini [Bondonneau (clarinettes), Fabrice Charles (trombone), Laurent Charles (saxophones), Sébastien Cirotteau (trompette)] que Beñat Achiary (chant, lecture), habité, rejoint comme sur le disque qu'ils ont donné ensemble au label Amor Fati. Extraits de Charles Fourier, d’Élisée Reclus ou de contes peaux-rouges, jeux d'anches & d'embouchures, cache-cache de timbres : autant de vifs échanges qui font de cette réinvention de territoire une création très originale et une vraie surprise !
Jean-Yves Bosseur, Beñat Achiary, Quatuor Cassini, Benjamin Bondonneau, Sébastien Betbeder : Géographie utopique (Le Châtaignier bleu / Metamkine)
Edition : 2011.
CD : 01/ Voir la Terre 02/ Une planète androgyne 03/ Le héron 04/ Abécédaire 05/ En forêt 06/ Les mécanismes de la Nature 07/ L'unique trait de pinceau – DVD : Sarah Adams
Guillaume Tarche © Le son du grisli
Dans l'après-midi du samedi 24 septembre, cette Géographie utopique sera appliquée au domaine de Certes.
Morton Feldman : Ecrits et paroles (Les presses du réel, 2009)
« Je suis très soucieux de rendre les choses claires. » La préoccupation est de Morton Feldman, à retrouver dans Ecrits et paroles, somme indispensable – et en français – pour qui s’intéresse au compositeur.
Parce qu’elle est introduite par une monographie signée Jean-Yves Bosseur – co-éditeur avec Danielle Cohen-Levinas de cette publication –, qui survole avec tact l’œuvre de Feldman, puis donne la parole à l’intéressé : conversations reportées (avec Iannis Xenakis, John Cage, le peintre Philip Guston), écrits au gré desquels le compositeur dévoile un peu de son état d’esprit en commentant l’œuvre d’autres grands créateurs (Stravinsky, Varese, Cage encore) et semblants de manifestes personnels (L’angoisse de l’art, Symétrie tronquée).
Retrouver alors Feldman jonglant avec les notations singulières, redire l’importance de la peinture (celle des expressionnistes abstraits, mais aussi celles de Rembrandt, Pissaro, Cézanne, Mondrian) et délivrer le nom du livre qui aura décidé de sa « carrière professionnelle » : Jean-Christophe, de Romain Rolland. En conclusion, l’ouvrage rapporte les propos d’une intelligence rare tenus lors d’un colloque organisé à Francfort : souvenirs et rencontres, évocation de Kierkegaard, auteur du Concept de l’angoisse, qui épouse forcément l’art de Morton Feldman : « L’instant signifie le présent comme chose qui n’a ni passé, ni avenir ; car c’est là justement l’imperfection de la vie sensuelle. L’éternel signifie aussi le présent qui n’a ni passé ni avenir, mais cela même est sa perfection. »
Morton Feldman, Jean-Yves Bosseur, Danielle Cohen-Levinas : Ecrits et paroles (Les presses du réel)
Publication : 2009.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Morton Feldman déjà sur grisli
For Bunita Marcus (Hat Hut - 2009)
For Philip Guston (Wergo - 2008)
Triadic Memories (MDG - 2008)
Three Voices (Col Legno - 2006)
Morton Feldman Says (Hyphen Press - 2006)