Zoor : Volumes a + b (Umlaut, 2014)
La traversée sera hypnotique ou ne sera pas. Le balancement sera nu. La note sera tendue. La variation sera événement. Le roulement sera timbré, continu. Les diverticules ne seront pas explorés. Le navire restera au large. La stagnation sera fausse. La dérive aussi. S’ouvrira un unisson. Large et poignant, l’unisson. La masse sonique s’accélérera. La note sera alarme, crainte et appréhension. On ignorera le port à conquérir. On doutera de la destination. Mais jamais le balancement ne se perdra. Voici pour la Face a.
La remontée sera hypnotique ou ne sera pas. Cette remontée sera celle des pièges et des collets. Les flots seront rêches et rugueux. Il y aura danger. Il y aura désaccord. Il y aura le doute des destinations. Puis tout se retrouvera, s’entrouvrira. Le mordant ne sera plus. Il y aura la mémoire des écueils. Et toujours le doute soutenu. Voilà pour la Face b.
Ainsi naviguent Bertrand Denzler, Jean-Sébastien Mariage et Antonin Gerbal, imprudents et merveilleux explorateurs de la chose sonique. Les rejoindre est chose facile.
Zoor : Volumes a + b (Umlaut Records)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Face a 02/ Face b
Luc Bouquet © Le son du grisli
A l'occasion de la sortie de Volumes a + b, Zoor jouera ce samedi 18 janvier à Paris, Atelier Polonceau Thomas-Roudeix. En ouverture, Frederick Galiay se produira en solo.
Baise en ville (Vand'Oeuvre, 2013)
Onomatopées en mitraillette et guitare mitraille, torsion et distorsion des cordes, flamenco putréfié, zapping et pilonnage d’accords : Jean-Sébastien Mariage et Natacha Muslera apprennent à nous faire aimer les déviances.
Le premier est sec comme un pavé. Sa guitare triture toujours les mêmes tumultes. L’accord est rêche et rechute. C’est une guitare balancier sans espoir d’issue. C’est une guitare qui a contacté la dissonance. Et la dissonance a répondu. La seconde strangule son propre souffle, creuse et abreuve les grands écarts. Mais ne joue jamais à la diva du verbe. S’empêcherait presque d’initier le cri. Et tous deux de s’extraire des tristes normalités. Le contraire nous aurait surpris.
Baise en ville : Baise en ville (CCAM Vand’Œuvre / Metamkine)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Presque ruine 02/ Merveille ! Pisser debout sous un déluge de grêle 03/ Mimosa Hostilis 04/ Claque au ralenti 05/ Gelée binaire 06/ Lambeaux 07/ L’eau tonne comme un crachat d’hiver 08/ Peau père
Luc Bouquet © Le son du grisli
Hubbub : Eglise Saint-Merry, 18 octobre 2013
Jouer serrés ; ouvrir – le jeu. Sous les « misères » d'Anamorphose, ces sculptures de verre en cours de dispersion suspendues à la nef par Pascale Peyret, quelques dizaines d'avisés, de chanceux et de curieux prennent la mesure des volumes et des réverbérations typiques de l'Eglise Saint-Merry. C'est l'avant dernier « Rendez-vous contemporain » avant la trêve hivernale. En première partie de soirée les spirales abstraites de Pierre Borel, conjuguées aux techniques étendues de Louis Laurain à la trompette, aimantent le son. Comme entre deux pôles d'un champ magnétique, leurs échanges définissent un espace qui se joue, sans le recouvrir ni l'ignorer, du brouhaha d'un vendredi soir ordinaire dans le quartier Beaubourg.
Ledit « brouhaha » forme, depuis quinze ans, la visée explicite de leurs aînés de Hubbub. Aux contraintes du lieu répond un plan de scène éprouvé : les cinq membres du groupe jouent serrés, à moins d'un mètre les uns des autres. Frédéric Blondy (piano) à gauche de la scène ; Edward Perraud (batterie) à droite ; Jean-Sébastien Mariage (guitare) au centre, encadré par les deux saxophones de Jean-Luc Guionnet (alto) et Betrand Denzler (ténor). Chacun sait ce dont son voisin est capable.
Si près les uns des autres, « comme un seul homme », un peu comme une foule qui, à certains moments, possède une personnalité qui s'exprime par le son qu'elle produit ? Le fait est que, lorsque l'on écoute Hubbub, et paradoxalement plus encore que dans chacun des multiples projets dans lesquels ils sont impliqués, c'est bien de l'étoffe personnelle de chacun de ses membres qu'est tissé ce son d'ensemble qui en souligne les contours, les reliefs.
L'« instant » est la grande affaire de l'improvisation, radote-t-on (toujours l'improvisation a besoin de se justifier par l'instant). Pendant ce temps, Hubbub est déjà ailleurs. Se réserve une part d'épique et fait, comme Varèse, du son organisé. Frédéric Blondy lance un ostinato sur une quarte (une quinte ?) aux sonorités gamelan ; Jean-Sébastien Mariage lui répond à mi-concert sur un motif quasiment post-rock ; Edward Perraud retient la plupart de ses coups pour mieux éprouver ceux qu'il lâche, tandis que les deux soufflants composent des textures mouvantes et étrangement consonantes sur lesquels s'achève la pièce. La quasi-mélodie que ces textures engendrent restera quant à elle non-jouée. A chacun parmi nous d'y percevoir l'écho de sa rumeur, son Hubbub intime.
Claude-Marin Herbert © Le son du grisli
Addendum [janvier 2014]
Ce concert d'Hubbub peut désormais être écouté, et même téléchargé, sur le site Inversus Doxa.
Jean-Sébastien Mariage, David Chiesa : Oort (Creative Sources, 2011)
Jean-Sébastien Mariage (guitariste échappé d’Hubbub) et David Chiesa (contrebassiste entendu auprès de Jean-Luc Guionnet, Xavier Charles ou Daunik Lazro) s’essayaient récemment au dialogue improvisé pour le baptiser ensuite Oort.
Sur cet Oort en cinq temps, trouver un concours de gestes mesurés conclu sur commande d’un archet grave composant une jolie pièce (la première) d’indécisions en partage. D’autres discrétions agissent ensuite : cordes de guitares effleurées quand la contrebasse s’adonne aux circonvolutions ou accoucheuses d’arpèges quand plus épaisses qu’elles chantent leur satisfaction d’être fouettées. En filigrane, il y a enfin ce soupçon de folk qui donne à Oort une autre saveur encore.
Jean-Sébastien Mariage, David Chiesa : Oort (Creative Sources / Metamkine)
Edition : 2011.
CD : 01-05/ Oort
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
David Chiesa jouera à Mulhouse le 25 août, dans le cadre du festival Météo, en compagnie du violoniste Mathieu Werchowski.
Hubbub : Whobub (Matchless, 2011)
S’il n’était question d’identités, le Who de cet Hubbub serait l’onomatopée saluant la sortie d’un disque-double sur Matchless : un concert donné à la Malterie (Lille) le 23 avril 2010 accompagné d’un enregistrement au Carré Bleu (Poitiers) daté de février de la même année.
A Lille, alors, ce Who frôlant les trois quarts d’heure. Le lent déploiement d’une épaisse vague sonore, cymbales porteuses, guitares et saxophones aux notes longues et parallèles : ni tout à fait le même hubb, ni tout à fait un autre ub, l’exercice convainc par les manières qu’il a d’évoluer en suspension et de gagner en consistance et cohésion dans le même temps que les identités percent. Celles, s’il faut le redire, de Frédéric Blondy, Bertrand Denzler, Jean-Luc Guionnet, Jean-Sébastien Mariage et Edward Perraud, qui osent dévoiler un peu de Moi dans ce Grand Tout. En conséquence, l’air tremble, soumis qu’il est aux provocations des rapprochements entre aigus et graves, aux délitements d’accords, aux accrocs pernicieux et aux distances qui les distinguent tout en les liant.
A Poitiers, autre chose. En deux temps, le groupe développe d’un seul homme un ouvrage de discrétions : une note longue d’alto appelle une note-parallèle, le sismographe s’inquiète de mouvements mesurés mais de mouvements certains : ceux d’un vaisseau-quintette conduit par Mariage puis par Perraud. Simple supposition, ceci étant, puisqu'Hubbub cache toujours un pan des expressions qu’il dévoile pour interdire peut-être à sa musique d'être appréhendée tout à fait, d'être devinée par fragments plutôt.
Hubbub : Whobub (Matchless / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD1 : 01/ Who – CD2 : 01/ Bub 1 02/ Bub 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Jean-Luc Guionnet donnera deux concerts dans le cadre du festival Météo (solo d’orgue le 24 août + The Ames Room le 26). Il y animera aussi un atelier et verra ses gravures exposées à la bibliothèque de Mulhouse.
X_Brane : Penche un peu vers l’angle (Amor Fati, 2010)
On ne sait véritablement ce qui « Penche un peu vers l’angle » de l’association de Bertrand Gauguet (saxophones alto et soprano), Jean-Sébastien Mariage (guitare électrique) et Mathias Pontevia (« batterie horizontale »), ou des trois pièces qu’elle improvise. Ainsi, on pourrait d’abord imaginer ou l’une ou les autres coincée(s) en bout de course dans l’angle suspromis, et diminuée(s) d’autant.
Or, il était nécessaire de prendre en compte la nature de cet angle là : rentrant. Ainsi, il libère voire refoule tout élément qui l’approche : souffles sectionnés et râles au moyen desquels Gauguet compose des chants appréciables, flirts avec harmoniques ou menues mécaniques pensés par Mariage, appels sur tom basse ou cymbale sifflante de Pontevia. A l’horizon, des lignes approchantes et puis voisines dont la transformation suffit au tableau. Soumis aux perturbations qu’il a lui-même invoquées, le trio décide d’une traversée du miroir le temps d’une belle et grave conclusion. Ainsi, il a suffi à Gauguet, Mariage et Pontevia, de se pencher ensemble pour ramasser Tazuki, Tsuri et Hishi, arrangés ensuite avec pertinence.
X_Brane : Penche un peu vers l’angle (Amor Fati / Allumés du jazz)
Enregistrement : 2008. Edition : 2010.
CD : 01/ Tazuki 02/ Tsuri 03/ Hishi
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bertrand Gauguet se produira ce vendredi soir en concert aux Instants chavirés aux côtés d'Olivier Benoît et Lê Quan Ninh.