Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Jean-Marc Foussat : Alternative oblique (Improvising Beings, 2015)

jean-marc foussat alternative oblique

1973-2015 : 42 ans (avec arrêts, suspensions et rebonds) de vie(s) musicale(s) à la charge de Jean-Marc Foussat, l’homme au chapeau et au VC III. Et quatre CD pour que personne ne doute plus des talents de musicien et d’improvisateur de JMF. Pleins jusqu’à la garde, ces CD...

Cédéun : in the beginning
Phyllauxckzairrah n° III : Du prog rock innovant avec infiltrations de riffs. Du planant sans axe, des fausses routes, de longues plages, des breaks de drums fébriles. JMF n’est encore que guitariste (JMF, Marc Bohy, Pascal Bouscaillou : Verrières-le-Buisson 1973). Carte postale : captations, collages et transformations. Sardou (est-ce bien lui ?) et sa Marseillaise. Du flipper électronique. L’Internationale et le tournis. L’ère du temps. (JMF : Igny 1975). Jean-François Ballèvre : Nancarrow en surdosage. Dysharmonie et dissymétrie. Pensée obsessive et cauchemar sans sortie. Nerfs à vif. (Jean-François Ballèvre : Verrières-le-Buisson 1975). Le lézard Marcio : joyeux bordel. Cuivres criards et dissipés. Surexcités. Les sons de la rue. Les halls de gare. Du kitsch vite renvoyé dans les limbes. Des transes africaines. Un moelleux duo flûte / basse électrique. Bal tragique (JMF, Pascal Barrès, Alain Hako, Jean-Michel Laugier, Antoine Potier, Hélène Sage, Jacques Sordoillet : Cluny 1977)

Cédédeux : sonic years
Thrash the Flash : sur de petites saynètes, JMF fâche les pistes. L’harmonie se désarticule, s’oublie, se noie au sein des sons du VC III. Rien ne peut lui échapper. Après le minutieux collectage de sons vient celui des brouillages. De la contamination sonique comme art profond. Une trompette demandant la parole ou une clarinette basse barrissant en pure perte, n’y peuvent rien : JMF façonne un envers devenu endroit. Seule résiste une guitare (Marc Dufourd), jamais en reste de riff ou de solos éclairés. (JMF, Marc Dufourd, Lea Dufourd, Damien Dufourd, Jérôme Bourdellon, Antenna : 2000-2013)

Cédétrois : solo(s)
Loopé : un cœur qui bat. Des cascades horizontales et des horizons morcelés. La métrique est implacable et hypnotique. Douce hypnose. Avec JMF, la boucle n’est jamais inerte mais toujours vivante, toujours recommencée (JMF : Igny 1975). Wild Thing : c’est le vent du chaos et des orages soniques. Vision de l’enfer et grignotage des cerveaux. Les loups hurlent, la bande est grouillante : c’est l’échec des diables (JMF : La Garenne-Colombe 2011). Alternative oblique : au cœur de l’usine, JMF fait dérailler les machines. Il casse le mouvement, dérègle, fait fondre les cadences. Des gémissements de plaisir triomphent de tristes manufactures (JMF : La Garenne-Colombe 2015). Live at le Souffle Continu : pensée chromatique, lenteur et délestement. De sages turbulences, bisous magnétiques et râles des cavernes (JMF : Paris 2013)

Cédéquatre : et les ami(e)s
Les yeux fermés : trompette, trombone et VC III caquettent et nous alertent du péril en cours. Le chaos viendra de l’atome. Ils n’ont que frayeurs en bouches et en doigts (JMF, Jean-Luc Cappozzo, Nicolas Souchal : Paris 2015). Torrent vertical : un lieu insaisissable et la difficulté de se fixer. Des cymbales que l’on fouette. Univers oblique. Bientôt renversé (JMF, Marialuisa Capurso, Dirar Kalash : Altamura 2015). A propos des réflexions : un galop de VCII, trompette et contrebasse. Le galop troue la matière, la trompette tend la mélodie sans la briser. Fort, mais trop court : mériterait un CD entier (JMF, Fred Marty, Joe McPhee : La Garenne-Colombe 2015). Ombres dans un espace sans coude & A Big Final : les amis se pressent au portillon. On s’observe, on s’écoute, on crie et on exulte (ça couvait, ça couvait !) (JMF, Paul Lovens, Thomas Berghammer, Raymond Boni, Hans Falb, Irène Kepl, Joe McPhee, Noïd, Makoto Sato : Nickelsdorf 2015)



Jean-Marc Foussat (et les amis) : Alternative oblique (Improvising Beings)
Enregistrement : 1973-2015. Edition : 2015.
CD : Alternative oblique
Luc Bouquet © Le son du grisli



Evan Parker, Joe McPhee : What / If / They Both Could Fly (Rune Grammofon, 2013) / McPhee, Guérineau, Foussat : Quod (Fou, 2014)

evan parker joe mcphee what if they both could fly

En juillet 2012, Evan Parker et Joe McPhee se retrouvèrent en Norvège devant le public du Konsberg Jassfestival. Pas tout à fait rangés, les ténors, puisque Parker a conservé le sien tandis que McPhee passera de soprano en trompette de poche.

En trois temps (What / If / They Both Could Fly) qui donneront son nom au disque, le duo démontre une entente paisible. Au-dessus de Konsberg, Parker et McPhee tournent alors : lentement, entament un exercice de voltige qui impressionne par ses boucles et ses tonneaux tout en se réservant le droit d'envisager des fantaisies plus personnelles.

Et puis, c’est le retournement. Des souffles en peine s’extirpent du ténor, que le soprano agace et contraint à l’accord. L’aveu d’une mélodie donnera au duo l’occasion de s’essayer à un ballet autrement musical et d'exprimer autrement son entente – assez rare, ces jours-ci, dans le domaine de la navigation aérienne

Evan Parker, Joe McPhee : What / If / They Both Could Fly (Rune Grammofon)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD / LP : 01/ What 02/ If 03/ They Both Could Fly
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

jean-marc foussat sylvain guérineau joe mcphee

C’est au seul soprano que McPhee conversait, le 15 mars 2010, avec Sylvain Guérineau (saxophone ténor) et Jean-Marc Foussat (synthétiseur et voix). C’est là une déferlante d’aigus déposée sur grondements et, pour Foussat – ici assez subtil dans l’usage qu’il fait des possibilités de son instrument –, l’occasion d’agiter deux saxophones à la fois. Effets, facéties et bagatelles, déconcertent donc, mais sans l’altérer, l’hymne profond sur lequel McPhee et Guérineau se sont entendus.

écoute le son du grisliJean-Marc Foussat, Sylvain Guérineau, Joe McPhee
Le corps des larmes

Joe McPhee, Sylvain Guérineau, Jean-Marc Foussat : QUOD (Fou / Metamkine)
Enregistrement : 15 mars 2010. Edition : 2014.
CD : 01/ Le désarroi du cœlacanthe – The Forbidden 02/ Le corps des larmes – The Forgiven
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

68_jazz@homeCe mercredi 13 mai à Paris, Joe McPhee et Jean-Marc Foussat donneront, avec Raymond Boni, le 68e concert de la série Jazz@Home.

Rappelons enfin qu'il est possible d'entendre Joe McPhee dans le baryton de Daunik Lazro. C'est en Vieux Carré que ça se passe.

cd


Marteau rouge : Noir (Gaffer, 2012) / Jean-Marc Foussat : L'oiseau (Fou, 2012)

marteau rouge noir

C’est un peu toujours la même planète (ou est-ce peut-être une étoile noire ?) que l’on redécouvre quand on écoute un nouveau Marteau rouge (Jean-Marc Foussat, VCS 111 et voix, Jean-François Pauvros, guitares, Makoto Sato, batterie). A chaque fois, le trio enfonce des clous et fait du bruit, parfois beaucoup de bruit… mais à la fin, pourtant, la construction s’avère différente.

L’explication ? C’est que, certes, c’est toujours la même planète, mais à chaque fois peuplée d’autochtones différents. Cachés par les reliefs ou enfouis sous la terre, ils travaillent à un prog rock psyché free qui pourrait faire la bande-son d’un remake de la Guerre des Mondes qu’aurait signé David Cronenberg. La musique risquerait d’ailleurs d’être plus intense que le film : elle est parfois harassante et parfois bouleversante ; on revient donc de Noir harassés et bouleversés.

EN ECOUTE >>> Noir 03

Marteau rouge : Noir (Gaffer Records)
Edition : 2012.
CD : Noir
Pierre Cécile © Le son du grisli

jean-marc foussat l'oiseau

L’oiseau est l’hommage de Jean-Marc Foussat à son fils Victor. Synthés, bandes, voix en faction... dézinguent vingt minutes durant un Kindertotenlieder ultra concret. Bien sûr, le CD est poignant, mais ses sonorités avilissent souvent sa musicalité. Alors, Foussat revient à la voix qu’il a perdue, à la voix qui l’habite, et l'écoute avec nous.

Jean-Marc Foussat : L’oiseau (Fou)
Edition : 2012.
CD : L’oiseau
Pierre Cécile © Le son du grisli


Jean-François Pauvros : 7 films de Guy Girard (La Huit, 2019)

pauvros guy girard

A l'occasion d'une actualité chargée (parution du Martien avec Charles Pennequin, d'A tort et au travers avec Antonin Rayon et Mark Kerr et du concert qu'il donnera avec les mêmes Rayon & Kerr le 3 octobre au Théâtre Dunois à Paris), le son du grisli passera quelques jours avec Jean-François Pauvros. Quelques films, pour débuter. 

Comme surpris par son silence après avoir recouvert de sable sa guitare électrique, Jean-François Pauvros s’en éloigne, sur l’immensité d’une plage normande. Faut dire qu’elle est souvent brûlante, la guitare de Pauvros, parfois patraque quand elle a besoin d’une grosse révision. Toujours présente même quand l’improvisateur se fait cuire deux œufs. Toujours à l’ouvrage quand elle égratigne Hendrix ou qu’elle hurle son fiel avec Keiji Haino ou Arto Lindsay. Toujours en action pour narrer les Bites de Chien.

Voilà, nous sommes entrés en plein cœur de Don Pauvros de la Manche, faux documentaire de Guy Girard. Faux parce qu’on ne documente pas Pauvros. Pauvros est action-fiction, personnage insaisissable même s’il reste toujours présent au cadre. Le réalisateur plante sa caméra et, toujours, quelque chose surgit. C’est facile, finalement, de filmer Pauvros : même le rien, ses déplacements avec guitare en bandoulière c’est de la haute épopée. Et nous n’en sommes qu’au premier film.

Et puis Pauvros soliloque à l’hôtel Innova et le réceptionniste est ravi. Et puis on suit un vieux rafiot (le Batofar en personne), on observe les observateurs (d’éclipse), on observe (l’éclipse). Et où l’océan s’arcboute. Et où l’on déambule. Et où l’on poursuit un ours blanc. Et où les corbeaux japonisent. Et dans le Batofar, Pauvros, Haino et François Causse poussent la saturation à terme (les mi-grateurs). Et puis, le clip tué mon amour avec Charles Pennequin et JFP.

Et puis, Catalogue (JFP, Jac Berrocal, Gilbert Artman) à Bruxelles en 2016 soit le rouge feu en action (trop court : 3 minutes !!!! Carton Rouge). Et puis, Marteau Rouge (JFP, Jean-Marc Foussat, Makoto Sato + Joe McPhee) : une autre fusion (en rouge feu toujours) avec déclaration en forme d’hymne amoureux à ceux qui causent dru. Et enfin Campus les studios rebelles. Ce n’est qu’un combat continuons le début semblent dire les dizaines de musicos passés par là tandis qu’une poule en recherche de cure-dents risque le court-bouillon électrique. Et à la fin, ils gagneront.

Jean-François Pauvros : 7 films de Guy Girard
La Huit / CNC
Captation : 1984 - 2016. Edition : 2019
Avec Jean-François Pauvros, Keinji Haino, Arto Lindsay, François Causse, Charles Pennequin, Jac Berrocal, Gilbert Artman, Jean-Marc Foussat, Makoto Sato, Joe McPhee…
Luc Bouquet © Le son du grisli

Image of A paraître : Le Martien de Charles Pennequin & Jean-François Pauvros


The Clifford Thornton Memorial Quartet : Sweet Encores (Not Two, 2018)

clifford thornton memorial quartet sweet oranges

Au bout d'une vingtaine de jours, le son du grisli termine sa semaine française, organisée à l'occasion de la parution du deuxième volume d'Agitation Frite de Philippe Robert. Après Richard Pinhas, Romain Perrot, Jean-Jacques Birgé, Jean-Marie Massou et le trio Rollet / Rollet / Foussat, c'est Daunik Lazro (et Foussat encore) dans ce Clifford Thornton Memorial Quartet...

Quitte à tourner en rond – voire à se mordre la queue –, il faudra conseiller la lecture du livre (épuisé) de Garrison Fewell, De l’esprit dans la musique créative, dans lequel Joe McPhee raconte au guitariste : « C’est Clifford Thornton qui m’a amené la première partition écrite de jazz que j’ai jamais jouée. (…) Plus tard, j’étais avec lui quand il a acheté un trombone à pistons qu’il a utilisé sur certains enregistrements. Sur la couverture de Freedom and Unity, je crois qu’il y a un dessin de lui et de son trombone. »

Ce n’est donc pas un hasard si c’est au trombone (à coulisse, certes) que Joe McPhee ouvre ce concert donné à l’été 2017 au Niskelsdorf Konfrontationen par The Clifford Thornton Memorial Quartet – projet dont c’est là la première et (pour le moment) la seule « incarnation » et qui donne à entendre aussi Daunik Lazro (saxophones baryton et ténor), Jean-Marc Foussat (synthétiseur analogique et voix) et Makoto Sato (batterie). En termes d’association, Thornton aurait pu rêver pire.

En 2017, celui qui fit tout son possible pour retrouver le trombone que son ami s’était fait voler – or, « il n’a pas voulu le récupérer, il m’a dit : Garde-le, tu n’as qu’à en jouer. Je l’ai donc gardé et depuis je joue avec. Dans le Chicago Tentet, par exemple » – lui rend aujourd’hui hommage au son de Sweet Oranges. Une marche, solitaire, faite malgré tout sous surveillance (celle des partenaires de l’instigateur de l’hommage en question), bientôt « perturbée » par des présences de taille.

Aux maîtrises attendues de McPhee et de Lazro répondent ainsi l’intuition de Foussat (dont l’instrument projectile ou guimbarde) et l’insistance (toujours régénérante) de Sato. Pourrons-nous encore dire que le discours est « free » ? Non, certainement pas. Le dérapage ne fait pas la liberté, et ceux que ce disque contient ne font que développer un propos réfléchi, autrement incendiaire, en plus d’adresser un saisissant hommage.

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The Clifford Thornton Memorial Quartet : Sweet Encores
CD : 01/ Sweet Oranges 02/ Encore
Not Two, 2018
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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Quentin Rollet, Jean-Marc Foussat, Christian Rollet : Entrée des puys de grêle (Bisou / Fou, 2018)

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Le son du grisli entame donc la deuxième semaine d'une semaine française, à l'occasion de la parution du deuxième volume d'Agitation Frite de Philippe Robert. Après Richard Pinhas, Romain Perrot, Jean-Jacques Birgé et Jean-Marie Massou, c'est un trio de choix...

On ne dira rien de la relation particulière qui unit Christian et Quentin Rollet – il faudra aller lire Agitation Frite 2 (ou la deuxième phrase de cette chronique) pour en apprendre davantage. En février 2017, en présence de Jean-Marc Foussat, père et fils se retrouvaient donc – très bien : l’un, batteur du légendaire Workshop de Lyon et fondateur de l’ARFI, est le père de l’autre, qui a pu frayer avec David Grubbs, The Red Krayola ou Nurse With Wound : c’est ainsi le premier qui « alimentait » le feu de la marmite musicale (infernale ?) où le second a longtemps baigné.

Ces trois pièces nous rapportent donc les bruits d’une réunion de famille dont un arbitre vient changer les habitudes. Lointaine, et sur grand écho, la voix de Foussat raconte les premiers gestes : de la mise en place à la lutte programmée – sopranino et batterie rivalisant d’inventions et de coups portés –, c’est un free réinventé sur équipement past-moderne. « Hajime », dit ensuite l’AKS sans réussir à provoquer la première attaque : des propositions sont alors faites, auxquelles le saxophone alto répond ; plus loin, ce sera la batterie, qui impulse aux musiciens un air d’indien contrarié ou de sévère emportement – alors le sopranino est de retour, et tout finit par s’apaiser.

Assomé mais heureux, l’auditeur attend la suite : une batterie roule, ça tombe bien. L’alto s’y adapte quand le synthétiseur frotte à l’arrière – c’est une combinaison suspecte, donc, et pour tout dire : un fourre-tout sonore que les trois hommes – maintenant complices – transforment en corps capable de mouvement. Les voix (Foussat, mais aussi Rollet fils) qui en proviennent vous environnent et les divers battements vous obligent – j’aime le son du corps au fond des puys. Battre en retraite est une possibilité ; couper le son en est une autre. Or, on suit l’équipe et sa débauche de trinité ; Foussat en sain d’esprit, c’est pas tous les jours. Remerciements à la famille.

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Quentin Rollet, Jean-Marc Foussat, Christian Rollet
Entrée des puys de grêle
Bisou / Fou, 2018
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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Raymond Boni, Jean-Marc Foussat, Joe McPhee : The Paris Concert (KYE, 2017)

A l’occasion de la parution d’Agitation Frite, livre de Philippe Robert consacré à l’underground musical français de 1968 à nos jours, le son du grisli publie cette semaine une poignée de chroniques en rapport avec quelques-uns des musiciens concernés en plus de deux entretiens inédits tirés de l’ouvrage...

raymond boni jean-marc foussat joe mcphee paris concert

C’est au Centre Américain de Paris – encore boulevard Raspail, disparu depuis – que Jean-Marc Foussat fit ses premiers essais de synthétiseurs (dans le studio du compositeur Ahmed Essyad) et qu’il entendit pour la première fois Joe McPhee (souffleur qui connaissait l’ARP 2600 pour avoir déjà enregistré avec John Snyder). C’était le milieu des années 1970. Quarante ans plus tard, les deux hommes se retrouvaient en compagnie de Raymond Boni le temps d’une « réunion » et d’une « célébration ».

Ce sont là les noms des deux plages du disque qui nous intéresse : The Paris Concert, enregistrement récent mais qui aurait pu ne pas l’être. Car sur, un écho léger, la guitare électrique évolue discrètement quand le synthétiseur glisse des nappes d’un autre (et bel) âge ; McPhee, quant à lui, s’exprime du bout des lèvres à la trompette, fait tourner un court motif au saxophone quand il ne répond pas à quelques coups donnés par Boni sur sa table d’harmonie par une de ces « ballades en marche » dont il a le secret.  

S’il affiche une même distance, le guitariste profite en seconde face du bel art qu’il a de discourir : ses notes, prestes et nombreuses, vont sur la somme – d’autant plus étrange qu’elle est cohérente – que Foussat et McPhee font d’éléments sonores disparates parmi lesquels des voix passées au tamis de tel ou tel instrument s’élèvent. Moins libre qu’hier, plus lâche aussi : une question d’époque, peut-être, qui ne change rien à la qualité de l’association.

paris concert lp

Raymond Boni, Jean-Marc Foussat, Joe McPhee : The Paris Concert
KYE
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
LP : A/ Reunion – B/ Celebration
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

 

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Raymond Boni : Les mains bleues (Hors Oeil, 2013) / Violeta Ferrer, Raymond Boni : Federico García Lorca (Fou, 2013)

christine baudillon raymond boni les mains bleues

L’œil de Christine Baudillon a le don de nous rapprocher des musiciens qu’elle aime et que nous aimons aussi. Après Léandre (Basse continue) & Lazro, (Horizon vertical), c’est au tour de Raymond Boni de se laisser capturer. Ça tombe bien… la réalisatrice l’a repéré à flanc de mer, sur un rocher.

Gros plan sur l’œil du guitariste – la vista de l’improvisateur –, puis destination cuisine où il s’empare d’une guitare classique. C’est là que commence ce portrait fait de quotidien, c’est-à-dire de musique, de souvenirs personnels et de rencontres : Christine Wodrascka, Violeta Ferrer, Bastien Boni, Jean-Marc Foussat, Laurent Charles, Lucien Bertolina, ou encore Daunik Lazro, Joe McPhee et Claude Tchamitchian (Next to You). Chaque spectateur aura ses préférences côté musique, mais tous devraient succomber à la « parole Boni », donnée en intérieur, en pleine nature ou chez son luthier…

Comme avec Léandre et (encore plus) Lazro, l’approche naturaliste de Baudillon respecte le temps qu’il fait et le temps qu’il faut pour faire sonner le matériau, pour construire un langage sous l’influence de Django et le transformer au gré du vent, loin des chapelles et des cabotinages (lorsqu’il se moque des musiciens qui disent prendre des risques lorsqu’ils jouent, Boni dévoile toute la sagesse qui l’inspire). Un grand bol d'air, pour les cinq sens...

Christine Baudillon : Raymond Boni : Les mains bleues (Hors-Œil)
Edition : 2013.
DVD : Raymond Boni : Les mains bleues
Pierre Cécile © Le son du grisli



violeta ferrer raymond boni federico garcia lorca

A la guitare et à l’harmonica, Raymond Boni. A la récitation, au jeu, Violeta Ferrer. Le duo vit la poésie de Lorca le long d’un beau CD édité sur le label de Jean-Marc Foussat. Si je n’ai pas saisi toutes les nuances de la langue du poète, j’ai cru aux histoires de mort et de danse que Ferrer dit avoir vues de ses propres yeux et que la guitare métallique de Boni a intelligemment accompagnées. Un beau livre à écouter.

Violeta Ferrer, Raymond Boni : Federico García Lorca (Fou)
Edition : 2013.
CD : Federico García Lorca. Poemas de Federico García Lorca y Poemas Populares Españoles
Pierre Cécile © Le son du grisli


Marteau rouge, Evan Parker : Live (In Situ, 2009)

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Marteau Rouge (Jean-François Pauvros / Jean-Marc Foussat / Makoto Sato), c’est quelque chose qui grouille, qui gronde, qui menace, qui déborde, qui frappe fort et dur à la face des vaines hiérarchies. Evan Parker, c’est tout ce que l’on sait (la circularité, la convulsion) et ce que l’on redécouvre aujourd’hui (un phrasé hérité du jazz, un lyrisme confondant). C’est aussi et surtout l’étonnante facilité qu’a le barde barbu de ne faire qu’un avec ses partenaires d’un soir.

Ici, il ne s’agit pas d’une confrontation. Ici, il s’agit de faire bloc et union. Accepter les moments de doute(s) et d’observation, de suspension et de retenue(s) avant que parle la poudre. Et la poudre parlera forcément. Rouge, indélébile, brisante. Alors, ils attireront des tissus sombres et épais puis reviendront croiser le fer. Ils en remettront une couche puis traverseront d’autres territoires, plus apaisés, plus tempérés. Ils diront comment ensemble, ça peut se passer de chef. Et nous, spectateurs-auditeurs convaincus depuis longtemps, nous nous agripperons avec fureur et délectation à cette musique de vie et de forces vives. Et si c’était à nous de jouer maintenant ?

Marteau Rouge, Evan Parker : Live (In Situ / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Un 02/ Deux  03/ Trois, tourne mon Coeur 04/ Quatre 5/ Cinq 06/ Six, Au temps des cerises  07/ Dix 08/ Onze, Douze, Quand tout sera rouge
Luc Bouquet © Le son du grisli

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