Guionnet, La Casa, Samartzis : Soleil d’artifice (Swarming, 2009)
Enregistré en studio, Soleil d’artifice est la trace laissée sur disque de l’association Jean-Luc Guionnet (saxophone alto) / Eric La Casa (microphones, laptop et enregistrements) / Philip Samartzis (électronique, laptop, field recordings), entendue en Europe en 2007.
En compagnie de l’Australien – qui s’occupa aussi de mixer l’enregistrement –, Guionnet et La Casa réinterrogent l’espace, le temps et la forme à donner à la dualité. Au son de sirènes, de grésillements, de chuchotements et d’aigus perçants, les trois hommes bâtissent un édifice de grisailles enfermant l’entente de sons préenregistrés et de pratiques instrumentales inventant sur l’instant. Bientôt, l’alto insiste pour se libérer de la forme jusque-là donnée à l’ensemble, se balance entre deux notes puis en répète une seule, de moins en moins inquiet d’aller voir ailleurs qu’à l’endroit indiqué : Soleil d’artifice dans lequel il finit par se fondre pour mieux en intensifier la flamme.
« J’aurai vécu dans le soleil. J’ai connu dans ce monde un bonheur infini. Certains soirs, le bruit de la pluie me procurait une jouissance indicible car il était la chanson que faisait ma vie pour résonner dans les profondeurs du temps qui me donnait tout. » Joë Bousquet, Traduit du silence, extrait cité dans Le bruit de fond, texte de Jean-Luc Guionnet.
Jean-Luc Guionnet, Eric La Casa, Philip Samartzis : Soleil d’artifice (Swarming / Metamkine)
Enregistrement : 2007. Edition : 2009.
CD: 01/ Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Jean-Luc Guionnet, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Seijiro Murayama : Noite (Creative Sources, 2008)
Sur un bout de trottoir portugais, de Noite, le saxophoniste Jean-Luc Guionnet et le percussionniste Seijiro Murayama forçaient Ernesto Rodrigues (violon) et son fils Guilherme (violoncelle) à emboîter le pas de leur entente.
A l’écoute des rumeurs de la périphérie de la ville, les musiciens passent de gestes de circonstances (grondements de l’alto et archets longs) en élaborations de contrastes (caisse claire effleurée près de toutes propositions improvisées), évoluant en satellites en déroute avant de céder ensemble à l’ivresse d’une chute partagée : Murayama décidant forcément de l’allure de celle-ci.
Le vent, sur l’ouverture de la seconde pièce, avant qu’une sorte de sonar rappelle chacun des intervenants : accord de bourdons, celui de l’alto grave subissant le tangage, longs parallèles d’essences différentes, et l’invective d’une autre ponctuation : Guionnet fomentant des projectiles, saillies des violon et violoncelle, avant que s’impose à nouveau l’abstraction minimaliste et posée. Un archet périclitant annoncera la fin de l’expérience rare, musique de rue évanouie aux portes de la ville.
Jean-Luc Guionnet, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Seijiro Murayama : Noite
Creative Sources
Edition : 2008.
CD : 01/ Story Board 02/ Drama-Like
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Inscape : Lille-Flandres (Monotype, 2008)
En personnage principal de l’Eve future, un Thomas Edison réinventé regrettait d’être arrivé trop tard dans l’humanité pour avoir permis à l’une de ses inventions de consigner les voix de ceux, importants, qui auront avant lui fait l’histoire. De l’invention en question – améliorée quand même –, Jean Luc Guionnet et Eric La Casa (soit : Inscape) s’emparent pour investir un lieu, mais s’occuper de quotidien, obnubilés davantage par les exceptions cachées sous le trivial.
En 2004, une gare : Lille-Flandres, qu’ils remplirent de micros et de caméras pour jouer ensuite avec les sons à leur parvenir : sur le vif, mêler aux mouvements des voyageurs des souffles trouvés où, aux annonces diffusées en hall le bruit lointain des voitures, à des craquements ayant maintenant gagné le statut d’élément d’abstraction le bruissement retrouvé de strates ombreuses. Sans rien retoucher aux trouvailles et constructions faites sur place, Inscape, en rêvant de mettre la main sur la musicalité d’un environnement, révèle ici le corps – comme on parle du corps d’un texte – non pas de l’espace mais de l’endroit, à coup de preuves enfilées qui forment bientôt un langage.
Inscape, Mixings : (part 2). Courtesy of Monotype.
Inscape : Lille-Flandres (Monotype Records)
Enregistrement : 2004. Edition : 2008.
CD : 01/ Calibration 02/ Mixings : (part 1) 03/ Mixings : (part 2) 04/ Mixings : (part 3) 05/ Mixings : (part 4) 06/ Mixings : (part 5) 07/ Installation
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Amanda Stewart, Jean-Luc Guionnet: Non-Songs (La barque - 2008)
Sur Non-Songs, enregistrement sorti de la collaboration d’Amanda Stewart (poète australienne) et de Jean-Luc Guionnet (saxophoniste français) et disque proposé avec le cinquième numéro de la revue La barque – là : quelques traductions d’œuvres de Stewart aux côtés d’autres textes, critiques ou littéraires –, retrouver, mêlées, deux formes de langage (sinon plus).
Celui fait de longues notes de saxophone alto, de souffles et de dérives sonores faites accompagnement, et celui d’une action littéraire expérimentale, que Stewart manipule avec savoir-faire et implication. Partagés, silences et râles rapprochent encore le murmure de l’une et la rumeur de l’autre, finissent même par conjuguer leurs différences pour qu’aboutisse enfin l’expression harmonieuse.
CD: Amanda Stewart, Jean-Luc Guionnet - Non-Songs - 2008 - Revue La barque, n°5.
Return of The New Thing: Alchemy (Not Two - 2008)
A l’Alchemia de Cracovie, Return of the New Thing donnait en 2007 un grand exposé d’improvisation sombre, qui, une fois mis en boîte, vient grossir la singulière discographie du groupe.
Du mouvement lent de graves turbulences, le quartette repart donc, pour amasser interventions concentrées et sautes d’humeur revigorantes – Jean-Luc Guionnet passant de propositions timides en expressionnisme agité, Dan Warburton tirant au piano profit d’arpèges avant de distribuer une série de notes turbulentes – sur la première plage, puis traîner davantage sur la deuxième, pan d’intensité charriée par vagues successives soumises à peine à l’influence d’accentuations soudaines : rauques de l’alto contre insistance d’un violon.
En guise de conclusion, le contrebassiste François Fuchs et le batteur Edward Perraud installent un discours plus normé – swing soutenu mais en perpétuelle dérive –, qui complète l’approche musicale de Return of the New Thing, partie de l’influence de Coltrane et patiemment diluée.
CD: 01/ 29’09’’ 02/ 24’41’’ 03/ 17’22’’ >>> Return of the New Thing - Alchemy - 2008 - Not Two. Import.
Jean-Luc Guionnet, Toshimaru Nakamura : MAP (Potlatch, 2008)
Sur MAP, Jean-Luc Guionnet (saxophoniste encore récemment remarqué sur Propagations) et Toshimaru Nakamura (entendu auprès d’Otomo Yoshihide, John Butcher ou Axel Dörner) soignent leur rencontre, et cisèlent une électroacoustique subtile.
A force de pratique expérimentale, l’alto parvient d’abord à imposer sa voix sur de longs sifflements électroniques, avant que le duo ne mette en place une interaction qui donnera sa forme vive à la rencontre. Décisif, Guionnet extirpe une note longue et aigue, la redit faiblement avant de l’appuyer assez pour perturber la présence de Nakamura - l’électronique s’emballe, le grésillement pour toute interjection.
Et puis, l’inverse mis en pratique : le juste retour des choses – comprendre : d’autres larsens – en réaction aux aigus fuyants de saxophone distribués maintenant entre les pauses que l’on s’accorde à deux. En guise de conclusion, Guionnet intervient sur un orgue, en définit les possibilités bruitistes et fait appel à d’autres effets dévastateurs. Le discours individuel moins en paix que ne l’était le dialogue, duquel sera sorti une œuvre à la sérénité provocante.
Jean-Luc Guionnet, Toshimaru Nakamura : MAP (Potlatch / orkhêstra International)
Edition : 2008.
CD : 01/ (18 :38) 02/ (12 :51) 03/ (16 :03) 04/ (23 :16)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dan Warburton, Fred Goodwin : Compendium Maleficarum III (Incunabulum Records - 2008)
Née de la rencontre du violoniste Dan Warburton et du poète et chanteur Frederick Goodwin, Compendium Maleficiarum III est une œuvre expérimentale et différente, qui aura mis vingt ans à se construire à force de faire appel aux sorcières et de ne trouver de véritable soutien qu’auprès de musiciens.
Parmi ceux-là : Jac Berrocal, Jean-Luc Guionnet, Philip Samartzis, Aki Onda ou Bruno Mellier, qui interviennent à distance sur des collages qui convoquent voix et souffles, grincements et battements de cœur, chiens aboyant et chocs sourds. Délicatement, chaque instrument se fond dans le bréviaire surréaliste et envoûté, investit un univers parallèle, celui d’un Eraserhead obnubilé par l’Enfer de Dante, que révèlent les mots de Goodwin, qui préfère distribuer les indices plutôt que de s’acharner à démontrer.
Peu engageante mais rare, l’expérience en devient nécessaire, grâce à la mesure qu’elle applique à toute chose, si ce n’est à l’angoisse qu’elle distille.
CD: 01/ id 02/ McLean Hospital 03/ Hells Angels in a Bar 04/ Woyzeck in Limbo 05/ Atheist 06/ Woyezck in the Inferno 07/ Cannibal Rector 08/ The Cardinal 09/ The Cardinal 10/ Virgil’s Cow 11/ Ophelia 12/ Violence 13/ McGowan’s Bull 14/ Loose Strife 15/ The Crows 16/ The Porno Booth 17/ The Death Camps 18/ Dr. Death 19/ A History Primer
Dan Warburton, Fred Goodwin - Compendium Maleficiarum III - 2008 - Incunabulum Records. Distribution Orkhêstra International.
Brochard, Guionnet, Perraud: [on] (In Situ - 2007)
La rencontre du contrebassiste Eric Brochard, du batteur Edward Perraud et du saxophoniste – encore récemment entendu sur Propagations – Jean-Luc Guionnet, en deux actes : Lithe et Néolithe, qui se succèdent sur [on].
Là, aviser un paquet de gestes bruts, affirmant le parti pris d’une pratique radicale de l’improvisation : qui extirpe ses visions de l’instant à coups de notes qu’on arrache : grincements de contrebasse et plaintes longues d’alto, progressions incommodes de guitare et confections de drones inquiets bien qu’en voie de développement.
Et puis, Guionnet glisse et dérive, impose à son instrument un parcours circulaire ; Brochard répète une note, relent décidé de corde lâche ; Perraud tourmente ses cymbales déjà convulsives. Lithe et Néolithe, qui se succèdent sur [on], et qui l’imposent avec adresse.
Eric Brochard, Jean-Luc Guionnet, Edward Perraud : [on] (In Situ / Orkhêstra International)
Edition : 2007.
CD : 01/ Lithe 02/ Néolithe
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Marc Baron, Bertrand Denzler, Jean-Luc Guionnet, Stéphane Rives: Propagations (Potlatch - 2007)
Quatre saxophones (2 altos, 1 ténor et 1 soprano) servent une improvisation inquiète de révéler sa propre sonorité, à force de mesure et de pratiques expérimentales accordées.
Entassant souffles et drones, interventions timides ou osées, Baron, Denzler, Guionnet et Rives, passent de l’abstraction charmante d’une première partie à l’instauration d’élans plus palpables sur une deuxième, que la réflexion autant que l’insistance peaufinent avec lucidité. Plaidant pour l’éternel retour d’une note sur laquelle ils s’accordent, les musiciens dérangent ensuite leur entente au son de sifflements hauts et de graves, de ruptures soudaines et d’assauts fomentés. Menée avec intelligence, l’expérience rassure en révélant les conséquences heureuses de ses Propagations.
CD: 01/ Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3
Marc Baron, Bertrand Denzler, Jean-Luc Guionnet, Stéphane Rives - Propagations - 2007 - Potlatch. Orkhêstra International.
Return of the New Thing: Crescendo (Not Two - 2005)
(Em)Porté par le saxophoniste Jean-Luc Guionnet et le violoniste et pianiste Dan Warburton, Return of the New Thing adressait en 2005, avec Crescendo, un hommage créatif aux figures anciennes de la Nouvelle Chose.
Lentement ouverte, 35’31 combine ensuite un free chargé sur lequel Guionnet et Warburton (au piano) excellent, insistants, répétitifs ou fulgurants, et quelques plages plus calmes, qui convoquent un drone sorti d'un violon ou une note répétée par la contrebasse de François Fuchs.
Plus balancé encore, 25’11 dispose le piano en retrait pour permettre au soprano des fulgurances remarquables, avant que le groupe ne s’adonne à un swing échevelé, qui ramasse, aidé par la précision du batteur Edward Perraud, les intentions expérimentales pour les présenter plus nettement. Exigences plus présentables, mais toujours aussi efficaces.
Dans les pas de l’œuvre (trop courte, en leader) de Sunny Murray, Return of the New Thing a prouvé avec Crescendo l’acuité d’un discours qui aurait tenu, chez d’autres, de l’appropriation illégitime.
CD: 01/ 35'31 02/ 25'11
Return of the New Thing - Crescendo - 2005 - Not Two Records. Import.