Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

The Ames Room : Bird Dies (Clean Feed, 2011)

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Après s’être souvenu sur In de concerts donnés à Niort et à Poznan, The Ames Room voit publiée sur Clean Feed une équation singulière : The Ames Room in Lille = Bird Dies. L’enregistrement date du 10 mars 2010 et renferme une pièce unique. Elle est, il va presque sans dire, recommandable à plus d’un titre.

Sur Bird Dies donc, l’association Guionnet / Thomas / Guthrie enfonce le clou à coups de bec, d’archet et de baguette : d’une pratique musicale wisigothe, d’une épreuve d’endurance et d’intensité, d’une scansion répétitive qui trouve son salut dans l’accident, d’un jeu de dupes enfin auquel se livre, bonhomme, la réunion de trois boutefeux.

D’abord, l’alto de Guionnet bute : ses partenaires filtrent ses premiers motifs (frappes joueuses de Guthrie) ou les lui renvoient au visage (claques assénées par Thomas sur contrebasse-catapulte). Là, Guionnet esquive et, obstiné, décide d’un autre plan : comme en un jeu de briques il fait tourner ses phrases courtes de degré en degré jusqu’à ce qu’elles s’imbriquent dans le mur épais que le trio élève. Qui impressionne, une fois terminé, à en croire le nombre d’oiseaux inertes retrouvés à son pied. 

The Ames Room : Bird Dies (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 10 mars 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Bird Dies
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

total_meetingJean-Luc Guionnet jouera à Paris ce vendredi 9 décembre en duo avec Seijiro Murayama (Jazz at Home). Le dimanche 11 décembre, il jouera à Tours, cette fois en Hubbub (Total Meeting).



Seijiro Murayama, Jean-Luc Guionnet : Window Dressing (Potlatch, 2011)

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La publication simultanée, sous l'excellente étiquette Potlatch, de deux enregistrements associant l'ahurissant percussionniste Seijiro Murayama d'une part à Stéphane Rives (saxophone soprano – Axiom For The Duration) et d'autre part à Jean-Luc Guionnet (saxophone alto), offre bien sûr le plaisir de mesurer, si ce n'est de comparer, les esthétiques à l'œuvre et les traits distinctifs des formations en question – le continu & le discontinu, le frotter & le frapper, le temps & la durée.

C'est pourtant au seul duo (« débarrassé » des Chamy ou Mattin auxquels il est parfois associé à la scène) avec l'altiste que je souhaite m'en tenir ici, car j'attendais tout particulièrement ce disque depuis Le bruit du toit (2007, label Xing Wu) ; si celui-ci avait été saisi dans un temple japonais, la moitié du présent témoignage a été captée à la radio slovène en juin 2010, et l'autre partie très finement gravée par Éric La Casa en décembre cette même année.

La formidable tension qui nimbe les échanges – ou peut-être faudrait-il parler d'interventions, d'interjections – de Guionnet (dans la gorge, dans les dents) et Murayama (par matières primordiales), mieux qu'une crispation, établit les polarités électriques nécessaires à l'érection des pierres (alignées ou en tumulus), à la projection des graviers : cartons perforés, ciel retroué. La raréfaction des gestes sonores ne confère pas à ces derniers la moindre dramatisation solennelle ; simples faits, dans leur hiératisme, leur manière de modestie et leur sobre poésie verticale.

Seijiro Murayama, Jean-Luc Guionnet : Window Dressing (Potlatch / Orkhêstra International)
Enregistrement : 30 juin 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Procédé 02/ Processus 03/ Procession 04/ Procès
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Festival Météo 2011 : Mulhouse, 11-27 août 2011

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Dans le champ des musiques improvisées, peu de festivals français peuvent se permettre de seulement rêver une affiche telle que celle conçue par Météo. Bien sûr, il faut quelques moyens, mais il faut aussi faire preuve d’un minimum d’attention : « L’improvisation ne s’improvise pas », répétait le nom d’un stage animé cette année par Joëlle Léandre dans le cadre du festival – certes, l’affirmation contraire (l’improvisation s’improvise) est tout aussi acceptable, mais qu’importe… Alors, l’oreille des organisateurs traîne des mois durant d’un concert à l’autre – l’imagination est en éveil et le pari en tête – dans le souci d’élaborer une programmation qui devra se montrer assez persuasive pour transformer, le temps de quelques jours, Mulhouse en capitale culturelle.

Cette année, par exemple, on trouva en divers endroits de la ville des personnalités faisant autorité dans le même temps qu’elles continuent de bel et bien composer sur (et avec) l’instant : le pianiste John Tilbury et le guitariste Keith Rowe qui jouèrent de dissonances et de suspensions, de discrétions et de mesure, au sommet d’un parking à étages ; le saxophoniste Daunik Lazro enveloppant de son invention la clarinette et la voix d’Isabelle Duthoit à la Chapelle Saint-Jean ; Joëlle Léandre en représentation au Noumatrouff aux côtés du violoncelliste Vincent Courtois ; le sopraniste Michel Doneda et le percussionniste Tatsuya Nakatani développant une collaboration dont l’entente fut consignée l’année dernière sur disque (White Stone Black Lamp, chez Kobo) ; Paul Lovens, batteur hétérodoxe et fantasque insatiable, en souteneur d’électroacoustique inspirée aux côtés des terribles Axel Dörner (trompette) et Kevin Drumm (électronique) ; le saxophoniste Urs Leimgruber et le pianiste Jacques Demierre emmenant de concert un sextette tranchant du nom de 6ix ; le contrebassiste Barry Guy, enfin, dont l'art des tensions n'a rien pu faire pour améliorer son discours avec le pianiste Agusti Fernandez et le batteur Ramon Lopez, plus souvent fade que véritablement convaincant.

D’autres noms à l’affiche : de plus jeunes, certes, mais de réputés aussi – glisser derrière ce tiret le principal reproche à faire aux organisateurs du festival qui donnent dans la confusion dès qu’ils décident (pour faire original peut-être) d’imposer un artiste « étonnant / décalé / à l’univers improbable », en un mot : superflu. Cette année, ce furent Alexandre Kittel, avilisseur de cymbales dont l’intervention tient davantage de la performance banale que de la recherche sonore, et Adrien Kessler, chanteur au piano électrique dont le cabaret frappé est aussi affecté qu’inutile, qui, en refusant l’invitation du festival sous prétexte de ne pas être tout à fait prêt encore à jouer seul devant un public, auraient gagné en honnêteté ce qu’ils ont perdu en crédibilité. Par souci de franchise, il faut indiquer que, à spectacle conventionnel, public conventionnel, l’un et l’autre n’auront pas manqué d’applaudissements.

De plus jeunes noms à l’affiche, écrivais-je donc, mais de réputés déjà : Xavier Charles à la clarinette et Jean-Luc Guionnet à l’orgue s’exprimant l’un et l’autre en solo et avec panache ; la pianiste Magda Mayas et la saxophoniste Christine Abdelnour balançant de rivalités graves en accord parfait sur une jolie pièce d’atmosphère ; le Berlin Sound Connective inventant en quartette un ouvrage tendu d’électroacoustique que capturera Jérôme Noetinger en ses machines pour le transformer ; Rhodri Davies, dont la harpe subtile guidera le trio Cranc le temps d’une belle et inquiète exploration des volumes de la friche DMC avant d’en faire le lendemain en compagnie de Clare Cooper un écrin post-industriel pour huit harpes d’exception.

Au nombre enfin des concerts véhéments qui emportèrent formes et fond, citer celui de The Ames Room (Jean-Luc Guionnet revenu au saxophone alto et accompagné de Clayton Thomas à la contrebasse et de Will Guthrie à la batterie, servant un free jazz qui existe donc encore, et même se montre vaillant), celui de The Ex soutenu par une section de vents composée de Ken Vandermark, Mats Gustafsson et Roy Paci, enfin celui de N.E.W., formation réunissant Alex Ward (guitare électrique), John Edwards (contrebasse) et Steve Noble (batterie), soit deux improvisateurs hors pair appelés auprès d’un guitariste exalté pour conclure une exceptionnelle semaine Météo.

Guillaume Belhomme © Mouvement / Le son du grisli


Hubbub : Whobub (Matchless, 2011)

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S’il n’était question d’identités, le Who de cet Hubbub serait l’onomatopée saluant la sortie d’un disque-double sur Matchless : un concert donné à la Malterie (Lille) le 23 avril 2010 accompagné d’un enregistrement au Carré Bleu (Poitiers) daté de février de la même année.

A Lille, alors, ce Who frôlant les trois quarts d’heure. Le lent déploiement d’une épaisse vague sonore, cymbales porteuses, guitares et saxophones aux notes longues et parallèles : ni tout à fait le même hubb, ni tout à fait un autre ub, l’exercice convainc par les manières qu’il a d’évoluer en suspension et de gagner en consistance et cohésion dans le même temps que les identités percent. Celles, s’il faut le redire, de Frédéric Blondy, Bertrand Denzler, Jean-Luc Guionnet, Jean-Sébastien Mariage et Edward Perraud, qui osent dévoiler un peu de Moi dans ce Grand Tout. En conséquence, l’air tremble, soumis qu’il est aux provocations des rapprochements entre aigus et graves, aux délitements d’accords, aux accrocs pernicieux et aux distances qui les distinguent tout en les liant.

A Poitiers, autre chose. En deux temps, le groupe développe d’un seul homme un ouvrage de discrétions : une note longue d’alto appelle une note-parallèle, le sismographe s’inquiète de mouvements mesurés mais de mouvements certains : ceux d’un vaisseau-quintette conduit par Mariage puis par Perraud. Simple supposition, ceci étant, puisqu'Hubbub cache toujours un pan des expressions qu’il dévoile pour interdire peut-être à sa musique d'être appréhendée tout à fait, d'être devinée par fragments plutôt.

Hubbub : Whobub (Matchless / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD1 : 01/ Who – CD2 : 01/ Bub 1 02/ Bub 2 
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

meteo11Jean-Luc Guionnet donnera deux concerts dans le cadre du festival Météo (solo d’orgue le 24 août + The Ames Room le 26). Il y animera aussi un atelier et verra ses gravures exposées à la bibliothèque de Mulhouse.


Toc Sine : Drawings (Cathnor, 2011)

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Suite de pièces électroniques imbriquées, Drawings dresse un constat des échanges de Pascal Battus et Jean-Luc Guionnet : épreuves d’écriture et de réécritures, d’expressions contenues et de surimpressions amènes.

Compter sur les effets de poses réfléchies, de signaux en mouvement lent, dont les conséquences seront ces huit dessins que le duo compose en miniaturistes. Au creux des noirs, on trouve des craquements et des parasites de toutes envergures, des souffles de synthèse et des bruits de masse, des sons découpés remontant et s’arrangeant à la surface du disque.

Au microscope, on repère quelques micro-organismes aux plaintes amplifiées : sourdes, excentriques ou véhémentes, elles attestent de vies discrètes et pourtant fantastiques que Battus et Guionnet n’ont rien fait d’autre qu’inventer de toutes pièces. Seul l’un après l’autre ; ensemble enfin.

Toc Sine : Drawings (Cathnor / Metamkine)
Enregistrement : 2008. Edition : 2011.
CD : 01/ Plan for Casting the Sforza Monument 02/ L’amour du fusil neuf 03/ Nature morte à la raie 04/ Metronomic Ireegularity II 05/ Clara Clara 06/ group II 07/ Delocazione 08/ Die
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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Toc Sine est programmé ce mercredi soir aux Instants Chavirés. Annoncés aussi : Will Guthrie et Eli Keszler.



Brassier, Guionnet, Murayama, Mattin : Idioms and Idiots (WMO/R, 2010)

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Enregistré au NPAI Festival de 2008, Idioms and Idiots – projet de Jean-Luc Guionnet, Mattin, Seijiro Murayama et Ray Brassier – est de ces disques dont il faut expliquer les causes, croit-on comprendre. Dans un livret, les musiciens s’expliquent – ces explications peuvent aussi être trouvées .

Ici donc, on parle de musique (non-idiomatic de Derek Bailey) et de philosophie (non-philosophie de François Laruelle) pour en appeler aux conséquences du contact recommandé d’un vocabulaire arrêté (musique dans son acception courante) et de pratiques « rebelles » (improvisation en trois actes). D’autres conflits peuvent naître malgré tout : Brassier en philosophe inquiet de langage musical invité par un trio d’improvisateurs complices poussant ceux-là mêmes à tout refuser en bloc, encore plus qu’à leur habitude. Ainsi, le droit de réponse peut accoucher d’une non-intervention et le désir de dire peut conseiller aux musiciens l’option d’une fuite silencieuse. Pour faire plus vite encore, disons que le duel Activity / Passivity n’a qu’un but avoué et qu’il promet même, baptisé « clinical violence ».

Musicalement, maintenant ? « Non-musicalement », peut-être ? La mise en place tient d’un supplice de la goutte d’eau aux charmes évidents : peaux frottées puis cordes défaites avant ce cri inattendu ; place donc accordée aux mots s’ils saturent, s’ils peuvent donner un peu de fond aux cris multipliés sur le ronronnement « clinique » en effet de machines qui n’en sont pas. Le troisième acte célèbre longtemps une note de guitare et le roulement à billes d’une autre mécanique qui finira par avaler l’un de ses concepteurs – le dernier cri de Mattin est féroce et met un son sur son expérience d’homme broyé net.

Là se termine la pièce d’un théâtre philosophique fait d’accords de guitare lasse, de couacs d’altiste, de silences et de bourdons commandés sur caisses plus ou moins claires, et de vociférations saturant ; la démarche est libre et les questions, sait-on jamais, posées seulement ensuite ?  L’esthétique a changé il y a longtemps déjà la forme des beaux-arts, la « non-philosophie » n’a plus qu’à s’occuper de celui de la « non-musique » : le résultat pourrait-il être étrangement musical ? 

Ray Brassier, Jean-Luc Guionnet, Seijiro Murayama, Mattin : Idioms and Idiots (w.m.o/r35 / Metamkine)
Enregistrement : 2008. Edition : 2010.
CD : 01-03. Idioms and Idiots
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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Jean-Luc Guionnet improvisera demain, dimanche 20 mars, à Paris, en compagnie cette fois du contrebassiste Benjamin Duboc. Pour information ou réservation, contacter Bertrand Gastaut.


Daunik Lazro : Horizon vertical (Hors Œil, 2011)

dauniksliDepuis une dizaine d’année Daunik Lazro a délaissé l’alto au profit du baryton.  Moins de satellites, plus de possibilités : les sons qui sortent du baryton de Lazro sont des sons qui écorchent le convenu. Ce sont des sons de batailles, propulsés contre l’arrogance des chefs. Ce sont des sons que beaucoup ne veulent pas entendre et que beaucoup n’entendront jamais. Des sons qui interrogent et bousculent un monde (à jamais ?) servile. Ce sont surtout de sons qui s’accordent et se réfléchissent aux partenaires du saxophoniste (ici Raymond Boni, Jérôme Noetinger, Jean-Luc Guionnet, Emilie Lesbros, Clayton Thomas, Kristoff K.Roll, Aurore Gruel, Michel Raji, Louis-Michel Marion, Qwat Neum Sixx). Au détour d’un concert, le saxophoniste dit le plaisir d’avoir joué quelque chose qui n’était jamais apparu jusque-là.

Et puis Daunik parle. Il parle de sa rage, de son désespoir, de ses tourments, de la perte, des expériences passées, des influences (Bechet, Dolphy, Ornette, Lyons, Portal). Avec le photographe Horace, il se souvient d’Ayler à Pleyel, des spectateurs qui partaient en masse, de ceux qui hurlaient leur dégoût et des autres qui criaient leur joie. Encore une bataille. Perdue ou gagnée ? Sommes-nous assez sereins, aujourd’hui, pour seulement envisager d’y répondre ? Et il parle encore. Il parle d’astrologie, du corps qui flanche, des substances illicites qui l’ont transporté dans une autre dimension.

Souvent, Christine Baudillon filme le saxophoniste, immobile. Minutieusement, elle enregistre le vent dans les branches. Elle superpose les axes. Un filet d’eau coule. Des feuilles mortes jonchent le sol. Le mouvement est lent et Tarkovski n’est pas loin. Et surtout, elle n’impose rien, ne bouscule rien. Cinéaste humble et investie, elle n’interfère pas : elle enregistre et témoigne. Seulement cela. Et ce cela est immense.

En bonus, un livret de photographies commentées par le saxophoniste lui-même. Un passé pas si lointain : des duos, des trios, des quartets et des visages jamais figés, toujours en mouvement. Un DVD indispensable mais vous l’aviez sans doute compris.

Christine Baudillon : Daunik Lazro : Horizon vertical (Hors Œil Editions)
Edition : 2011.
Luc Bouquet © Le son du grisli


Rob Brown, Daniel Levin, Anthony Braxton, Mikolaj Trzaska, Vanessa Rossetto, Jean-Luc Guionnet, Didier Lasserre...

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Rob Brown, Daniel Levin : Natural Disorder (Not Two, 2010)
Deux attitudes président à cette nouvelle rencontre Rob Brown (saxophone alto) / Daniel Levin (violoncelle), datée de novembre 2008. La première les incite à se laisser aller au gré d’une tendresse leur inspirant le minimum (On the Balance, Skywriting) ; la seconde les force à se mesurer avec un à-propos plus convaincant (Put Up of Shut Up, Setting Off, Briar Patch). La seconde attitude l’emportant sur la première, l’écoute de Natural Disorder y gagne en conséquence – retour notamment à Setting Off, sur lequel Levin sape toutes intentions mélodiques de Brown à coups d’archet salvateur.

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Paul Hubweber, Philip Zoubek: Archiduc Concert : Dansaert Variations (Emanem, 2010)
Le premier au trombone le second au piano préparé : Paul Hubweber et Philip Zoubek enregistrés à L'Archiduc (Bruxelles) le 2 novembre 2007. Soutenant d’abord les longues notes d’Hubweber, Zoubek le rejoint sur le front et clame à son tour : riche, le vocabulaire qu’il découvre à l’intérieur de son instrument. Le langage est alors fait de trouvailles ravissantes, d’amusantes réactions aux sources sonores extérieures et de longueurs inévitables (conclusion basse de Plafond).

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Anthony Braxton, Anne Rhodes : GTM (Synthax) 2003 (Leo, 2010)
En 2003, Anthony Braxton extirpa de son Large Ensemble la chanteuse Anne Rhodes pour enregistrer avec elle GTM (Synthax) 2003. Les deux Compositions (339 et 340) nées de la rencontre diffèrent par leurs principes et leurs qualités. Ainsi, la première s’avère stérile pour mélanger chant, électronique et saxophones, avec une confiance qui empêche que l’on se pose des questions sur la teneur de l’amalgame, tandis que la seconde se donne des airs de danse frivole impliquant les musiciens davantage sans qu’ils parviennent à convaincre pour autant.

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Tomasz Szwelnik, Mikolaj Trzaska : Don’t Leave Us Home Alone (Kilogram, 2010)
Pas moins de 19 pièces au programme de Don’t Leave Us Alone de Tomasz Szwelnik (piano preparé) et Mikolaj Trzaska (saxophone alto, clarinette basse). La supplique fait effet, alors on force l’écoute de folies distinctives, ici dans l’attente d’une réaction de la part de l’autre, là dans la surenchère expressionniste (Smoke Was Gathering Under the Eyelids en écoute ci-contre), ailleurs encore dans l’élaboration d’atmosphères ombreuses. A la clarinette, Trzaska emmène l’exercice avec une autorité qui transforme à chaque fois l’échange improvisé en dialogue supérieur (Strokind A Dragon’s Muzzle).

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Hwaet : Hwaet (Abrash / Music Appreciation, 2010)
Nouvel élément de l’œuvre hétéroclite de Vanessa Rossetto : rétrospective d’enregistrements réalisés depuis 2007 avec Steven Flato sous le nom de Hwaet. De compositions en improvisations, le duo confectionne en amateurs éclairés des combinaisons de bruits divers (parasites radio, souffles, field recordings, larsens, etc.). Parfois fragile, l’ensemble peut libérer de beaux airs de musique inquiète qui doivent beaucoup au violon espiègle de Rossetto ou au mauvais sort que l’on réserve à l’intervention des voix humaines.

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Didier Lasserre, Jean-Luc Guionnet : Out Suite (Entre deux points, 2010)
En formations différemment inspirées par le jazz (Snus et Nuts pour le premier, Return of the New Thing et The Ames Room pour le second), Didier Lasserre et Jean-Luc Guionnet avaient déjà fait de belles choses de leur intérêt pour les virulences. En duo, les voici se mesurant une poignée de minutes durant. Ici, la verve est égale pour ne pas dire habituelle, et la curiosité tient des deux méthodes de conciliation mises en place, efficientes : batterie stimulant d’abord l’implacable jeu d’alto ; même batterie amortissant ensuite toutes rafales jlg sur peaux apaisantes.


Interview de Seijiro Murayama

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Seul sur caisse claire et même accompagné (par Tim Blechmann, Masafumi Ezaki et Kazushige Kinoshita, Ernesto et Guilherme Rodrigues et Jean-Luc Guionnet…), Seijiro Murayama a beaucoup enregistré ces derniers mois. Le temps, donc, d’en apprendre sur un percussionniste remarquable par l’entremise de Jean-Luc Guionnet, justement : qui interroge ici son partenaire sur les natures de son instrument, ses façons d’envisager l’improvisation et puis l’ « intervalle », concept qui l’inquiète aussi beaucoup.

Jean-Luc Guionnet : Comme percussionniste, comment unifies-tu ton instrument ? Comment fais-tu pour que l’instrument ne se dilue pas dans tout un tas de possibilités d’objets, de sons? Les percussions, c’est infini ! Moi, quand je veux jouer du saxophone, je vais dans un magasin, j’achète un saxo et voilà ! Je ne me pose plus cette question. Toi, comment fais-tu pour dire « mon instrument s’arrête là » et « là, ce n'est plus mon instrument ». La question est double : quand tu joues de la caisse claire ou quand tu joues d’une batterie entière – comme tu le fais dans certains groupes. Seijiro Murayama : La batterie n’est pas un instrument comme le saxophone, le piano ou l’orgue. Cela ressemble plus à un synthétiseur, ce n’est pas un instrument « fini ». Tu ne peux pas commander une batterie avec telle marque ou tel modèle. En fait, c’est « à la carte ». D'ailleurs, on dit que l'on « monte » une batterie. Il y a des options, tu peux ajouter ou enlever des éléments. C’est ça, une batterie ! Par rapport à mon travail à la caisse-claire seule, on peut parler de « réductionnisme », mais à la base il y a déjà ce fait-là. Même si tu utilises une batterie complète, tu n'es pas obligé d'utiliser tous les éléments, bien sûr.

Donc : comment fais-tu pour décider de t'arrêter ? Ton instrument serait infini sinon, et cela changerait tout le temps. Et quand on regarde bien, les batteurs, ils se fixent au bout d’un moment. Ils ont toujours le même « truc », ou plus ou moins. Par exemple, comment as-tu fait pour considérer la caisse claire comme un instrument ? Si tu joues sur une batterie que l'on te prête pendant une tournée, sans amener la tienne, tu es obligé d'improviser en quelque sorte. Mais bon ! Déjà, pour monter une batterie, tu dois penser à la musique elle-même, à la musique que tu joues. Du coup, la musique elle-même détermine les composants de ta batterie. Ceci-dit, par rapport à l’improvisation, c’est un problème (même si on peut ne pas toucher à tel ou tel élément). Quand j’ai commencé à connaître des difficultés à jouer de la batterie dans le contexte de la musique improvisée, c’était justement à cause de ça. La batterie a été conçue pour un percussionniste qui joue d'un ensemble de percussions tout seul. C’est cela, sa conception. Mais avec une batterie, tu ne peux pas jouer de la musique contemporaine « pointue », écrite pour l’ensemble des percussions. C’est impossible! On parle souvent de l’importance de « l’indépendance » dans la pratique de la batterie : indépendance des quatre membres. De fait, cela n’est pas vrai, c'est bien « dépendant ». Si cela était indépendant, tu pourrais jouer des partitions de musique contemporaine pour percussions, et complexes. Mais cela est impossible, personne n'est une pieuvre. Donc voilà, la pratique de la batterie elle-même canalise quelque chose musicalement. Prendre qu’une caisse claire ? J’ai pris cette décision très clairement à un moment donné, parce que dans ma pratique musicale il ne m’était plus nécessaire de toucher d’autres éléments.

Et alors pourquoi la caisse claire ? Quand je dis que la batterie ressemble au synthétiseur, c’est parce que le synthétiseur est composé d'éléments que tu peux brancher ou débrancher comme tu le veux. A la grande différence que, dans une batterie, un fût et un autre ne sont pas branchés et mixés comme dans un synthétiseur. Ils sont vraiment séparés, le déplacement d'un fût à l'autre, c’est un voyage. Et puis une fois que tu réussis à changer ta vision vis-à-vis de cela, c'est-à-dire... Si tu vois chaque fût comme un territoire ou un univers, tu dois creuser plus profond dans ce terrain.

Pourquoi pas un tom basse par exemple ? Le tom basse, je l'ai essayé mais ça ne marchait pas. Ce que je veux dire est que je n’ai pas suivi un processus logique ou rationnel; il est plutôt empirique : il y a des choses qui marchent et il y a des choses qui ne marchent pas.

Tu ne peux pas dire pourquoi ? Cela me gêne, il y a un « truc » qui me gêne. C’est sûr qu'un fût ayant deux peaux est problématique pour moi. Tout au début de l’histoire de la percussion, comment utilisait-on les percussions? J'imagine que c’était pour envoyer le son au loin. L’idéal alors était d’utiliser un tambour avec une seule peau. Il fallait un grand volume. Mais concernant la précision, mieux valait mettre deux peaux. Moi, je préfère travailler avec une seule peau, car elle est riche, parfois bordélique, du coup risquée, mais avec plus de volume. Mais aussi à cause de mon travail qui, parfois, n'est pas assez audible (c'est pourquoi j'utilise, pour jouer dans un grand espace, un système de micros contacts et aériens). Le problème avec le tom basse est sa profondeur. Pour Milford Graves, le cœur c'est la caisse-claire.

Est-ce que pour toi ce sont des objets ? Souvent tu parles d’objets… Des objets ?

Est-ce que ton rapport à la caisse claire ou la baguette est celui que tu peux avoir avec un objet ? Dans l’interview que l'on a faite avec Bertrand, tu parles beaucoup d’objets. A un moment, tu dis « je joues pour faire taire les objets »… Ça, c’est un peu exagéré…

Oui, mais c’est une image qui veut dire quelque chose… Quel est ton rapport aux objets ? Quelle est la différence entre le rapport que tu as avec la caisse claire et le rapport que tu as avec cette tasse de café, par exemple? Pour moi, une caisse claire, ou des baguettes, ou des balais, ce sont des objets particuliers. Si on dit que la caisse claire est un instrument, alors les baguettes le sont aussi. Tu peux même faire du son seulement avec elles. Même avec une tasse de café! La question qui se pose ensuite est comment trouver un chemin vers la musique en partant du son. Je ne sais pas pourquoi je dis « objet », peut-être est-ce parce que j'ai du mal avec le terme « instrument », surtout avec « instru ». Ou peut-être ai-je deux connexions différentes ; son-objets d'un côté, et puis musique-instrument d'un autre. Sinon, c'est vrai que j'ai un côté « animiste », je joue comme si un objet avait une âme, ou voire comme s'il était moi-même. Je préfèrerais être un objet à un instrument et être l'Un (la caisse-claire) au Multiple (la batterie). A partir de l'Un, dégager le Multiple! Un instrument est lié à sa propre utilité, même si on peut la détourner. Par contre, un objet est plus libre. D'ailleurs, j'ai du mal avec les mécanismes. Un tambour n'a pas vraiment de mécanisme à manipuler, comme le piano, par exemple. Ce côté archaïque me convient. A partir de la pratique de la batterie, on trouve beaucoup de percussionnistes de la musique improvisée qui ont inventé leur « set » ou « dispositif » personnel, y intégrant des éléments divers – percussions ordinaires, ethniques, ou celle de la musique contemporaine, objets quotidiens, voire électroniques, etc, comme Han Bennink, Paul Lytton, Paul Lovens. Ils se sont intéressés à la palette du timbre, me semble-t-il. Mais maintenant, ils ne le font plus. Ils jouent plutôt de la batterie normale, alors on peut se demander pourquoi ? C’est une question intéressante. Je pense qu’il y a un changement d’idée, de vision, voire une « lassitude », un aspect: « ce qui est important, c'est moi qui joue. » Peut-être le font-ils justement empiriquement, c'est-à-dire qu'ils ont une palette de timbres personnalisée du genre « Incroyable ! C'est super, on peut s’amuser avec des sons bizarres ou étonnants », mais à un moment donné, ils en ont eu assez, et ils s'arrêtent, se disant que ce type de travail est sans fin. Puis la question qui se pose, c'est le choix de palette: concerne-t-il vraiment l'essence de l'improvisation ? Moi aussi, j'ai eu cette pratique de la palette mais finalement, j'en ai eu assez d'amener un tas de choses. D'abord pour des raisons de voyage, c'est vrai ! En quelque sorte, j'ai voulu changer de vision – au lieu de possibilités sans limites, j'ai voulu partir d'une limite ou d'une contrainte et creuser des « trucs » en profondeur.

C’est plus vertical qu’horizontal… Oui, c’est ça…

Et l’intervalle ? L’intervalle ? Cela m’interpelle. Déjà, dans la musique japonaise, c’est un élément marquant. Mais je pense que ce que je fais depuis 1995 environ, c’est sous l’influence du courant musical de la musique occidentale : improvisation, field recordings etc. Autour de 1993, je me sentais bloqué par rapport à la pratique de l’improvisation. Quelque temps après, arriva le courant Onkyo. Il ne m’a pas influencé immédiatement mais plus tardivement, et surtout par rapport au silence : Onkyo a pose la question du silence. A partir de là, j’ai petit à petit...

C’est étonnant que tu rentres Onkyo dans le courant occidental ! Mais la musique japonaise moderne, c’est occidental ! Cela ne concerne pas directement la musique traditionnelle japonaise. Même dans le courant japonais d'Onkyo, il n'y a pas beaucoup de musiciens qui travaillent avec, ou sur le silence. Je trouvais surtout intéressant le travail de Taku Sugimoto. Mais d’abord, celui de Radu Malfatti. Son travail a  déclenché celui de Sugimoto. Bien sûr, il y a d’autres musiciens. Grâce à eux, la question du silence m’a intéressée. Et puis m'est venu aussi l’idée de faire du silence avec le son, ou quelque chose comme cela. J’utilisais du silence comme son. Finalement ce qui n'est pas correct, c’est de percevoir la séparation entre silence et son. C'est ainsi, il est difficile de ne pas les séparer pour en parler dès lors qu'on a utilisé le mot « silence ».

Pour moi, justement, l’intervalle n’est pas le silence. C’est un « tout » qui ne fait pas de division entre son et silence, alors que je trouve que le plus souvent, les musiciens qui disent travailler sur le silence travaillent sur cette dichotomie. Alors que travailler sur l’intervalle, c’est autre chose pour moi… Je préfère dire « intervalle » plutôt que « silence » même si cela n’est pas parfait. Oui, bien sûr…Mais on donne plusieurs sens au terme "intervalle", n'est-ce pas? L'intervalle d'un son à l'autre au niveau du pitch, ou du temps...

J’ai deux questions. C’est important ce que tu disais sur le goût. J’aimerais savoir en quoi le timbre serait plus de l’ordre du goût que l’intervalle? Et pourquoi quand on dit « sortir de mon goût personnel » , et donc faire quelque chose donc de plus impersonnel, l’intervalle serait-il plus impersonnel que le timbre ? Il y a deux types de palettes de timbres : celle déjà faite ou celle que tu peux toi-même composer. Quand tu fais une palette, il s'agit du « goût ». Par contre, accepter une palette déjà faite, il faut y aller avec, accepter de jouer avec, la personnaliser en jouant avec. Sinon, quand on s'amuse à faire une palette, on oublie que cela ne marche pas toujours et partout. Voilà donc les questions d'espace, etc. Il y a des paramètres imprévisibles dans chaque lieu de concert. Alors si c'est ainsi, il serait plus intelligent d'accepter le « manque » et de se comporter différemment. Par rapport à l'intervalle, je pense une petite mais pourtant grande influence me vient de Keith Rowe. Je l'ai vu une fois dans un de ses concerts, couper complètement le son à un moment donné. A ce moment-là, j'ai compris son intention: l'électricité, c'est quelque chose qui coule de nature, donc c'est important de la couper dans la musique. Ce qui se passe avec la percussion, c'est complètement opposé. Comme dans les autres instruments musicaux, il faut lui donner de l'énergie pour qu'elle génère du son. Percussion: ça « percute » (claque) à un moment. Voilà, il est difficile de faire du son continu (sauf avec l'archet, etc). D'une manière opposée à Keith Rowe, c'est très important d'amener une autre dimension, une dimension opposée et souvent oubliée: le continuum. La musique est générée par l'instrument mais la musique que l'on veut jouer peut aussi détourner l'utilisation "normale" de l'instrument.

Tu m'as dit, hier, que travailler sur l'intervalle, c'était rejoindre quelque chose qui a un rapport avec la définition de la percussion... Si un percussionniste utilise seulement des technique de frappes, il ne peut pas créer le son continu en tant que  phénomène sonore, même s'il tape très, très vite. C'est évident. A la limite, il pourrait donner une sensation de continuum, c'est tout! Voilà, son travail est de faire de la musique en contrôlant l'intervalle et la dynamiser par l'attaque, l'intervalle du temps, et puis le pitch... en gros. L'intervalle est une grande contrainte dans la percussion. On ne peut pas s'en débarrasser, on est obligé de vivre avec. Elle concerne l'essence, la nature même de la percussion. J'ai l'impression que ton argument de la différence entre le timbre et l'intervalle par rapport au goût, dépend justement de la façon dont on utilise le timbre. Si tu l'utilises comme inventaire infini de ton choix spécial (qui, alors, serait facilement désuet), cela reste à ton goût. Mais si tu arrives à faire autrement, cela  anéantira cette question. Il y a quelques énigmes là-dessus, je pense.

Explique en quoi cette histoire de goût a un rapport avec cette question de définition de l'instrument : tu dis que la percussion, c'est forcément de la « ré-percussion »... Comment cela s'articule-t-il dans ton esprit ? Comment essayes-tu de rejoindre ce qu'est une percussion ? Le son percussif (ou tout le son) est crée par le contact de deux objets. Et puis, il n'y a pas que cela, il y a d'autres choses aussi. Si il n'y a pas d'air, il n'y a pas de son. Ensuite l'espace, la matière du mur, du sol, etc . Tout cela est interminable à inventorier. On est en face d'un phénomène sonore complexe, insaisissable. On abandonnerait facilement son analyse scientifique. Ensuite, le rebondissement. Comment l'utiliser? Un percussionniste travaille là-dessus. Le laisser aller librement, le rattraper pour le faire retourner, etc... comme il le veut. Finalement un percussionniste, c'est quelqu'un qui manipule ses mouvements au travers d'objets, qui a un rapport particulier avec les objets. On y trouve parfois  même des objets quotidiens. Cette vision m'est tellement forte, chère, qu'elle m'empêche d'utiliser le terme « instrument ». Voilà! Moi qui essaie des démarches microscopiques, ce qui est problématique, c'est l'utilisation des pieds (des fûts, des cymbales, etc) qui garantit la stabilité de l'instrument en vue d' avoir un son plus précis, pour créer de la musique comme forme de communication, langage, ou idiome. Parfois, cette utilisation cache et gâche  la richesse du timbre, etc. Alors je veux travailler là-dessus, sur la façon de créer du son intéressant à partir d'objets (caisse-claire, cymbale, baguette...) mis dans un état instable. Dans l'histoire de la musique, il existe une forte idée de faire « simple », « communicable » (musique comme langage). Cela veut dire do-ré-mi-fa-sol-la-si-do, ou utiliser le son comme idiome, comme des mots que l'on peut échanger. La stabilité des pieds et des instruments, par exemple, y contribue pour avoir toujours le « même » son du point de vue de la communicabilité. Or le même son n'existe pas comme phénomène sonore.

Est-ce que tu te considères comme un batteur ? Moi ? Euh... Je n'aime pas tellement la définition, pas même celle de musicien, et pas même celle de percussionniste. Je n'aime pas le mot. Franchement, si je pouvais faire autre chose, un peu de musique et autre chose... Comme « human being » !

Faire quoi ? Justement, je ne sais pas. Cela veut dire que ma musique.... est existentielle ! Elle est définie, en quelque sorte, par ma vie. C'est encore une fois basé sur l'instabilité! Une personne qui se dit que je suis « percussionniste », ou « musicien confirmé »par exemple, cela reflète de loin sa vision d'un monde stable, ou sa vision stable du monde. Il a sa place « tranquille » dans la société d'aujourd'hui. Et bien, je ne partage absolument pas cette vision !

Seijiro Murayama, propos recueillis en juin 2010 à Paris.
Photos © Stéphane Fugier & Jolimatin. Remerciements à Marc Perron-Bailly.
Jean-Luc Guionnet, Seijiro Murayama © Le son du grisli


The Ames Room : In (Monotype, 2010)

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Deux extraits de concerts donnés par The Ames Room (Jean-Luc Guionnet, Clayton Thomas et Will Guthrie) à Niort et à Poznan l’année dernière composent le disque inaugural d’une série sobrement baptisée In, que le label Monotype prévoit d’augmenter d'une référence chaque année.

Ardent dès l’ouverture – c'est-à-dire à Niort –, le trio investit le domaine d’un jazz épais et bruyant, qui ne plus plus être taxé de free tant les références à y entendre sont nombreuses et n’ont que faire des « styles » : habité, Guionnet éructe ou siffle à l’alto quand, directifs, Thomas et Guthrie creusent le lit de l’improvisation torrentielle à force de notes pincées avec vigueur et de coups portés sur la batterie avec une endurance tenant de l’acharnement. A Poznan, l’allure est différente, Guthrie frisant un trip hop bancal et Guionnet tournant dessus en obsessionnel envoûté par cinq notes tombées par hasard là où Thomas préfère n’en rendre que deux, lâchées dans un geste ample. Plus monotone – littéralement, s'entend – mais tout aussi intense.

The Ames Room : In (Monotype Records)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
LP : A01/ Niort B01/ Poznan
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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