Jean-Jacques Birgé, Francis Gorgé : Avant Toute (Souffle Continu, 2016)
Comme de Bernard Vitet (voir La guêpe, récemment réédité par Souffle Continu), on sait de Jean-Jacques Birgé « à peu près » le parcours. C’est que le parcours en question est, lui aussi, dense et hétéroclite, dont Avant Toute, enregistré en 1974-1975 en duo avec Francis Gorgé, sonne en quelque sorte le départ – et le préambule au Drame Musical Instantané que le duo jouera ensuite avec Vitet.
Birgé aux claviers (synthétiseur ARP 2600 et piano électrique) et Gorgé à la guitare, et aussi une époque : celle d’une improvisation (instantanéisation ?) capable encore d’émettre sans trop s’écouter (voire se regarder) faire. Raccord avec son temps, le duo musarde à loisir sur trois quarts d’heure de quartier libre, et ses Bolet Meuble, CXLII, Coup de Groutchmeu ou Corde lisse, en profitent souvent.
Car l’ego trip est, quand il n’est pas vain (deux ou trois « baisses de régime » en concluront les générations suivantes), plutôt bon conseiller : qui va au son de gimmicks tournants, de cordes qui légèrement saturent, d’élucubrations électroniques minutieuses, de programmations sous cloches… Mais, pour résumer encore, il faudra choisir : alors, pop ou kraut, ce folâtre minimalisme ? « Il s’agit avant tout d’expliquer l’action », répondent (presque en chœur) Birgé et Gorgé.
Jean-Jacques Birgé, Francis Gorgé : Avant Toute
Souffle Continu
Enregistrement : 1974-1975. Réédition : 2016.
LP : A1/ Bolet Meuble A2/ CXLII – B1/ Coup de Groutchmeu B2/ Corde lisse
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Jean-Jacques Birgé : Centenaire de Jean-Jacques Birgé (GRRR, 2018)
A l'occasion de la parution aux éditions Lenka lente du troisième et dernier volume d'Agitation Frite, le son du grisli publiera, deux semaines durant, des chroniques de disques signés de musiciens français interrogés ou évoqués par Philippe Robert dans son anthologie de l'underground français. Aujourd'hui, Jean-Jacques Birgé, interviewé dans le premier tome d'Agitation Frite.
Jean-Jacques Birgé a 100 ans. C’est lui qui l’a décidé. D’accord, un centenaire c’est pas toujours joli mais au-dedans c’est une expérience. Dans le CD, tout est expliqué : cent ans de recherches sonores et cent ans de rencontres. Mais pas que… Car Birgé c’est aussi un ego bien calibré, qui sait se la raconter tout seul, sans qu’on le pousse. Alors, à ses invités d’anniversaire (Bernard Vitet, Didier Petit, Pascale Labbé, Yves Robert, Philippe Deschepper, Vincent Segal, Cyril Atef et bien d’autres), le centenaire demande de bien se tenir à table.
Le jeu est tout simple : suivre l’ego-trip qui le ramène à l’enfance et le conduit vers la fin de vie. Birgé en action, quoi : qui déclenche une sorte de vieille chanson soufflée à l’accordéon, avec faussetés dans la voix canaille, pour déjà penser (à) ce que sera demain. Les revendications sur fond de rock prog, la poésie frappée-flippée par l’électroacoustique, la surenchère de synthés (dans les années 1990, vraiment ?), la douce voix de Birgitte Lyregaard pour notre époque et après c’est les paris sur l’avenir. Toutes les décennies sont là, j’ai vérifié. Celle-ci nous ravit et celle-là nous assomme. C’est que 100 ans, c’est long et qu’on passe par plein d’humeurs. Reste à souhaiter à Jean-Jacques Birgé de vivre cent ans encore, il en est bien capable.
Jean-Jacques Birgé : Centenaire de Jean-Jacques Birgé
GRRR 2018
Un drame musical instantané : A travail égal salaire égal (Klang Galerie, 2017)
A l'occasion de la parution du deuxième volume d'Agitation Frite, le son du grisli s'intéresse à de récents disques sortis par des musiciens qui s'y trouvent interrogés par Philippe Robert. Après Richard Pinhas et Romain Perrot, c'est aujourd'hui le tour de Jean-Jacques Birgé.
J’ai connu des Belges moins dramatiques. Et des Suisses moins instantanés. Il fallait que ce soit en France qu’on invente cette musique (de revendication si l’on en croit le titre), et en grands orchestres en plus. C’est (triple roulement de trompettes)… Un drame musical instantané (remastérisé avant d'être... réédité).
Le pluriel va d’ailleurs pas mal à la triplette Jean-Jacques Birgé / Bernard Vitet / Francis Gorgé. Un truc qui te remue le Quai de Seine comme d’autres font tomber des poissons de cymbales qu’ils secouent pour en sortir des notes (les rustres). Un trio qui t’adjoinise (yep) les services d’improvisateurs upper-class : la voix de Vitet passée à l’envers (pas toujours car parfois ralentie, etc., à vous de vous faire une idée) avec dessus Kent Carter, Jouk Minor ou Gérard Siracusa c’est pas (peu) rien. Ça colle et ça pique comme à la radio (on entend Johnny ou Sardou, des cordes, des pics du Tour de France… tout ça en direct des années 80) mais après l’amusement primal je dois bien avouer que la pièce-montée m’a montée à la tête…
La suite est pas mal (en fait : bien mieux même). J’ai l’impression d’y entendre un grand (oui vraiment grand) orchestre qui tourne autour du Let’s Get Lost de Chet Baker. C’est assez surprenant au début, on tend l’oreille, on s’inquiète pour le standard et bong… le standard cacophonise. Mais bellement (et non pas « bêêêêlement » comme tous les autres orchestres du Conservatoire). Après ça je retombe sur mes pattes de mouton à oreilles : La preuve par le grand huit ne me fait pas grand-chose. Je lis sur le CD que Didier Petit joue du cello et que Lasse Marhaug joue du marimba. Et en fait non, c’est Jacques Marugg qui joue du vibraphone. Diantre, on n’est pas à une surprise près. Birgé / Gorgé / Vitet a encore réussi son coup.
Un drame musical instantané : A travail égal salaire égal
Klang Galerie, 2017
Enregistrement : 1981-1982. Edition : 2017
Pierre Cécile © Le son du grisli