Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Éric Normand : Sur un fil (Setola di Maiale, 2012)

eric normand sur un fil

Sorti du GGRIL, Éric Normand emmène à la basse électrique un quintette dans lequel on trouve Jean Derome (saxophone alto, flûte), James Darling (violoncelle), Antoine Létourneau-Berger (vibraphone) et Michel Côté (batterie, feedbacks).

Sur un fil est cet enregistrement sur lequel Derome et Darling osent sur le morceau-titre des pas de danse oblique dont l’alto finira par bousculer les discrétions avant de devenir un disque que se disputent moments de réflexion et morceaux d’emportements. Lorsque les compositions ne sont pas de Normand, un air de John Tchicai donne à l’association prétexte à s’entendre autrement : basse (au son travaillé et même subtil) et flûte déboîtant sur une marche qu’enrayera une suite d’actes de forfanterie individuelle qui ne parviendront pas à mettre à mal sa cohérence – dont le tuteur est le motif de choix qui gonfle Fields, Cows and Flowers.

Cinq musiciens Sur deux chaises enfin : jeux de micros, larsens et effets de manche, arrangent en torturés une pièce de chaos mémorable : l’alto en agitateur encore, qui saura cette fois découvrir dans la ligne claire un intérêt pour le changement changement. C’est en toute quiétude que se termine donc Sur un fil, vivifiant ouvrage électroacoustique.

Éric Normand 5 : Sur un fil (Setola di Maiale)
Enregistrement : 18 octobre 2009. Edition : 2012.
CD : 01/ Sur un Fil 02/ Sur la Glace 03/ Fields, Cows and Flowers 04/ Sur deux Chaises
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Jean Derome, Normand Guibeault, Pierre Tanguay : Danse à l'Anvers (Ambianes Magnétiques, 2011)

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Ce n’est pas pour rien que le Trio Derome Guilbeault Tanguay réinitialise quelques-uns des thèmes de Kirk ou Dolphy. Comme ces deux derniers, isolés et incompris de la jazzosphère en leur temps, Jean Derome, Normand Guilbeault et Pierre Tanguay ne trouvent guère d’admirateurs, aujourd’hui, pour louer leur jazz vif et tranchant. Un jazz décalé, hors mode (les thèmes composés pour le baryton ne sont pas sans évoquer un autre outlaw du jazz : Charles Tyler) et puisant dans la périphérie ses ressorts harmoniques.

En ce sens, à mille lieux des tristes poseurs faisant les choux gras de la presse spécialisée officielle. Oui, le jazz passe, aujourd’hui, un petit peu du côté de Jean Derome et de ses amis. L’alto est aiguisé, la contrebasse n’est pas d’appoint mais de rigueur et d’inspiration, la batterie foudroie le swing et extraie de la matrice rythmique mille infinis. L’aventure continue pour le Trio Derome Guilbeaut Tanguay. Puissent-ils, enfin, être entendus.

Trio Derome Guilbeault Tanguay : Danse à l’Anvers (Ambiances Magnétiques / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Half-Way House 02/ Dooji Wooji 03/ Rip, Rig and Panic 04/ Danse à l’Anvers 05/ Kissleg 06/ Eufnag 07/ 17 West 08/ Straight Up & Down 09/ Lettre à Rainer Wiens 10/ I’m Checkin’ Out, Goom-Bye 11/ Poor Wheel
Luc Bouquet © Le son du grisli


Quatuor Bozzini : Aberrare / Le mensonge et l'identité / Sens(e) Absence (Ambiances magnétiques, 2011)

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Après avoir interprété Cage, Malcolm Goldstein et quelques autres, le Quatuor Bozzini (Charles-Edouard Marchand : violon, Clemens Merkel : violon, Stéphanie et Isabelle Bozzini : violon alto et violoncelle) s’intéresse aux œuvres de Martin Arnold, compositeur contemporain installé à Toronto.

Dans ces quatre œuvres, quelques constantes : continuité et étirements-déplacements de la mélodie, silences, réminiscence de musique ancienne, unissons, variantes des hauteurs et refus de la bride, du motif, de la phrase. Soit une répétition-juxtaposition de mélodies que l’on croirait instantanées, improvisées ; mélodies d’une simplicité enfantine, toujours tempérées et profondes.

Quatuor Bozzini : Aberrare (Ambiances magnétiques / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Contact;Vault 02/ Slew & Hop 03/ Liquidambars 04/ Aberrare 1 05/ Aberrare2 06/ Aberrare 3 07/ Aberrare 4
Luc Bouquet © le son du grisli

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Avec Jean Derome et Joane Hétu, compositeurs de cette œuvre, le Quatuor joue et parle (présentation des musiciens, citations diverses). En trois mouvements, Le mensonge et l'identité creuse et multiplie la cassure. Les cordes sont stridentes, acérées, oppressantes. Le quatuor à cordes est ici appréhendé comme un modèle de société, comme une communauté. Il témoigne des désunions (enchevêtrements des pièces), se déplace et se perd, sature la violence jusqu’à l’ultime tension mais maintient toujours le cap de l’échange et du partage. Bel exploit.

Quatuor Bozzini : Le mensonge et l'identité (Ambiances magnétiques / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01-19/ 1er mouvement 20-23/ 2ème mouvement 24-25/ 3ème mouvement
Luc Bouquet © Le son du grisli

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Sur Sens(e) Absence, le Quatuor Bozzini tend ses cordes et les arrange en fils télégraphiques. Sous l’archet, ceux-ci respirent : donc, se répètent. Mais sans lasser, tant les nuances et déviations inspirent de subtilité à ces deux pièces, signées Ernstalbrecht Stiebler et Daniel Rothman, couplées pour être d’un contemporain subtil.

Quatuor Bozzini : Sens(e) Absence (Ambiances magnétiques / Orkhêstra International)
CD : 01/ Sehr langsam 02/ Sense Absence
Edition : 2011.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Jean Derome, Lê Quan Ninh : Fléchettes (Tour de bras, 2011)

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Les fléchettes que décochent Jean Derome (flûte, saxophone alto, appeaux et petits instruments) et Lê Quan Ninh (grosse caisse environnée) délivrent un poison qui saisissent en un rien de temps.

Derome avait pourtant prévenu du danger : maugréant d’abord avant de se ranger à l’opinion vindicative de son partenaire : Lê Quan Ninh qui vitupère, frappant fort ou faisant rugir sa grosse caisse à force de caresses multipliées. Ce sont ainsi des râles tenaces et des drones insistants que le percussionniste dépose au second plan.

Contraste : maintenant Derome siffle. A l’alto il défend une intensité bruitiste qui annule et remplace la gentillesse de son usage des petits instruments, que les graves profonds de Ninh avalent de toute manière. A la flûte, Derome évoque alors Prokofiev avant que sonne l’instant d’une autre saillie : sifflements, grognements que domptera un lot de baguettes sèches. Le bois dont on fait les fléchettes cédera sous les effets de derniers tremblements. Le souvenir, ravissant, est d’engourdissement. 

Jean Derome, Lê Quan Ninh : Fléchettes (Tour de bras)
Enregistrement : 27 novembre 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ Fléchettes
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Pierre Labbé : Tremblement de fer (Ambiances magnétiques, 2010)

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Pierre Labbé compose et dirige un ensemble de douze musiciens (Jean Derome, Aaron Doyle, André Leroux, Jean-Nicolas Trottier, Josiane Laberge, Mélanie de Bonville, Jean René, Emilie Girard-Charest, Bernard Falaise, Guillaume Dostaler, Clinton Ryder, Pierre Tanguay). Pierre Labbé aime la clarté et ne s’en cache pas.

Voici donc, en sept compositions, des cadences familières, des improvisations soignées (Jean Derome et son alto dolphyen) et des superpositions qui intriguent. Ainsi, tel accent ternaire se désagrégeant au fil des secondes pour finir cisaillé par un quatuor à cordes vindicatif. Ailleurs, c’est un jazz vif qui pulvérise des violons aux aromes orientaux. Admirables moments que ces antinomies joliment animées et parfaitement assumées. Le reste, sans surprise(s) certes, est d’un intérêt tout autant soutenu.

Pierre Labbé + 12 : Tremblement de fer (Ambiances Magnetiques / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ Freeleux  02/ Lavra 03/ Autochtone 04/ Serpents et échelles 05/ Le deuxième souk 06/ Mutations 07/ La fille et la grenouille
Luc Bouquet © Le son du grisli


Lori Freedman: 3 (Ambiances magnétiques - 2006)

lorigrisliClarinettiste canadienne accumulant les partenaires (Steve Lacy, Joe McPhee, Ab Baars, Barry Guy, Misha Mengelberg…) comme d’autres collectionnent les médailles, Lori Freedman présente ici des extraits choisis de 3 récents et affables trios.

Aux côtés de René Lussier (guitare électrique) et de Martin Tétreault (turntables), Freedman combine les élans de sa clarinette basse et les perles bruitistes de Tétreault (Skroawng, Seven) ou rivalise avec les postures amusées de Lussier – blues défait sur Spaghetti brûlé, rock nerveux sur The Tribe of Triclops.

Plus atmosphériques, les pièces concoctées en compagnie de Jean Derome (saxophone et objets) et Rainer Wiens (guitare préparée et percussions) dessinent une irrégulière rose des vents (The Light of Night), disposent selon des patrons parallèles des drones de tout essences (Six Degrees), ou cèdent à la nécessité d’un assaut final emporté par la fougue du saxophone et de la clarinette (Tigresse).


Plus conventionnelles, les improvisations menées par Freedman, le contrebassiste Nicolas Caloia et la percussionniste Danielle Palardy-Roger, rappellent les enregistrements du Spontaneous Music Ensemble – avec (Chrysalis, Lipsync) ou sans (Babalou, Poussière de lune) véritable conviction. Sorte de retour aux sources improvisées comme moyen de diversifier le propos singulier de Lori Freedman.

CD: 01/ Skroawng 02/ The Tribe of Triclops 03/ Dohseedoh 04/ Seven 05/ Spaghetti brûlé 06/ The Light of Night 07/ Six Degrees 08/ Ipanemean Trionychid 09/ Tigresse 10/ Chrysalis 11/ Babalou 12/ Poussière de lune 13/ Lipsync

Lori Freedman - 3 - 2006 - Ambiances magnétiques. Distribution Orkhêstra International.


Trio Derome Guilbeault Tanguay: The Feeling of Jazz (Ambiances magnétiques - 2005)

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Dans le livret de The Feeling of Jazz, le saxophoniste Jean Derome écrit : « Je ne sais pas pourquoi des blancs francophones jouent du jazz en 2005 à Montréal. » Plus loin, au lieu de se satisfaire d’un expéditif « Pourquoi pas ?», il trouve une réponse d’une simplicité qui le pare de toute attaque critique : « Cette musique est tatouée dans nos cœurs et nous la jouons parce que nous l’aimons et que ça nous rend heureux de le faire. »

Ce discours, vomitif lorsqu’il est tenu par un musicien dont la médiocrité de l’étoffe est aussi discernable que l’ignorance qu’il a d’un art qu’il s’autorise à transformer en addition de propositions vulgaires et vides, porte ici l’entier album avec conviction. Et trois blancs de Montréal d’investir des standards avec insouciance, animés non par le désir de bien faire, mais par celui de le faire, tant qu’il leur plaira.

Alors, avec Jump for Joy, on entame une sélection ouverte, prônant la diversité la plus libre : Ellington, donc, se trouve ici repris, mais aussi Sonny Clark (le swing brillant de Sonny’s Crib), Misha Mengelberg (A Bit Nervous, Rollo II), ou quelques thèmes issus du répertoire de Dolphy (Jitterbug Waltz) ou Billie Holiday (Getting Some Fun Out of Life). A chaque fois, la section rythmique, assurée par Normand Guilbeault (contrebasse) et Pierre Tanguay (percussions), est irréprochable – classique, certes, mais efficace.

Quant à Derome, il pose sans paraître concéder le moindre effort son saxophone, sa flûte, ou sa voix. Car le jazz n’est pas qu’instrumental, et comme le trio l’apprécie dans sa globalité, il lui faut aborder la sous-section vocale. Faisant peu de cas de ce qu’on pourrait facilement lui reprocher, Derome frotte ses cordes à un thème de Cole Porter (Five O’Clock Whistle), repeint en noir You’d Be So Nice To Come Home To, ou inocule un peu de rock – voire, de punk – au mille fois ressassé I Won’t Dance. Sur les paroles défendues jadis par Billie Holiday, le trio persiste : « May be we do the right thing, May be we do the wrong », répétant qu’il ne sert à rien de chercher à estimer la valeur des résultats.

C’est d’ailleurs dans cette certitude qu’il faut repérer la pièce maîtresse de la mécanique de The Feeling of Jazz, d’où aura découlé toute la qualité. Générant le plus souvent quelques gènes porteurs de tares abîmant l’oreille, la priorité du désir sur tout le reste trouve chez Derome, Guilbeault et Tanguay, l’exception confirmant sa règle dommageable.

CD: 01/ Jump for Joy 02/ The Feeling of Jazz 03/ Sonny’s Crib 04/ Five O’Clock Whistle 05/ You’d Be So Nice To Come Home To 06/ Jitterbug Waltz 07/ A Bit Nervous 08/ It’s You or No One – It’s You 09/ I Won’t Dance 10/ Rollo II 11/ Getting Some Fun Out of Life

Trio Derome Guilbeault Tanguay - The Feeling of Jazz - 2005 - Ambiances magnétiques. Distribution Orkhêstra International.



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