Cactus Truck : Seizures Palace (Not Two, 2015) / Are You FREE? (BeCoq, 2015)
Pire que la tondeuse du dimanche et les cigales de l’été : le nouveau Cactus Truck (John Dikeman, Jasper Stadhouders, Onno Govaert). Le p’tit dernier se nomme Seizures Palace. Ici, ce n’est qu’éruption continue : pas de regret pour le silence. Papa Cage ne s’en remettrait pas.
Oui, c’est une bataille. C’est l’axe du brutal. Guitares cisaillantes, batterie en rebonds retors, saxophone forant le cri jusqu’à l’agonie : la morsure est fatale. Le chaos n’admet aucune reconstruction. Je ne sais comment les p’tits jeunes nomment ça : proto-noiso-préhistorico-punko-garage ? Moi, et depuis longtemps d’ailleurs, je ne sais qu’une chose : diable, que je les aime ! Après le non du peuple grec, une autre bonne nouvelle : le Seizures Palace de Cactus Truck.
Cactus Truck : Seizures Palace (Not Two Records)
Enregistrement : 2012. Edition : 2015.
CD : 01/ ? 02/ Will to Power 03/ Drones 04/ Fetzer 05/ Difference & Repetition 06/ Fuck You Nash 07/ One for Roy 08/ Fourth Wind
Luc Bouquet © Le son du grisli
En trois temps – 01/ Are 02/ You 03/ FREE?, pour reprendre le nom du festival slovaque qui programma le trio ce 10 octobre 2014 –, Cactus Truck improvise et pose la question de la liberté (de jeu). Mais aussi des artifices qu’elle impose : free ascensionnel (un contrepoids – le trombone de Jeb Bishop, hier – aurait ramené à la raison le ténor de John Dikeman), colifichets « soniques » débités en repli commandé (guitare de Jasper Stadhouders là pour faire patienter le public entre deux emportements) et succession de reliefs contrastants découpés à la baguette (Onno Govaert, donc). Caractéristique d’une improvisation tonitruante, certes, mais sans grand caractère, aussi.
Cactus Truck : Are You FREE? (BeCoq)
Enregistrement : 10 octobre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Are 02/ You 03/ FREE?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Improvisation Expéditives : Cactus Truck, Michel Côté, Igor Lumpert, Michael Vlatkovitch...
Igor Lumpert : Innertextures Live (Clean Feed, 2012)
De ce jazz sans tension(s) et sans émoi(s), on ne raffole pas. Parce que trop précautionneux, parce que refusant la périphérie et parce que plafonnant en des motifs monotones, l’oreille s’évade. Reconnaissons néanmoins au saxophoniste ténor slovène Igor Lumpert une délicatesse non feinte et une sensibilité idéale quand s’invite la ballade (Sea Whispers, This Is for Billie Holiday). Sans brusquerie, contrebassiste (Christhopher Tordini) et batteur (Nasheet Waits) assistent le saxophoniste dans sa quête de douce prudence. Mais sans danger, où est le salut ?
Vlatkovich Tryyo : Pershing Woman (pfMENTUM, 2012)
Un batteur virevoltant (Damon Short), un violoncelliste languide (Jonathan Golove), un tromboniste volubile (Michael Vlatkovich), un bop qui n’en est pas, des thèmes passe-partout, des failles dans la mise en place, des dialogues croisés, des sautes d’humeur, une énergie débordée, des tricotages audacieux, une difficile facilité… et une prise de son si médiocre (comprenne qui pourra !) que l’on a du mal à aller jusqu’au terme du CD. C’était donc le Vlatkovich Tryyo.
Peter Rom, Andreas Schaerer, Martin Eberle : Please Don’t Feed the Model (Unit, 2011)
Curieuses matières proposées par le trompettiste Martin Eberle, le guitariste Peter Rom et le vocaliste Andreas Schaerer : matières maniables et à la limite de la roublardise même si parfois entêtantes. Matières se répétant, invitant à faire se rencontrer Afrique et Brésil, human beatbox timide et arpèges lascifs. Dans cet océan de normalité, écartelée entre sirupeux et danger, la trompette de Martin Eberle émerge, libre et fusionnante. Presque mauvaise élève d’une musique frôlant plus d’une fois la ligne rouge.
Cactus Truck : Brand New for China! (Public Eyesore, 2012)
De cette sauvagerie extrême venue d’Amsterdam (John Dikeman : saxophones, Jasper Stadhouders : guitare et basse électriques, Onno Govaert : batterie), on notera la colère exaucée, le déchaînement continu, l’étranglement convulsif, le paroxysme jamais abandonné, un chaos qui jamais ne se civilise, une basse enrhumée, un essorage de la matière, des bruits sans fin… et aucune trace d’essoufflement. Belle performance, messieurs !
Maïkotron Unit : Effugit (Rant, 2012)
Du maïkotron, instrument à vent de la famille des bois, crée en 1982 par Michel Côté, on découvre ici quelques-uns des rauques effets. Entre hautbois enrhumé et clarinette basse grippée, on sait que cet assemblage hybride de trompettes, cornets, saxophones, clarinettes et trombone, courant sur cinq octaves et possédant des vertus microtonales peut s’ouvrir à de nombreux possibles. Possibles partiellement oubliés par Michel Côté, Michel Lambert et Pierre Côté dont la suave et très inspirée improvisation (longues introspection, espaces ouverts) éclaire plus les clarinettes, flûtes et saxophones des deux souffleurs que les troubles inflexions de cet étonnant maïkotron.
Sam Shalabi, Alexandre St-Onge, Michel F. Côté : Jane and the Magic Bananas (& Records, 2012)
Précepte cher à Glenn Branca, le petit jeu consistant à passer d’un apparent chaos à une transe évolutive, se retrouve plusieurs fois appliqué ici. Nous dirons donc que la guitare électrique de Sam Shalabi, la guitare basse d’Alexandre St-Onge et la batterie amplifiée de Michel F. Côté œuvrent dans l’hypnotique et le dérèglement. Sachant s’échapper de la masse pour mieux faire bloc, nos trois sidérurgistes donnent aux sévices soniques quelques vives médailles : pièces courtes et déplumées, travaillant sur les micro-intervalles, souvent déphasées et grouillantes, elles prennent source dans la dissonance même. En ce sens, habitant un profond aven, impriment la douleur dans la chair d’une musique sauvage à souhait.
Cactus Truck : Live in USA (Eh? / Tractata, 2013)
Si John Dikeman (saxophones), Jasper Stadhouders (guitare et basse électriques) et Onno Govaert (batterie) se cachent derrière Cactus Truck c’est qu’ils ne craignent ni l’épine ni la vitesse. D’ailleurs, le power trio sax / guitare / batterie se s’embarrasse pas de présentation : à la place, il déverse directement le même free costaud que Luc Bouquet avait entendu sur Brand New China.
Sur le CD en question, les Hollandais ont placé des morceaux de trois concerts donnés aux USA, parfois avec Jeb Bishop (les deux premiers titres) et parfois avec Roy Campbell (le dernier titre). Et oui, le trio étend sa menace et les murs étasuniens en tremblent. Heureusement que Bishop improvise et que Campbell mélodise pour que le free jazz de Cactus Truck n’abatte pas tout jusqu’au dernier de leurs auditeurs. S’ils ont les épaules assez larges, ces-derniers applaudiront le groupe sur les ruines.
Cactus Truck : Live in USA (Eh? / Tractata Records)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Prairie Oyster 02/ Seans Gone 03/ Hot Brown 04/ The Twerk 05/ Magnum Eyebrow 06/ Wedding Present (Sorry Erine) 07/ Ninja
Pierre Cécile © Le son du grisli
The Black Napkins : The Black Napkins (Rat, 2009)
Dans l’art du bibelot sonique et sauvage, les trois néerlandais de Black Napkins font très fort. Chocs et télescopages, saturation maximale et arpèges fielleux, pièces courtes et climats tendus, gargouillis acides et phrases répétées jusqu’à l’obsession ; toute notion de centre semble écartée ici.
Ou alors : un centre éclaté et en ininterrompu démembrement. Joyaux soniques posés en épis et crochetés en des périphéries profondes et insoumises ; une trompette (celle de l’étonnante Sanne van Hek, passée par le Berklee College de Boston) plane et suture les plaies laissées béantes par une guitare (Jasper Stadhouders) et une batterie (Gerri Jäger) aux scalpels faciles. Vous voici prévenus : une musique sans anesthésie.
The Black Napkins : The Black Napkins (Rat Records)
Enregistrement : 2007-2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Test 1 02/ Last Shorty 03/ Mamalan 04/ I db 05/ Mélodie 1 06/ 10 07/ 9.5 08/ Accenten en noten 09/ Supertest 10/ Mélodie 2 11/ Seagull 12/ Aus Niederthai 13/ Ohne Gra
Luc Bouquet © Le son du grisli