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Le son du grisli
jamie saft
23 février 2016

Roswell Rudd, Jamie Saft, Trevor Dunn, Balazs Pandi : Strenght & Power (RareNoise, 2016)

rudd

Sorti de l'Université de Yale où il a étudié la musique classique, Roswell Rudd intègre au trombone quelques ensembles de jazz qu'emmènent Edmond Hall, Eddie Condon, Bud Freeman ou Buck Clayton. S'il sert encore le dixieland auprès de Condon lorsqu'il gagne New York à l'orée des années 1960, le jeune homme profite bientôt des leçons qu'il reçoit là d'Herbie Nichols au point d'abandonner le jazz ancien pour l'avant-garde sous l'influence de fréquentations imposantes : Cecil Taylor, Steve Lacy (avec lequel il se consacre déjà au répertoire de Thelonious Monk), Bill Dixon ou Archie Shepp. Mais c'est en association avec John Tchicai que Rudd démontre le plus souvent une verve convaincante : avec le saxophoniste, il enregistre ainsi en 1964 New York Eye and Ear Control pour le compte d'Albert Ayler et Four for Trane pour celui de Shepp, forme la même année le New York Art Quartet – présences de Lewis Worrell et Milford Graves – et signe l'année suivante à Hilversum la première référence de sa discographie personnelle (Roswell Rudd). En 1968, le tromboniste passe par le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden et le Jazz Composers' Orchestra de Carla Bley et Michael Mantler pour, la décennie suivante, enseigner l'ethnomusicologie au Bard College et enregistrer encore un peu sous son nom – notamment avec la chanteuse Sheila Jordan – ou sous celui d’Enrico Rava (Enrico Rava Quartet). Pour se montrer plus décisif, Rudd devra revenir au répertoire de Nichols et de Monk (enregistrement en 1982 de Regeneration en quintette avec Misha Mengelberg ; conduite, la décennie suivante, des projets The Unheard Herbie Nichols et Monk’s Dream) ainsi qu’à deux de ses plus fidèles partenaires : Steve Lacy et Archie Shepp. [Guillaume Belhomme, Way Ahead, Jazz autres en 100 figures]

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Il n’y a pas que dans le flamenco : le jazz possède aussi ses vieux cantaores. Arrivé à l’hiver de leur vie, la voix se désagrège, la justesse se fait la malle, seul reste l’émoi, le cri, la supplique. C’est un peu ce qui arrive à Roswell Rudd ici : le phrasé est cassé mais ne cesse de gronder, d’envahir le cercle. La saillie est désarmante, le son se projette avec grandeur, force et fulgurance.

L’improvisation au naturel que parcourent Rudd, Jamie Saft, Trevor Dunn et Balazs Pandi n’a pas d’âge. Elle possède naturel et irrévérence mais sait se tenir quand approche le blues. Le voici, ce vieux blues, pas encore fatigué de ses oraisons. Le voici se transfigurant, s’arrimant à ce navire qui tangue mais jamais ne coule. L’improvisation que pratiquent ces quatre-là c’est le risque de l’échec, de la sortie de route. C’est l’espoir des bonheurs, des correspondances, des délivrances. C’est le refus des performances. C’est l’antre du possible. De tous les possibles.



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Roswell Rudd, Jamie Saft, Trevor Dunn, Balazs Pandi : Strength & Power
RareNoise Records
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Strength & Power 02/ Cobalt Is a Divine 03/ The Bedroom 04/ Luminescent 05/ Dunn’s Falls 06/ Struttin’ for Jah Jah
Luc Bouquet © Le son du grisli

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