Dario Palermo : Difference Engines (Amirani, 2015)/ Gianni Mimmo, Alison Blunt : Lasting Ephemerals (Amirani, 2014)
La musique de Dario Palermo serait une musique d’épreuves, à la fois humaines et électroacoustiques. Humaines comme Milo Tamez (percussions), les membres de l’Arditti Quartet et Catherine Carter (mezzo-soprano), et Jean-Michel Van Schouwburg (voix). Electroacoustiques comme RO – Première danse de la Lune, The Difference Engine et Trance, les trois compositions de Palermo que ces humains interprètent respectivement.
Tamez est le premier à faire face à l’électronique en temps réel de ces trois pièces. Ses percussions grincent avant de lui répondre, réfléchissent à des parades avant de se faire avaler. L’obscur exercice n’en est pas moins passionnant. Au tour de l’Arditti Quartet et de Carter. Les cordes parcourent en tous sens un dédale en forme de labyrinthe où sont nichés des oiseaux-flûtes. Le contemporain est moins original. Reste le tour de Van Schouwburg, qui grogne à l’écoute des larsens, essaye de s’expliquer et déblatère. Trance est elle aussi moins captivante que la première pièce. Elle, on l’a réécoutera. En attendant des nouvelles de Dario Palermo.
Dario Palermo : Difference Engines (Amirani)
Edition : 2015.
CD : 01/ RO – Première danse de la Lune (2012) 02/ The Difference Engine 03/ Trance
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Gianni Mimmo est un soprano lui aussi, mais saxophoniste. Sur Lasting Ephemerals, il cherche le sillon qui le mènera le plus sûrement à la violoniste Alison Blunt. Comme dans ces jeux pour enfants, il y a plusieurs possibilités, mais Mimmo et Blunt préfèrent brouiller les pistes en déformant au maximum le son de leurs instruments (qui sonnent « électronique » parfois, comme sur la deuxième face où le romantisme côtoie la BO de film noir). Et ce sera le plus sûr chemin, celui d’un scherzo pas banal.
Gianni Mimmo, Alison Blunt : Lasting Ephemerals (Amirani)
LP : A/ Lasting Ephemerals – B1/ Elliptical Birds B2/ Scherzo
Enregistrement : 26 juin 2013. Edition : 2014.
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Ming Tsao : Pathology of Syntax (Mode, 2014)
Nous avions prévu l’ascension du Mont Ming Tsao sans rien connaître de lui – Pathology of Syntax est la première présentation de ses travaux. Les premiers écroulements d’archet – n’était-ce pas quand même ceux de l’Arditti Quartet ? – ne nous découragèrent pas, bien au contraire. Nous nous engageâmes.
Pour y trouver une impression de nature que nous ne pouvions pas soupçonner chez ce compositeur américain (certes installé en Suède). Est-ce l’effet des grands et des froids espaces, mais le vent ne tire-t-il pas à lui les violons de Pathology of Syntax et ne pousse-t-il pas les cuivres de l’Ensemble Ascolta sur la pente abrupte d’(Un)Cover, les deux pièces d’ouverture inspirées par Beethoven ? Dans un autre genre (moins « classiquement contemporain », plus « impénétrable »), le trombone de l’Ensemble SurPlus ne brame-t-il pas sur Not Reconcilied ?
Pour faire pendant aux bruits de la nature, Ming Tsao compose avec des cordes intranquilles (ce sera encore le cas de celles de l’ensemble recherche), des notes qui dévissent jusqu’à remettre en question le canon. Sur la composition du même nom, le clarinettiste Anthony Burr et le violoncelliste Charles Curtis illustrèrent enfin notre inconscience : nous étions arrivés bien haut. Il nous fallait maintenant redescendre. Mais comment redescendre ?
Ming Tsao : Pathology of Syntax (Mode)
Edition : 2014.
CD : 01/ Pathology of Syntax 02/ (Un)Cover 03/ The Book of Virtual Transcriptions 04/ Not Reconciled 05/ One-Way Street 06/ Canon
Héctor Cabrero © Le son du grisli
John Cage : Freeman Etudes (Mode, 2012) / Sounds Like Silence (Gruenrekorder, 2012)
Les Freeman Etudes de John Cage (2 CD, Books One and Two & Books Three and Four, que le label Mode rééditait il y a quelques mois) sont incontournables dans l’impressionnante discographie d’Irvine Arditti, leader depuis 1974 de l’Arditti Quartet qui a en conséquence interprété tout ce qui bouge de contemporain (entre autres Stockhausen, Berio, Ligeti, Scelsi, Dusapin, Aperghis… et Cage avec les Complete String Quartets parus chez le même éditeur).
Pour certaines composées spécialement pour le violoniste, ces trente-deux études font grand cas de son savoir-faire et plus : de sa virtuosité. Cage y place des points, trace des lignes, et élabore en un superbe crescendo – peu à peu, la dynamique décline et l’on passe d’une frénésie quasi surréaliste à une microtonalité altérée – une folie instrumentale à ressorts. Une œuvre-rupture de ban dans le corpus de John Cage que l’orfèvre Arditti embellit (les dorures des pochettes ne s’y trompent pas).
John Cage, Irvine Arditti : Freeman Etudes (Mode)
Réédition : 2012.
2CD : CD1 : 01-08/ Book One 09-16/ Book Two – CD2 : 01-08/ Book Three 09-16/ Book Four
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Sounds Like Silence est un hommage à la composition silencieuse de Cage, 4’33’’, rendu par des noms comme Nam June Paik, Brandon LaBelle, Ulrich Krieger, Einstürzende Neubauten, Jacob Kirkegaard, Lasse-Marc Riek, Stephen Vitiello ou People Like Us. Sur les lèvres des artistes & musiciens (de documents en captations) on peut lire que si le silence n’existe pas, rien ne vaut pourtant le silence. A méditer ?
Sounds Like Silence (Gruenrekorder)
Edition : 2012.
CD : Sounds Like Silence
Héctor Cabrero © Le son du grisli