Duane Pitre : Feel Free: Live at Cafe OTO (Important, 2013)
Tout de suite (= avant la toute première note), le décor est planté : Duane Pitre / Feel Free: Live At Cafe OTO. Ce qui nous rappelle qu’il y eut avant cela un Feel Free de studio, sorti en 2012 sur Important Records.
Ne connaissant pas la prise studio, je ne pourrais donc vous dire ce qui change… Si ce n’est, quand même, les intervenants. Au côté de Duane Pitre, des musiciens du coin, cette fois, loin d’être inconnus des abonnés du grisli : Guillaume Viltard (contrebasse), Oliver Barrett (violoncelle), James Blackshaw (dulcimer), Jennifer Allum (violoncelle), Jesse Sparhawk (harpe). A l’harmonique de guitare électrique, le Monsieur Pitre avale d’un coup d’un seul toutes les racines qui l’influencent : & asiatique (les drones du dulcimer et les archets) & gothique (le romantisme que portent en eux les cordes de ses camarades du jour). C’est lent, ça insiste & ça tourne, ça peut endormir si joué trop fort, c’est inattendu et quelque chose me dit que les invités de l’OTO n’y sont pas pour rien.
Duane Pitre : Feel Free: Live at Cafe OTO (Important / Souffle Continu)
Enregistrement : 14 juin 2012. Edition : 2013.
LP : Feel Free: Live at Café OTO
Pierre Cécile © Le son du grisli
François Carrier, Michel Lambert : Shores and Ditches (FMR, 2012)
La St. Leonard’s Shoreditch Church de Londres inspirerait-elle les improvisateurs s’y produisant ? Après le lumineux Shoreditch Concert avec Hannah Marshall, Nicola Guazzaloca, Gianni Mimmo et Leila Adu (Amirani Records), c’est au tour du duo François Carrier - Michel Lambert (+ invités) d’investir les lieux.
En duo, d’abord, batteur et saxophoniste veillent à ne pas troubler la résonnance de l’église palladienne. L’altiste organise la mélodie tandis que le batteur-percussionniste se déleste des tissus étouffant les peaux de ses fûts pour s’en aller conquérir de justes résonnances. Plus loin, en trio avec le contrebassiste Guillaume Viltard, la douceur s’arme d’un épais venin. L’altiste répond à une sirène de police qui passait par là et la contrebasse laisse échapper quelques fines larmes. Ensuite, en quintet, avec Daniel Thompson et Neil Metcalfe, flûte et alto avouent leurs désirs de correspondance, débattent et insistent sur quelque trame obsessionnelle. Et enfin, les cloches de la St. Leonard’s Shoreditch d’accompagner le saxophoniste en un duo à l’inspiration continue. A qui le tour maintenant ?
François Carrier, Michel Lambert : Shores and Ditches (FMR / Improjazz)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Caldera 02/ Upstream 03/ Lava 04/ Reef 05/ Wadi 06/ Shores and Ditches
Luc Bouquet © Le son du grisli 2013
Way Out Northwest : The White Spot (Relative Pitch, 2012) / Butcher, Viltard, Prévost : All But (Matchless, 2012)
La publication simultanée de ces deux enregistrements et la similarité de l'instrumentarium convoqué (soit l'association éprouvée du saxophone, de la contrebasse et de la batterie), plus qu'à une aride comparaison, invitent à une écoute particulièrement attentive du travail sonore accompli par John Butcher (saxophones soprano & ténor) dans deux contextes qu'il serait très hasardeux d'opposer – en termes caricaturaux : Amérique contre Europe, ou « jazz option free » contre « improvisation à l'anglaise »... Le fait est que les choses ne sont, ici, ni si tranchées ni si décidables.
C'est dans le cadre d'une session pour une radio de Seattle, en juin 2008, que Torsten Müller (contrebasse), Dylan van der Schyff (batterie) et Butcher renouent, un an précisément après le premier disque de Way Out Northwest gravé en concert (pour le label Drip Audio). Neuf brèves improvisations s'enchaînent, comme autant de tentatives de se frayer un « passage du nord-ouest » – là où Rollins avait préféré viser plein ouest avec son trio de 1957 – vers quelque white spot inexploré des cartographes. La compacité délibérée de ces pièces favorise la multiplication des combinaisons : forages puissants au ténor rauque, cisailles arco, poinçons ou éclaboussures de cymbales, soprano vrillant. En une série d'instantanés, le groupe circonscrit, par ces approches successives, sèches et bien penchées sur le son, de belles aires animées, plus attentives aux détails que l'auditeur ne l'aurait imaginé de prime abord.
En compagnie d'Eddie Prévost (batterie), qui a fomenté entre mai et décembre 2011 une série de rencontres, en trio, avec d'autres « saxophonistes remarquables » (dont Evan Parker, Jason Yarde et Bertrand Denzler), ce n'est pas à une extension de leur splendide duo que notre souffleur est convié : non seulement parce que Prévost est ici à la batterie – et point aux percussions & tam-tam de leurs Interworks – mais aussi car le contrebassiste Guillaume Viltard apporte une contribution passionnante. À trois reprises (deux quarts d'heure puis une autre demi-heure), avec une immédiateté et une dramaturgie assez admirables, se déploient chants spontanés, pouls épaulés, séquences articulées qui s'emboîtent et déboîtent. Trois puissantes énergies à l'œuvre, portées sur un drive partagé (qui, à l'occasion, confine au swing explicite), complexe et bien tendu. Tenue, foisonnante : une musique de haute volée.
On pourra compléter l'audition de ces deux volumes en allant rechercher les 12 Milagritos enregistrés en 1998 par le saxophoniste, dans la même configuration de trio, avec Matthew Sperry et Gino Robair (sous étiquette Spool) : une autre perspective encore...
Way Out Northwest : The White Spot (Relative Pitch)
Enregistrement : Juin 2008. Edition : 2012.
CD : 01/ Graminea 02/ Mespili 03/ Impressum 04/ Hymenae 1 05/ Schoepfiae 06/ Earlianum 07/ Hymenae 2 08/ Mali 09/ Saponariae
John Butcher, Guillaume Viltard, Eddie Prévost : All But – Meetings with Remarkable Saxophonists – Volume 2 (Matchless / Metamkine)
Edition : 2012.
CD : 01/ All But – part 1 02/ All But – part 2 03/ All But – part 3
Guillaume Tarche © Le son du grisli