Ryoko Akama, Cristián Alvear : Hermit (Caduc, 2015) / Greg Stuart, Ryoko Akama : Kotoba Koukan (Lengua de Lava, 2015)
Spécialement écrite pour Cristián Alvear – la preuve ici : « une pièce que Ryoko Akama a écrite pour moi » –, Hermit dévoile les intérêts d’une jeune compositrice qui, en quelques mois, a beaucoup publié.
A l’intérieur du bel objet Caduc, on peut lire une poignée de mots que l’on devine extraits de la partition ou de ses didascalies : « sound », « decay », « silence », « repeat once or two times», « short », « soft », « long and almost inaudible », etc. Ailleurs, c’est presque une devise : « What I miss most is somewhere between quiet and solitude. What I miss most is stillness ».
L’intention d’Alvear respectera la devise quand les indications de la compositrice orienteront les gestes d’un interprète doué pour la mesure. C’est là une ballade ralentie voire étouffée – encore Cage, encore Feldman ? – jusqu’à ce que le guitariste ait affaire à son propre souvenir (en fait : un écho) : une note tenue qu’une corde pincée calque, une même note jouée sur deux cordes différentes, un silence que la rosace aspire… L’ermite en question était donc double : Cristián Alvear, l’interprète qui agit, et Ryoko Akama, la compositrice dont l’idée court, s’y sont accordés.
Ryoko Akama, Cristián Alvear : Hermit
Caduc
Edition : 2015.
CD : 01/ Hermit
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Avec Greg Stuart – qui, sur le même label, sortait il y a peu Hamess –, Ryoko Akama travaille son goût pour les machines qui respirent, grincent et sifflent, mais ne s’interdisent pas de s’entendre avec un instrument traditionnel (un piano minuscule, par exemple). Mais Kotoba Koukan est plus encore une affaire de drones – L'écoute virtuose nous avait révélé l'intérêt que Ryoko Akama porte à l'oeuvre d'Eliane Radigue –, simples ou doubles, de remuements sur frêles embarcations et d’équilibre finement trouvé : la dernière pièce, Fade In and Out Procedure, est d’ailleurs le plus beau moment de ce jeu de patience.
Greg Stuart, Ryoko Akama : Kotoba Koukan
Lengua de Lava
Edition : 2015.
CD : 01/ E.A.C.D. 02/ Con.de.structuring 03/ Border Ballad 04/ Fade In and Out Procedure
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Joe Panzner, Greg Stuart / Jason Brogan, Sam Sfirri : Harness (Lengua de Lava, 2015)
Les deux duos que l’on trouve sur cette splitcassette ont été enregistrés le même soir (8 mars 2014) au même endroit (Oberlin College). C’est donc une soirée (plutôt noise) comme une autre, avec Joe Panzner & Greg Stuart qui versent dans un déluge progressif de sons qui raclent et font des étincelles… Le plaisir y est, et il y a même de beaux éclats tranchants…
Et Jason Brogan & Sam Sfirri (qui ont fait une apparition sur la compil' Wandelweiser Und So Weiter) qui passent derrière. Ce duo là est plus étrange, puisqu'il fait chanter un loup ? non ! Mais plutôt un chœur de pré-ados enfermés en sous-sol (si ce n’est en sous-bois, si l’on tend l’oreille on entend bien des oiseaux sur les branches) qu’ils s’apprêtent à calmer à coups de décharges électriques. L’accalmie qui suit est encore plus angoissante que les cris qu’on leur a arrachés. Heureusement, des voix reviennent, plus graves, peut-être celles de leurs fantômes (si l’on y croit). La prestation du duo a-t-elle été accompagnée d’un film ou d’un tableau chorégraphique quelconque ? Nul ne le sait mais sa musique est à elle seule extra-ordinaire.
Joe Panzner, Greg Stuart / Jason Brogan, Sam Sfirri : Harness (Lengua de Lava)
Enregistrement : 8 mars 2014. Edition : 2014.
Cassette : A/ Joe Panzner, Greg Stuart : We Didn’t Get There Tonight – B/ Jason Brogan, Sam Sfirri : Wolf
Pierre Cécile © Le son du grisli
Meridian : Tuyeres (Caduc, 2015)
Pour mieux faire trembler le rayon qu’ils occupent, celui des usineurs sur tambours, Tim Fenney, Nick Hennies et Greg Stuart (entendu souvent avec Michael Pisaro) ont choisi l’association. S’il ne fut d’abord que Hoquet (Accidie Records, 2013), l’art de Meridian donne aujourd’hui dans la confection de Tuyeres.
Puisque la chose concerne la production d’énergie cinétique, le trio transforme de premiers soubresauts en rumeurs circulaires que semblent (semblent peut-être seulement) nourrir de légers feedbacks. Le vrombissement est maintenant installé, qui berce les percussionnistes et finit même par les endormir : sur un geste, le premier moteur s’éteint donc sous l’influence d’un autre, plus imposant, qu’il a généré.
Au troisième temps, Meridian repart : un de ses percussionnistes bat le tambour, un second frappe avec plus de conviction quand le dernier balise le parcours à distance. De la somme de trois martèlements, un grincement approche de temps à autre, qui transforme l’épreuve en nouvelle berceuse agitée. Puisque c’est dans le contraste que Meridian soigne sa balistique minimaliste.
Meridian : Tuyeres (Caduc)
Enregistrement : mai 2014. Edition : 2015.
CDR : 01-03/ Tuyeres
Guillaume Belhomme © Le son du grisli