Gonçalo Almeida, John Dikeman, George Hadow : O Monstro (Creative Sources, 2014)
Messieurs-Dames, vous voilà prévenus : cela s’appelle un disque de free jazz. Pour les aficionados du genre (dont je suis), ce disque égalerait presque le Raining Fire de Charles Gayle. Mille-feuille sur tom et caisse claire martelée (George Hadow), archet dissonant et adverse (Gonçalo Almeida), ténor en surchauffe (John Dikeman) : on connait la formule, on y admet souvent quelque lassitude d’écoute.
Mais il y a ici l’homme des Cactus Truck, ce souffleur infatigable, ce bourreau du souffle nommé John Dikeman. Chez lui, la tendresse ne pourra être que convulsive, les tics seront envoyés au vestiaire. Adepte de la déconstruction, refusant distraction et automatismes, il lacère, brutalise son ténor, borde cette bête immonde qu’est le free jazz. Après tant de copies (le saxophoniste y est parfois tombé anche la première) et d’implosions inutiles, voici un disque réconfortant. Bruyamment réconfortant.
Gonçalo Almeida, John Dikeman, George Hadow : O Monstro (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Pentagon 02/ Eastern Tides 03/ Vrieke! 04/ O Monstro
Luc Bouquet © Le son du grisli
Lama, Chris Speed : Lamaçal (Clean Feed, 2013)
Les formes ne sont pas audacieuses. En un sens, pas du tout révolutionnaires. Mais qui vise la Révolution aujourd’hui ? Ce sont des formes utilisées, rabâchées depuis des lustres. Des formes qui font s’enchevêtrer les souffles (ici trompette et clarinette). Des formes qui ne rejettent pas le chorus spacieux du contrebassiste (Moby Dick). Des formes qui rappellent l’harmolodie d’un certain Ornette C (Pair of Dice). Des formes qui jouent avec les fantômes et les electronics (Overture for a Wandering Fish, Manta). Des formes d’hier et dont les lendemains ne sont pourtant jamais cloisonnés.
Ici, Lama ne jette pas ses bases aux orties mais, au contraire, en parcourt la substance sans se départir d’une fougue jubilatoire. Il y a de la fraîcheur chez nos amis lusitaniens, un souci d’explorer plus que de convaincre. Et si on peut préférer leur premier enregistrement, Oneiros, Susana Santos Silva (une vraie présence), Gonçalo Almeida, Greg Smith et Chris Speed, l’invité, réussissent à nous faire oublier ces « modernes » combos dont le copier-coller commence à nous saturer les oreilles.
Lama, Chris Speed : Lamaçal (Clean Feed / Orkhêstra International)
Edition : 2013.
CD : 01/ Ouverture for a Wandering Fish 02/ Lamaçal 03/ Moby Dick 04/ Cachalote 05/ Pair of Dice 06/ Anémona 07/ Manta
Luc Bouquet © Le son du grisli