Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Biosphere, Deathprod : Stator (Touch, 2015)

biosphere deathprod stator

Stator, c’est un split Biosphere / Deathprod qu’il faut surveiller de l’œil (= de la pochette). Car les deux Norvégiens se succèdent sur le CD l’un après l’autre mais à un moment l’un deux fois de suite (je laisse la surprise du moment de ce deux « fois de suite » à ceux que cette collaboration intéressera).

Trêve de précisions, écoutons ce Stator comme s’il était l’œuvre d’un seul et même artiste (schizophrène quand même puisque Geir Jenssen et Helge Sten n’ont pas toujours les mêmes idées). L’ambient pop ou atmosphérique de Biosphere (que l’on reconnaît au tonnerre, à un drone, à une loop de synthé, etc.) est plongée dans une matrice complexe commandée par un cerveau certainement tourmenté. Et l’expérience porte ses fruits.

Exemple : ces « grosses » réverbérations ou les microstructures rythmiques de Space Is Fizzy, qui tiennent-elles de la magie blanche. Justement parce qu’elles annihilent toutes les différences entre les deux musiciens et qu’elles font croire que Stator n’est pas un split-puzzle mais bien un vrai duo, un duo par procurations.

Biosphere, Deathprod : Stator (Touch)
Edition : 2015.
CD : 01/ Biosphere : Muses-C 02/ Deathprod : Shimmer/Flicker 03/ Biosphere : Baud 04/ Deathprod : Polychromatic 05/ Deathprod : Disc 06/ Biosphere : Space Is Fizzy 07/ Deathprod : Optical
Pierre Cécile © Le son du grisli



Chris Watson : In St Cuthbert's Time / Geir Jenssen : Stromboli (Touch, 2013)

chris watson in st cuthbert's time

Quand on se promène au bord de l’eau, comme tout est beau, dixit Jean Gabin, qui avait omis d’y mentionner les chants des oiseaux et les embruns iodés. Qu’à cela ne tienne, un bon demi-siècle plus tard, le magnifique Chris Watson démontre une nouvelle fois qu’il est le maître des field recordings, ici captés sur l’île de Lindisfarne (alias Holy Island), tout au nord de l’Angleterre.

Lieu de vie au VIIe siècle d’un moine anglo-saxon qui donne son titre à cet In St Cuthbert’s Time, l’endroit se prête magnifiquement aux explorations naturalistes de Watson, tant sa biodiversité est rendue avec une précision sonore des plus stupéfiantes. Le résultat est d’autant plus magique qu’on imagine aisément le nombre d’heures passées à capter la sauvagerie marine des lieux, quatre saisons durant svp, pour mieux en retirer une moelle des plus substantielles, échelonnée sur quatre titres (un par saison) d’une quinzaine de minutes chacun. Hip hip hip Watson.

Chris Watson : In St Cuthbert’s Time (Touch / Metamkine)
Edition : 2013.
CD / LP : 01/ Winter 02/ Lencten 03/ Sumor 04/ Haerfest
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli

geir jenssen stromboli

A voir la pochette, on imagine mal Geir Jenssen se penchant sur le cas Stromboli au bord de son cratère. Or, au casque, on applaudit à la précision des allées et des venues des vents, des grippages et des bouillonnements, des explosions et des détonations…, précision qui a interdit toute version MP3 du disque. En temps réel, les deux faces du vinyle racontent la vie du bel endormi et son activité… débordante.

Geir Jenssen : Stromboli (Touch / Metamkine)
Enregistrement : 19 juillet 2012 (21H30). Edition : 2013.
CD / FLAC : A/ Stromboli B/ Stromboli Dub
Pierre Cécile © Le son du grisli


Alexandre Galand : Field Recording (Le mot et le reste, 2012)

field recording alexandre galand le son du grisli

Dans W2 [1998-2008], Eric La Casa citait déjà Nicolas Bouvier et L’Usage du Monde : « Certains pensent qu’ils font un voyage, en fait, c’est le voyage qui vous fait ou vous défait. » Au tour aujourd’hui d’Alexandre Galand, ancienne plume du son du grisli mais plus encore docteur ès Maîtres fous (autre hommage qui trahit chez l’homme un goût pour l’ethnologie mêlant image et son) d’adresser une pensée à Bouvier – et à ses souvenirs de voyages recueillis sur Nagra dont traitait L’oreille du voyageur il y quelques années – dans le sous-titre de l’ouvrage qu’il consacre aux enregistrements de terrain : Field recording.

Presque autant que le monde dont Bouvier fit l’usage, le champ est vaste et divisé en plus en bien nombreuses parcelles (écologie, documentaire, création radiophonique, biographie, journalisme, musique…) : une grande introduction le rappelle, qui dit de quoi retourne l’exercice du field recording : à défaut de définition arrêtée, une description large qui explore trois grands domaines : captation des sons de la nature, captation de la musique des hommes et composition.

Passée une brève histoire de systèmes d’enregistrement que l’on peut emporter, voici que s’ouvre un livre que l’on dira « des Merveilles » pour évoquer un autre voyageur d’importance. Traitant de nature, l’anthologie raconte d’abord les enregistrements d’oiseaux de Ludwig Koch et donne la parole à Jean C. Roché. Traitant d’ethnomusicologie, elle insiste sur les enregistrements faits « sur le terrain » de chants à sauver à jamais de l’oubli (fantômes d’Alan Lomax et d’Hugh Tracey) et interroge Bernard Lortat-Jacob. Traitant enfin de musique, elle retourne à Russolo, Ruttman et Schaeffer, avant de mettre en lumière des disques signés Steve Reich, Luc Ferrari, Alvin Lucier, Bill Fontana, Eric La Casa, Kristoff K. Roll, BJ Nilsen, Aki Onda, Eric Cordier, Geir Jenssen, Laurent Jeanneau, Jana Winderen… et de laisser Peter Cusack expliquer ses préoccupations du jour.  

A l’image du « field recording », le livre est protéiforme, curieux et cultivé. Il est aussi l’œuvre d’un esthète qui ne peut cacher longtemps que l’idée qu’il se fait du « beau » a eu son mot à dire dans la sélection établie. Non moins pertinente, celle-ci profite en plus et en conséquence de citations littéraires – de Rabelais à Apollinaire – qui tombent toujours à propos. Comme le fera ici, en guise de conclusion, cette sentence de Victor Hugo qui inspira Pierre Henry : « Tout bruit écouté longtemps devient une voix. »

Alexandre Galand : Field Recording. L’usage sonore du monde (Le mot et le reste)
Edition : 2012.
Livre : Field Recording. L’usage sonore du monde
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

alexandre_galand_beauhaus


Biosphere : N-Plants (Touch, 2011)

biosphere_n_plants

Au cours de son (déjà) volumineux itinéraire, vingt ans eh oui, Geir Jenssen aka Biosphere n’a eu de cesse d’entrelacer les genres, le plus souvent pour notre plus subtil bonheur. Puisant dans les veines fertiles de l’électronique ce qu’elles ont de meilleur à offrir, des Boards of Canada à Plaid en passant par Jana Winderen et, qui d’autre, Fennesz, l’artiste norvégien produit, bon an, mal an, un œuvre de salubrité electronica dont se sont échappés les chefs-d’œuvre Microgravity¸ Insomnia ou Shenzhou – sans même évoquer l’excellent Wireless - Live At The Arnolfini, Bristol, dernière trace discographique de l’homme de Tromsø – qui, deux années plus tard, endosse ses plus beaux habits de Madame Irma.

Tentative d’explication, en trois actes. Nous sommes en février 2011, Jenssen travaille sur un nouveau projet, basé sur le miracle économique japonais de l’après-guerre. Après être tombé sur une photo de la centrale nucléaire de Mihama (sur l’autre côte du Japon par rapport à Tokyo et Fukushima), située en bord de mer et donc exposée à ce qu’on sait depuis, l’électronicien scandinave a dés lors tourné son regard sur l’architecture et la localisation particulières de ces sites industriels, curieux des risques immenses qu’ils faisaient courir en cas de catastrophe naturelle – et que, bien entendu, l’autorité de contrôle minimisait à qui mieux mieux sous un air de Tout va très bien, Madame la Marquise. Inutile de dire que, six mois après le tsunami et son désastre radioactif, les atmosphères de N-Plants résonnent d’une émotion bizarre, entre féerie électro-pop, réflexion post-dub et ambient sournoise passée au compteur Geiger.

Biosphere : N-Plants (Touch / Metamkine)
Edition : 2011
CD : 1/ Sendai-1 2/ Shika-1 3/ Jōyō 4/ Ikata-1 5/ Monju-1 6/ Genkai-1 7/ Ōi-1 8/ Monju-2 9/ Fujiko
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli


Biosphere : Wireless (Touch, 2009)

Wiresli

A Bristol à l’automne 2007, Geir Jenssen (ou Biosphere) reprenait en public ses travaux d’ambient vaporeuse, l’inspiration animée par son goût des grands espaces : Ciel et Asie.

Allant jusqu’à les rapprocher sur Shenzou, capsule spatiale chinoise changée en morceau d’atmosphère faite de boucles et de nappes enveloppantes, après avoir mis en branle pour l’atteindre une mécanique de souffles sortis d’un trombone (Pneuma). La suite, d’osciller au gré des chocs sonores plus ou moins bien amortis : les maladresses prenant les noms de When I Leave (rythme peu subtil, enregistrement vocal agaçant d’avoir été trop entendu), Birds by Flapping Their Wings (boucle moins maligne) ; les réussites, ceux de Kobresia (guitare en perpétuelle décalage), Warmed The Drift (basse insistant sur deux notes), Moistened and Dried ou Calais Ferryport (ambient relevé d’un peu d’expérimental et transport avalé par un amas de field recordings).

Entre les deux, Jenssen assure le minimum, et d’un Pneuma à l’autre (Pneuma II), de l’ouverture à la conclusion de Wireless, l’auditeur estimera le chemin parcouru selon l’humeur du jour : goûtant les morceaux de choix avant d’être irrité, ou relativisant les écarts en comptant sur la surprise.

Biosphere : Wireless (Touch Music)
Enregistrement : 2007. Edition : 2009.
CD : 01/ Pneuma 02/ Shenzou 03/ Birds by Flapping Their Wings 04/ Kobresia 05/ When I Leave 06/ Warmed by The Drift 07/ The Things I Tell You 08/ Moistened and Dried 09/ Sherbroke 10/ Calais Ferryport 11/ Pneuma II
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

Archives Biosphere


Geir Jenssen : Cho Oyu 8201 m (Ash International, 2006)

geir jenssen cho oyu

Au moyen de field recordings attrapés sur Minidisc, Geir Jenssen (Biosphere) nous transporte au sommet du Cho Oyu, mont himalayen situé à la frontière tibéto-népalaise, auquel il s'est attaqué à l’automne 2001.

Carnet de route sonore, Cho Oyu raconte 8201 m de transport. A terre (Zhangmu, Tingri), des bribes de conversations filtrant parmi clochettes et gongs, le bruit d’un moteur ou le chant d’un torrent. Et puis, après avoir mis en boucle un court passage de musique tibétaine retenue sur cassette (Jobo Rabzang), c’est l’ascension. A 5400 mètres de hauteur, Jenssen croise quelques bergers et leurs troupeaux (Palung). Dernière présence animale, une nuée d’oiseaux (Cho Oyu Basecamp, Nangpa La).

Moins fréquentes, les rencontres se font aussi moins concrètes : voix d’un pilote d’avion survolant les parages (Camp 1) ou faible mélodie passant à la radio (Camp 15) captés par les appareils de Jenssen. Qui enfermeront aussi la rumeur d’une tempête de grêle (Camp 3) et celle de l’ambiance régnant au sommet (Summit).

Forcément insaisissable dans son intégralité, la portée de ces field recordings n’en est pas moins fascinante. Matériau ayant servi à la confection de Dropsonde – album de Biosphere sorti en 2005 -, Cho Oyu 8201 m expose concrètement la somme de souvenirs influents, et invente une cartographie d’enregistrements rares.

Geir Jenssen : Cho Oyu 8201 m, Field recordings from Tibet (Ash International / La baleine)
Edition : 2006.

CD : 01/ Zhangmu 02/ Tingri 03/ Jobo Rabzang 04/ Chinese Basecamp 05/ Palung 06/ Cho Oyu Basecamp 07/ Nangpa La 08/ Camp 1 09/ Camp 15 10/ Camp 2 11/ Camp 3 12/ Summit
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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