Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Jesper Løvdal & Günter Baby Sommer (Ilk, 2012)

jesper lovdal gunter baby sommer

Quel que soit le contexte, la résonance sera toujours au centre du jeu de Günter Baby Sommer. De la même manière qu’un Pierre Favre, Sommer refusera toujours le trop plein, les fulgurances inutiles. Ici, on respire. On distribue les  cartes sans tricher. Le geste est précis, mesuré, adapté à la situation. La grave des peaux se libère, les balais fourmillent, la sécheresse est interdite de séjour.

Ainsi, Jesper Løvdal n’a plus qu’à se laisser guider par cette bienveillance. Sa flûte et sa clarinette, idéalement offensives, éclipsent quelque peu un ténor éraillé, souvent microtonal. Leader ou observateur avisé-engagé, il rejette, lui aussi, le spectaculaire au profit d’un dialogue entretenu, captivant. Vite, la suite.

Jesper Løvdal & Günter Baby Sommer (Ilk / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Real Tartare 02/ First Movement 03/ Maultrommel 04/ Voice from Beneath 05/ Billy Strayhorn 06/ Bird Call 07/ Story 08/ Fight of the Flutes 09/ Second Movement 10/ Let’s Continue 11/Goodbye
Luc Bouquet © Le son du grisli



Kent Carter & German Friends : Berlin, Aufsturz, le 14 avril 2018

kent carter berlin 14 avril 2018 le son du grisli

Parfois, rarement, la présence de la musique est telle que son écho résonne bien plus longtemps que ce que voudraient les lois de l'acoustique. Ce soir d'avril à Berlin, de la contrebasse de Kent Carter jaillirent certains de ces sons qui continuent à vivre dans l'esprit de celui qui les a entendus. Au sous-sol d'un bar parmi tant d'autres de l'ancien Berlin Est gentrifié, une petite foule est rassemblée pour entendre le contrebassiste entouré de « German Friends » : le batteur Günter "Baby" Sommer, le pianiste Ulrich Gumpert et le saxophoniste Friedhelm Schönfeld.

La musique, entièrement improvisée, s'organise autour de la basse qui vibre au centre de l'estrade. Par l'écoute, l'espace s'emplit progressivement. L'amplificateur de Carter semble volontairement bas, comme pour imposer le seul critère d'une écoute attentive au bon déroulement de la soirée. L'écoute, mais aussi le regard. Regards de Sommer et Gumpert, qui savent que la clarinette basse de Schönfeld et la basse de Carter suffiront à cet instant précis. Regards du public qui observe la danse qui s'exécute avec précision sur le manche de l'instrument.

Kent Carter par Olivier Ledure

Si une chose est claire ce soir, c'est que Kent Carter est un maître-musicien, porteur de tant de sons que, si nécessaire, quelques notes suffiront. Le jazz joué est libre, libre de devenir un long blues. L'écoute, le regard, et le rire. Sommer utilise l'humour d'une manière pleinement dosée, brisant certains élans introspectifs pour pousser la musique encore plus loin. Mais, au-delà de ses interventions, le rire du public se prolonge. Tout simplement parce que la musique, d'ordinaire, ce n'est pas ça. Parce qu'il est évident que quelque chose se passe ce soir. Sommer se dédouble dans le miroir du bar. Gumpert rentre à l'exact bon moment lors d'un solo de basse. Schönfeld le suit avec une justesse tout aussi grande.
 
La boule à facettes du Aufsturz ne tourne pas, mais sa présence rappelle que la musique n'a besoin d'aucun contexte particulier pour exister quand elle est assez forte. Trop de choses ont déjà été jouées, le rappel se perd dans la nuit de Berlin. Le grand musicien quitte la petite estrade. Il est attendu.

Kent Carter par Olivier Ledure bis

Pierre Crépon © Le son du grisli
Photos : Olivier Ledure

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Günter Baby Sommer : Live in Jerusalem (Kadima Collective, 2010)

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Il n’y aurait pas grand scandale à rapprocher Han Bennink et Günter Baby Sommer : même euphorie du jeu et du rythme, même facilité à embarquer ses partenaires en des crescendos carnassiers. Et c’est bien ce qui arrive, ici, à Jérusalem.

Quel que soit le format abordé (du solo au quartet), Günter Baby Sommer, toujours aux abois, embarques ses fûts dans une transe épique. D’abord, la liberté d’errer et d’instruire une improvisation éclatée. Puis, très rapidement, décider d’une pulsation qu’on ne va pas desserrer. Seulement ouvrir vers d’autres perspectives que se chargeront d’enfanter les souffleurs. Et ici, Assif Tsahar, ne se prive pas d’enchaîner de longs et vif phrasés, contaminant par ailleurs le baryton frondeur de Steve Horenstein (Bast). Le rythme pour Baby Sommer mais aussi les mélodies ; celles qu’il fredonne en solo (Sommertime), perd et ressuscite alors qu’on les croyait éteintes. En trois mots : vitalité, décision, intensité. Bonheur aussi !

Günter Baby Sommer : Live in Jerusalem (Kadima Collective / Metamkine)
Enregistrement : 2008. Edition : 2010.   
CD : 01/ Bojoh 02/ Jassek 03/ Sommertime 04/ Bast 05/ Yo Yo Yo 06/ Sabada
Luc Bouquet © Le son du grisli


Peter Kowald: Off The Road (Rogue Art - 2007)

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Deux ans avant sa mort, en 2000, le contrebassiste Peter Kowald sillona les Etats-Unis en compagnie de Laurence Petit-Jouvet, caméra au poing. Dans une Chevrolet achetée sur place, le couple relie les endroits où le contrebassiste est attendu, pour donner concerts auprès d’autres personnages de la Creative Music.

Sur le premier film, les à-côtés d’un périple marqué par les collaborations musicales : avec Kidd Jordan, William Parker, George Lewis, mais aussi Eddie Gale, Marco Eneidi ou Anna Homler. A chaque fois, la simplicité et l’humilité de Kowald densifient les échanges, tous tranquilles, presque tous précis. Au hasard d’autres rencontres, le contrebassiste en apprend sur la vie des déclassés, la politique d’éducation des Etats-Unis ou les discriminations toujours bien présentes.

Plus axé sur la musique, le second film donne à voir Kowald à Chicago : en studio auprès de Ken Vandermark, ou sur scène aux côtés de Günter Baby Sommer et Floris Floridis, ou de Fred Anderson et Hamid Drake. Tous musiciens s’entendant sur les origines du jazz et sur l’importance qu’aura eu sur sa forme actuelle une musique improvisée ayant profité des pratiques différentes, notamment européenne et américaine. En guise de conclusion, un disque reprend les thèmes que le contrebassiste aura abordés durant son voyage, bande-son originale d’un road movie unique et passionnant, complément indispensable de l’hommage élégant.

DVD 1: Off The Road - DVD 2: Chicago Improvisations - CD: 01/ Introduction 02/ New York March 17 2000 03/ New Orleans April 6 2000 04/ Houston April 9 2000 05/ San Diego April 14 2000 06/ Los Angeles April 15 2000 07/ Berkeley May 3 2000 08/ Chicago May 10 2000

Peter Kowald, Laurence Petit-Jouvet - Off The Road - 2007 - Rogue Art.


Wadada Leo Smith, Günter Baby Sommer: Wisdom in Time (Intakt - 2007)

wadasliSur Wisdom in Time, le percussionniste Günter Baby Sommer – membre du Zentralquartett et partenaire occasionnel de Peter Brötzmann, Irène Schweizer ou Cecli Taylor - retrouve le trompettiste Wadada Leo Smith, ami de trente ans qu’il a jadis fréquenté aux côtés de Peter Kowald.

Alternant trompette et bugle, Smith fait preuve d’une extravagance assurée (Tarantella Rusticana) ou d’un lyrisme charmeur (Pure Stilness), perturbant de temps à autre son propos à coups de traitements électroniques plus (Rain Cycles) ou moins sauvages (Bass-Star Hemispheres). De son côté, Sommer tient le dialogue, décidant d’accents légers (Pure Stilness) ou emmenant le jeu du duo sur un swing approprié (Old Times Roll - New Times Goal) ou sur un mode incantatoire (Gasire's Lute).

Dans les pas du duo Don Cherry / Ed Blackwell, Smith et Sommer font déroute ensemble en éternels camarades certains de leur complicité. Preuve la plus récente à ce jour, ce Wisdom in Time.

CD: 01/ A Sonic Voice Inclosed in the Wind 02/ Tarantella Rusticana 03/ Pure Stilness 04/ Gasire's Lute 05/ Woodland Trail to the Giants 06/ Bass-Star Hemispheres 07/ Rain Cycles 08/ Old Times Roll - New Times Goal 09/ A Silent Letter to Someone

Wadada Leo Smith, Günter Baby Sommer - Wisdom in Time - 2007 - Intakt Records. Distribution Orkhêstra International.


Peter Brötzmann: Pica Pica (Atavistic - 2006)

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Parce qu’Han Bennink - avec lequel ils avaient l’habitude de jouer - s’adonnait au jazz d’avant-garde avec Misha Mengelberg, Peter Brötzmann et Albert Mangelsdorff trouvèrent en Günter Sommer un percussionniste de substitution, certes, mais aussi de taille. Cet enregistrement de 1982 au Jazzfest Unna en est la preuve.

Dès Instant Tears, les trois musiciens exposent leurs différences, tout en courant derrière la même méthode instinctive: Sommer déployant un jeu tendu, proche d’un rock chargé ; Mangelsdorff ayant recours à la répétition discrète et à l’usage de silences ; quand Brötzmann façonne à son image un free déambulatoire au gré des saxophones qu’il utilise – alto, ténor et baryton.

Baryton avec lequel le saxophoniste sonnera la charge du trio dans la dernière partie d’Instant Tears, qui contrastera avec l’allure de Wie du Mir, So Ich Dir Noch Lange Nicht, même si le saxophone et le trombone y soufflent encore le chaud et le froid sur le rythme alangui décidé par un Sommer ici plus subtil.

Plutôt à l’aise sur chacune des progressions, le trio construit peu à peu un free jazz singulier mis au service d’une fronde complice. Terminée au son de Pica Pica, pièce courte qui imbrique les courts rebonds des vents sur cadence soutenue, et simule une danse de Saint Guy en guise de conclusion conciliatrice.

Peter Brötzmann : Pica Pica (Atavistic / Orkhêstra International).
Enregistrement : 1982. Réédition : 2006.

CD : 01/ Instant Tears 02/ Wie du Mir, So Ich Dir Noch Lange Nicht 03/ Pica, Pica
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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