Lotte Anker, Fred Lonberg-Holm / Dave Jackson, Dirk Serries : Two Duos / Black Spirituals : Black Tape (Astral Spirits, 2016)
Au nombre des (maigres) avantages du support cassette, accorder la possibilité de consigner deux projets différents – c’est-à-dire un par face. Assez denses, les concerts donnés par Lotte Anker et Fred Lonberg-Holm d’un côté et par Dave Jackson et Dirk Serries de l’autre, s’y prêtaient en plus.
A Chicago (Corbett vs. Dempsey), le premier duo improvisa quatre pièces le 24 février 2015. Remués puis remuants, les vents bataillent contre un archet qui lui travaille ses principes de déviation : saturant légèrement, il répète ainsi un motif en introverti ou va chercher dans l’ampli les morceaux de bois et de cordes qui s’y sont agglomérés. Interdisant presque au duo d’envisager toute concorde, les élucubrations de Lonberg-Holm n’en poussent pas moins Anker à réagir avec à-propos : dans les graves, son alto va jusqu’à impressionner.
A Londres (Cafe Oto), le second duo improvisa le 14 juillet 2015. C’est là un autre alto dans d’autres cordes – celles de la guitare électrique de Serries dont l’art « shoegaze bliss free jazz fuzz » nous a, de Microphonics en Streams of Consciousness, presque échappé. Risque-tout, le duo fait preuve d’une implication peu propice aux nuances, certes, mais capable ici ou là d’invention : quand, par exemple, les glissandi de l’un tapissent les phrases volatiles de l’autre. Plus affecté que celui d’Anker, le jeu de Jackson souffre en conséquence la comparaison. C’est cette fois un des risques de la cassette qu’on partage.
Lotte Anker, Fred Lonberg-Holm / Dave Jackson, Dirk Serries : Two Duos
Astral Spirits / Monofus Press
Enregistrement : 24 février 2015 et 14 juillet 2015. Edition : 2016.
K7 : A1/ Ice King A2/ Melt A3/ The Frigid Air 04/ Cold Only Hurts Those Who Feel – B1/ Café Oto Live Improvisation
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Défendu par la même maison, c’est là un autre duo, établi cette fois : Black Spirituals, que composent Zachary James Watkins (électronique) et Marshall Trammell (batterie). Entre une cassette Tapeworm (High Vibration Resonance Vol.1 - Live At Disjecta, enregistrée par Daniel Menche) et une autre SIGE (Black Treatment), les musiciens en placent donc une noire : sur sa première face, se servant d’enregistrements de guitares électriques, Watkins électrise – et même : oriente – une improvisation qui pourra rappeler certains Pinhas ; sur la seconde face, c’est l’improvisation (défaite, toujours) de Trammell qui impose à son camarade de le suivre : un paquet de notes synthétiques tentent alors d’intensifier la chose, mais en vain.
Black Spirituals : Black Tape
Astral Spirits / Monofus Press
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
K7 : A/ Entrances – B/ Exits
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Survival Unit III : Straylight (Live at Jazzhouse Copenhagen) (Astral Spirits / Monofus Press, 2015)
En concert le 15 décembre 2013 à Copenhague, Survival Unit III faisait entendre ce que partout où il passe on peut décidemment goûter : une musique qui pourrait passer pour faite déjà – et que l’on trouverait plaisir quand même à entendre, puisqu’il s’agit toujours de Joe McPhee, Fred Lonberg-Holm et Michael Zerang – mais qui soudain vrille.
Ainsi, à peine a-t-on jugé le set tranquille que la déferlante s’abat – c’est que l’archet de violoncelle a ouvert une brèche dans laquelle s’est engouffré le trio. Certes, la prise de son ne rend pas hommage à ces trois moments de concert, mais ce-dernier impressionne quand même, le trio y envisageant des reliefs qu’il doit patiemment gravir et puis descendre rapidement, chacun menant les deux autres à son tour.
Sur l’autre face, d’autres approches : McPhee vocalise en minimaliste concentré sur un violoncelle caressé à peine (If Not Now), avant de s’engager sur le conseil de Zerang sur une épreuve moins tranquille où quelques notes suffisent à former des motifs capables de tourner avec force (When?). Puisque la force est constance chez Survival Unit III.
Survival Unit III : Straylight (Live at Jazzhouse Copenhagen)
Astral Spirits / Monofus Press
Enregistrement : 15 décembre 2013. Edition : 2015.
Cassette : A1/ Blood of a Poet – B1/ If Not Now B2/ When
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
LDP 2015 : Carnet de route #35
6 novembre dernier, Urs Leimgruber et Jacques Demierre n'avaient toujours pas quittés Chicago. Pour preuve, ce souvenir du concert donné ce soir-là au Constellation de Chicago, en compagnie de Fred Lonberg-Holm, Josh Berman et Jim Baker...
6 novembre, Chicago
Constellation
Ein weiteres Konzert in Chicago, das letzte auf der Tour. Der Konzertraum bietet räumlich und akustisch ideale Voraussetzungen, und er ist Licht- und Audio technisch bestens ausgestattet. Die Spielfläche ist auf alle Seiten offen, ausgenommen die Rückseite. Das Publikum sitzt im Halbkreis um die Spielfläche herum. Der Raum ist auch für Tanz-aufführungen sehr geeignet. Heute laden wir drei Musiker aus der Chicago Szene ein. Im ersten Teil spielen Jacques und Fred Lonberg-Holm, Cello im Duo. Danach spiele ich mit Jim Baker, analog Synthesizer, Josh Berman Trompete im Trio. Nach einer Pause spielen wir alle fünf als Gruppe zusammen. Hören... Raum... Zeit... Erinnerung... Vision....! ... das Volle im Leeren... Widerstände... Zustände....Schnelligkeit und Langsamkeit... Vögel... Hundegebell.. Verkehr und Sirenen.. drum&bass von nebenan... niemand versteht etwas... wild und hellhörig... wir spielen einen langen, extensiven Bogen... smiling
U.L.
Une fois le bar traversé et au moment de pénétrer dans l'une des deux salles de concerts, est-ce l'influence du nom du lieu où nous jouons ce soir, Constellation, situé au nord-ouest de Chicago et fondé en 2013 par le batteur Mike Reed, qui me fait voir, telles des étoiles noires abandonnées à leur sort, les deux pianos calfeutrés et rangés soigneusement hors le centre de l'immense espace à disposition? Attiré par ces deux trous noirs dans la lumière de service, je découvre d'abord un Mason & Hamlin, portant son nom en caractères gothiques sur un fond brun de matière ligneuse en vaguelettes. Quelques notes jouées de la main droite, alors que je tiens le couvercle semi-ouvert de la main gauche, me poussent spontanément à me tourner vers le second instrument. Le fait de savoir – car je savais, après avoir lu la CONSTELLATION BACKLINE sur internet, qu'il s'agissait du piano 7FT 1968 Baldwin Semi-Concert Grand – a-t-il été déterminant dans mon choix final ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il que c'est ce piano Baldwin que je déplace sans grande hésitation vers l'avant-scène, me réjouissant de la présence sous l'instrument d'une structure métallique étoilée à roulettes renforcées, et visant l'endroit le plus approprié, le plus adéquat pour une rencontre acoustique entre jeu instrumental et espace architectural. Je le débarrasse de sa protection matelassée, j'ouvre son couvercle à environ 45 degrés, le pose délicatement sur la pique déployée, et je découvre en son ventre le relief un peu potelé du mot BALDWIN. En dessous, toujours en majuscules, mais en un écho de small caps, les trois mots MADE IN USA. Légèrement plus loin, à la naissance d'une des barres métalliques surplombant la table d'harmonie, la lettre F, partiellement effacée par l'usure du temps, à quelques centimètres au-dessus du numéro 201479, dont les quatre premiers chiffres sont traversés par une griffure en forme de patte d'oie. Un petit morceau de papier, posé délicatement à côté des chevilles attire mon attention. J'y lis d'abord, du fait peut-être de la différence entre les agencements européens et nord-américains des jj.mm.aa., une sorte de cinquain poem, constitué de chiffres et de lettres, rappelant le tanka ou le haïku japonais,
2/26/15
3/17/15
4/23/15 # 5c ou Sc
5/17/15 Mi Treb b
9/25/15 #
puis, je comprends en un seul et instantané changement de perception que ce piano n'a été accordé ni en juin, ni en juillet, ni en août 2015, et qu'étant le 6 novembre aujourd'hui, l'hétérogénéité de son accord peut aisément s'expliquer par l'intervalle de temps qui nous sépare de la dernière venue de l'accordeur, le 25 septembre. Point de vue autre, élargissant ma perception initiale, mais qui ne m'offre pas pour autant toutes les clefs qui me permettraient d'accéder au sens de certains caractères quasi sténographiques. Encore plongé dans cette expérience de l'ambivalence, je sais et je sens que je la fais progressivement et simultanément mienne, car, on l'aura compris, en musique improvisée, tout est partition. Mon corps saisit le mouvement des phénomènes dynamiques produits par la perception et la compréhension de ces quelques lignes tracées au stylo sur une feuille arrachée d'un carnet. Ma fixité corporelle s'en trouve suspendue, transformée. La confrontation à ces vers que je lis comme poème fait résonner l'aspect changeant et malléable de ma propre réalité. Je suis circulation et transformation. Plus tard, au moment du concert, si l'abandon est grand et l'intériorisation achevée, cette perception dynamique première trouvera éventuellement l'espace pour s'extérioriser, réactivant sous des formes nouvelles des expériences dynamiques anciennes. La musique improvisée rend audible l'expérience de notre corps en mouvement.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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LDP 2015 : Carnet de route #33
5 novembre 2015, Chicago encore : Elastic Arts, où le duo Urs Leigrumber / Jacques Demierre a une nouvelle fois improvisé en compagnie de Fred Lonberg-Holm...
5 novembre, Chicago
Elastic Arts
Musik, Kunst und Performance. Elastic Arts programmiert eine grosse Auswahl von nicht kommerziellen Musik Formen; Jazz, improvisierte Musik, experimentelle, elektronische und elektro/akustische Musik, Klang und Art/Noise, Hip-Hop, Neue Musik, internationale Folksmusik. Elastic Arts präsentiert in Zusammenarbeit mit Kurator Jordan Martins vierteljährlich Kunst Ausstellungen und Installationen. Elastic Arts stellt aktuelle Arbeiten von Künstlern im Fachbereich Performance, Literatur, Film/Video, Theater, Tanz und multimedialen Formen vor. Die Thursday Improvised Music Series kuratiert der Saxofonist Dave Rempis. Für die Electro/Acoustic Series ist der Musiker Paul Giallorenzo verantwortlich.
Ab und an frage ich mich. Um was geht es uns Musiker? Wieso spielen wir diese Musik? Und wieso reisen wir um die halbe Welt um sie öffentlich vor Publikum zu spielen? Das Reisen ist heute im Vergleich zu früher viel schwieriger geworden. Um was geht es? Woher diese klare Entschlossenheit, diese radikale Absicht etwas wortlos mitteilen zu wollen? Etwas was niemand wirklich versteht! Für uns Musiker ist das Konzert ein experimentelles Erlebnis, in tiefer Konzentration, Offenheit und Vertrauen mit Verantwortung eine wunderbare Zeit zu erleben. Es ist die ideale Situation, der passende Ort unsere Musik weiter zu entwickeln. Durch dieses Erlebnis sind wir nachher an einem andern Ort. Nichts ist mehr gleich wie vorher. Das faszinierende dabei ist, dass es weltweit und überall Zuhörer gibt, die dieses Erlebnis mit uns teilen wollen. Liebhaber freier Improvisation, die bereit sind zusammen mit uns die Musik im Konzert zu erleben.
Die Konzerte auf der Tour waren bis anhin gut besucht. Heute Abend im Elastic kommen gerade fünf Zuhörer. Niemand weiss wieso es heute so wenige sind. Es gibt immer Gründe, jedoch keine Antworten. Konzerte vor kleinem Publikum sind intim. In diesen Momenten sind wir Musiker zusätzlich gefordert um vor dem Konzert konzentriert und motiviert zu bleiben. Sobald das Konzert beginnt sind wir total engagiert wie sonst. Wir sind bereit für ein neues, experimentelles Erlebnis. Schwierige und aussergewöhnliche Umstände können inspirierend wirken. Überhaupt die ganze Vorbereitung auf das Konzert ist entscheidend und spielt eine wichtige Rolle. Die Erlebnisse auf der Reise, der Schlaf, die Träume, das Essen, der Empfang am Ort, der Raum, das Publikum... Alle Eindrücke beeinflussen. Die Musik ist unberechenbar. Es gibt keine Garantie was heute passieren wird.
Bei Ingold lese ich in Leben & Werk. Bemerkenswert bei Kafka ist die verschiedentlich dargelegte Auffassung, wonach „die eigentliche Kunst“ im Grund „gar keine Kunst, sondern eine charakteristische Lebensäusserung “ sei.
U.L
Comme le couvercle et le panneau de bois au-dessus des touches du piano sont manquants, c'est en plongeant mes mains et mon regard à l'intérieur de l'instrument, dont la peinture extérieure blanche est très sérieusement écaillée, que des caractères en relief à même le métal m'indiquent qu'il a été fabriqué par l'entreprise Kimball, MF'D BY W.W. KIMBALL CO. Plus loin le numéro 145625 semble imprimé sur la face avant d'une barre transversale dorée et crasseuse. J'ouvre la banquette branlante sur laquelle je suis assis et découvre émergeant d'une pile de partitions, 18 Short Preludes, composés par J-S-Bach, en partie cachés par un exemplaire relié en spirale du Jazz Tunes for Improvisation, a graduate course of study for the jazz musician, co-écrit par Dan Hearle, Jack Petersen & Rich Matteson. Ainsi, concrètement, c'est en m'asseyant sur ces musiques, en prenant littéralement appui sur elles, qu'il m'est possible de jouer la mienne. L'influence du passé prend parfois d'étonnants chemins. Un autre rapport au passé est celui proposé par le Museum of Contemporary Art de Chicago à l'occasion d'une exposition intitulée The Freedom Principle, Experiments in Art and Music, 1965 to Now - qui porte un regard historique sur l'émergence de musiciens et d'artistes visuels dans le South Side of Chicago durant les années 60. Cette exposition coïncide aussi avec le 50ème anniversaire de l'Association for the Advancement of Creative Musicians, qui dès sa naissance n'a cessé de soutenir l'enseignement, la composition et la performance de la musique expérimentale/free jazz/musique improvisée. Si, au sein de l'exposition, la réponse de certains artistes d'aujourd'hui à cette période n'est pas totalement convaincante, la présentation de documents d'époque qui manifestent la force et la puissance de ce mouvement artistique est tout à fait enthousiasmante. Comme nous en avons fait à nouveau pleinement l'expérience durant toute notre semaine de concerts à Chicago, ce sont trois constantes principales qui se dégagent nettement et qui articulent les pratiques sonores chicagoennes: l'improvisation, la collectivité et l'expérimentation. J'aimerais témoigner de cette scène musicale exceptionnelle par un montage subjectif de phrases trouvées et tirées de deux contextes très différents. Ces citations appartiennent d'une part à Hamza Walker, curateur à The Renaissance Society University of Chicago, infatigable défenseur depuis de nombreuses années des pratiques sonores improvisées et expérimentales (lire 3 novembre, Chicago) et d'autre part, à Marea Stamper, alias The Black Madonna, DJ et producteur respectée, pilier de la Chicago's club scene et icône androgyne, ardente défenseuse de la communauté queer.
"On the South Side there was also a great sense of fluidity between the writers and the people making music."
"Dance music needs riot grrrls."
"Ideas came from lots of conversation, talk and discourse about the political climate, about the history of the black people from the 1920s to that point in the mid-1960s when AACM formed."
"Dance music needs Patti Smith."
"All of this comes together to create this strange, interesting brew of methods and ways toward making experimentally."
"It needs DJ Sprinkles."
"Then, there is that term - when we say jazz, is that already a historically bond term? Do we include music from post-1959, like free improvisation, the new creative music, AACM?"
"Dance music needs some discomfort with its euphoria."
"There is the idea trying to locate that loss in the music itself. How free jazz utterly alienated its audience, leaving it for largely, young, white, college oriented youth."
"Dance music needs salt in its wounds."
"That's the whole improvisation thing. Even though I might think: "Oh, I can do this by myself", what about responding and listening and being in that moment as it's evolving?"
"Dance music needs women over the age of 40."
"How does that play itself out as an ideology with others and how we behave collectively? It will depend on what you say and where we go from there."
"Dance needs breastfeeding DJs trying to get their kids to sleep before they have to play."
"Then there is the relationship of improvisation to structure and self-consciousness, learning to be aware of patterns that we aren't able to see precisely as patterns."
"Dance needs cranky queers and teenagers who are really tired of this shit."
"Then to try and use improvisation as a means of self-reflexivity about repetition and structure."
"Dance music needs writers and critics and academics and historians."
"[Theodor Adorno] didn't see the ability to go from low to high. AACM, free jazz, creative music - it's actually coming out of a confidence grown over an intergenerational rehearsal of the simple song form. It wouldn't come about through a classical model or avant-garde one."
"Dance music needs poor people and people who don't have the right shoes to get into the club."
"The simplest of structures can develop a certain king of self-consciuosness or self-reflexivity. It starts simple, but you can take it somewhere else."
"Dance music needs shirts without collars."
"That's why I think of a ground zero. This is the period when the construction of identity becomes a matter of self-determination as opposed to an external set of conditions. It's fraught with so many different problems, but it also gave rise to an aesthetic."
"Dance music needs people who struggled all week."
"[…] The civil right movement aligned itself with a number of independent, international struggles after World War II. Specifically with music, […] the world of European avant-garde musicians, […] the rhetoric of Cornelius Cardew, the AMM, the British school that's neo-Marxist in its orientation, very militant in terms of taking on democracy."
"Dance music needs people that had to come before midnight because they couldn't afford full admission."
"But at the same time, it's very difficult to improvise. We always think about it like, oh, freedom! But it actually becomes about how the weight is to be distributed."
"Dance music does not need more of the status quo.”
"[…]What could be more American than jazz and the idea of freedom, and then what could be more anti-American than jazz?"
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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Steve Swell : Kanreki. Reflection & Renewal (Not Two, 2015)
La soixantaine est, pour Steve Swell, le temps du Kanreki – regard tourné vers le passé sur fond de réflexion permettant d’envisager la suite –, qu’illustrerait le florilège d’enregistrements que le label Not Two met aujourd’hui en boîte. Entre 2011 et 2014, on y entend le tromboniste en différentes compagnies : en conséquence, différemment occupé.
C’est d’abord avec Dragonfly Breath (et Paul Flaherty, C. Spencer Yeh et Weasel Walter) une « fuite en avant » d’une demi-heure enregistrée en concert à Brooklyn. Cette insatiable envie d’en découdre et même de tapage, Swell la soigne ici pour la relativiser ailleurs au son d’un jazz « straight » qui n’est qu’un prétexte à jouer en perpétuel affranchi (en quintette avec Ken Vandermark et Magnus Broo).
Après quoi, la palette s’élargit encore : composition plus complexe qu'interprètent quatre clarinettes (dont celles de Ned Rothenberg et Guillermo Gregorio) ; duo avec Tom Buckner ou trio avec Gregorio et Fred Lonberg-Holm qui servent l’un et l’autre d’inquiets morceaux d’atmosphère ; combinaison plus écrite qui accorde le trombone, le saxophone alto de Darius Jones et la guitare d’Omar Tamez. Enfin, il y a ces quatre minutes enregistrées seul au trombone, où, sur une note qu’il tient pour travailler encore à sa sonorité, Swell démontre ce qu’il affirmait au son du grisli en 2007 : « Je sens qu’il y a encore à dire ».
Steve Swell : Kanreki. Reflection & Renewal (Not Two)
Enregistrement : 2011-2014. Edition : 2015.
2 CD : CD1 : 01/ Live at Zebulon 02/ Essakane 03/ Schemata and Heuristics for Four Clarinets #1 04/ News from the Upper West Side – CD2 : 01/ Splitting up is Hard to Do 02-04/ Live at the Hideout 05/ Composite #8
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
LDP 2015 : Carnet de route #32
Le lendemain du concert organisé par l'Experimental Sound Studio, Jacques Demierre et Urs Leigrumber donnaient un autre concert à Chicago : à la Bond Chapel, en compagnie de Fred Lonberg-Holm...
3 novembre, Chicago
Renaissance Society Bond Chapel, University of Chicago
Die Renaissance Society University of Chicago präsentiert Ausstellungen, Veranstaltungen und Publikationen zeitgenössischer Kunst. Im Jahre 1915 wird das Museum von einer unabhängigen Gruppe von Professoren gegründet, besitzt keine eigene Sammlung, sondern widmet sich vorallem der experimentellen Ethik. Das Museum ist bestrebt, bestmögliche Bedingungen für Kunst und Künstler zu schaffen, um künstlerische Arbeiten in Form von Aufträgen und Ausstellungen zu präsentieren. Es finden regelmäßig Rahmen Veranstaltungen wie Künstlergespräche, Vorträge, Konzerte, Lesungen statt, die nach kritischer Diskussion und Reflektion dokumentiert und zu publiziert werden.
In den ersten 100 Jahren haben mehr als 3400 internationale Künstler zum ausgewählten Programm beigetragen. U.a. Henri Mattise, Alexander Calder, Fernand Léger, Mies van der Rohe, Käthe Kollwitz, Joseph Cornell, Joseph Kosuth, Louise Bourgeois, Dan Graham, Mike Kelley, Isa Genzken, Felix Gonzalez-Torres, Kerry James Marshall, Joan Jonas, Steve McQueen, Danh Vo, Nora Schultz, und Mathias Poledna.
Im Bereich Jazz und Experimenteller Musik haben während den letzten Jahrzehnten in den Räumen der Renaissance Society auch zahlreiche Konzerte mit internationalen Musikern stattgefunden. Heute spielen wir im Trio zusammen mit Fred Lonbeg Holm in der Bond Chapel. Die kleine Kirche im Spätbarock Stil hat eine hallige und zugleich eine ungewöhnlich trockene Raum Akustik. Es ist nicht einfach den Klang im Raum zu ordnen, denn er bewegt sich permanent. Die Obertöne verhalten sich in der Tonhöhe ungewohnt. Ich kann mir gut vorstellen, dass alte Musik in diesem Raum gut klingt. Der Umgang mit mikrotonalen Klängen ist nicht einfach, wir sind herausgefordert noch intensiver zu hören. Wir spielen sehr leise oder kurz sehr laut. Sehr hoch oder tief. Blitzartige Wechsel und extreme Dynamiken. Gegen den Schluss zelebrieren wir mehrmals Stille. Wir halten sie bis zu drei Minuten. Wir verzögern ein Ende. Aus dem Nichts entwickeln wir weitere Klänge und die Musik nimmt ihren Fortlauf. Nach mehreren Interventionen, eine neue Richtung ist bereits bestimmt, endet das Stück schlagartig. Yuri Stone: „It was such a pleasure to meet you and the concert was truly a favorite of mine. Shook me to the core“.
U.L.
Alors qu'il nous reconduisait à l'hôtel situé downtown, Hamza Walker, curateur à The Renaissance Society, musée d'art qui accueillait notre deuxième concert à Chicago, s'exclama: « Serious stuff! », qualifiant de ces deux mots lancés notre performance en trio avec Urs et le violoncelle acoustique de Fred Lonberg-Holm. Cette interjection qu'il fit suivre immédiatement d'un énorme éclat de rire me rappela le presque aussi concis, « Tough stuff, but great stuff! », qu'il prononça après écoute live de gad gad vazo gadati, première partie du triptyque voicing through saussure, que nous avions présenté en 2011, en duo de paroles avec Vincent Barras, dans ce même lieu, cette même Bond Chapel de l'Université de Chicago, dont le plafond offre aux yeux curieux la représentation d'anges polychromes jouant une musique silencieuse et céleste, faite de cymbales, violons, harpes et flutes. Serious, tough, great…question de matière, donc. Si les adjectifs walkeriens, à valeur onomatopéique, renvoient dans leur immédiateté de projection à la fois à la densité du contenu du travail présenté et à la concision tranchante de sa forme, c'est l'expérience intime d'un « Deep stuff! », que n'aurait d'ailleurs pas renié le même Hamza, qui ne cesse de s'affirmer progressivement en moi comme la trace principale d'un effet d'écho produit par la tournée LISTENING. Durant tout le concert, je me suis senti descendre vers un état de perception dont la profondeur a suscité mon étonnement. Et ce n'est pas la neutralité du piano YAMAHA C3, de la YAMAHA CORPORATION, Yamaha Piano SINCE 1887, affichant le numéro X 6354522, dont les sons se réverbéraient de longues secondes encore après leur émission, qui aurait pu empêcher ce mouvement irrésistible vers des abysses intérieurs. Après quelques instants de jeu, cette poussée descendante se traduisit par un surgissement répété d'espaces de silence, d'une longueur inhabituelle, allant jusqu'à plusieurs minutes, espaces habités intensément dans leur durée autant par le public que par les trois musiciens. Le plus étonnant fut que ces blocs de silence, de silence instrumental, car l'environnement poursuivait son flux sonore inépuisable, ne s'imposèrent pas à travers une logique conceptuelle, mais furent le fruit d'un travail musical interne et collectif qui ramena à la surface une situation d'écoute d'une qualité rare. Et si lors de la première séquence silencieuse, j'entrevoyais encore la possibilité d'une fin, au fur et à mesure du jaillissement des séquences, j'ai non seulement perdu le besoin d'abréger chaque nouveau bloc apparaissant, mais encore, il m'est apparu de plus en plus impossible de conclure la performance en tant que telle : j'avais complètement perdu toute nécessité de terminer le concert. Mais comment achever un processus qui n'a pas de fin ? Comment sortir d'une situation sonore qui finit par se confondre totalement avec la réalité ? Post-concert Fred botta en touche, invoquant une pratique souvent adoptée par les musiciens nord-américains, qui veut que celui qui invite soit le boss, et qui dit boss dit aussi contrôle sur le final cut. Ce soir-là, à travers l'accumulation de ces moments de silence vertigineux, de moins en moins interrompus par de moins en moins de sons, notre logique fut, je pense, plus européenne, plus horizontale, tenir le collectif jusqu'au-delà du collectif. Alors que l'entame du jeu à trois s'était inscrite clairement dans le temps et dans l'espace, plus le concert se prolongeait, plus le concert me quittait intérieurement, plus la vie reprenait progressivement le dessus, sans tambour ni trompette.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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LDP 2015 : Carnet de route #26
Revenus des Etats-Unis, Jacques Demierre et Urs Leimgruber ont désormais retrouvé Barre Phillips. Avant d'évoquer les retrouvailles en question, ils livrent ici le souvenir de leur passage par Buffalo.
28 octobre, Buffalo
Hallwalls Contemporary Arts Center
Hallwalls wurde an der West Side von Buffalo ende 1974 von einer Gruppe junger bildender Künstler (einige von ihnen waren immer noch Studenten) - Diane Bertolo, Charles Clough, Nancy Dwyer, Robert Longo, Cindy Sherman und Michael Zwack gegründet. Letzterer hatte eine Ausstellungsfläche ausserhalb der Halle und den Studios, in einem ehemaligen Raum eines Eiskellers geschnitzt. Von Anfang an war ihr Interesse neue Arbeiten von lokalen Künstlern zu zeigen und den Austausch zwischen ihnen und Künstlern aus anderen Städten zu ermöglichen, indem Gastkünstler Vorträge hielten oder Installationen erstellten, mit der Absicht im Austausch Austellungen in ähnlichen Räumen und in andern Städten zu organisieren. Ihr Fokus war immer interdisziplinär, sowie nach außen gerichtet, nicht nur für bildende Künstler, sondern auch für Musiker, Schriftsteller, Filmemacher und Video- und Performance Künstler. Hallwalls etablierte sich bald als eine einflussreiche Kraft für Innovation innerhalb der örtlichen Gemeinschaft als auch auf nationaler Ebene, und entwickelte seine kleinen Ressourcen durch den Zusammenschluss mit anderen kulturellen Einrichtungen, sowohl für größere und kleinere, gemeinsame Projekte.
Hallwalls bietet heute eine ideale Plattform für verschiede Formen von Musik. Zeitgenössische, komponierte Musik, Improvisierter Musik, Folk und experimental Rock. Seit vielen Jahren ist Steve Baczkowski, musikalischer Leiter zusammen mit David Kennedy zuständig für das Programm improvisierter Musik. Die Konzerte finden jeweils in einem mittelgrossen Konzertraum mit einer ausgezeichneten Studio Akustik statt. Heute treffen wir uns wieder mit dem Cellisten Fred Lonberg-Holm. Nach dem Auftritt in Ann Arbor spielen wir das erste Mal als Trio. Wir positionieren uns im Halbkreis, gleich wie im Trio mit Barre. Jacques ist wie immer von der Bühne aus rechts, Fred links und ich in der Mitte. Wir spielen selbstverständlich komplett akustisch. Und wir zeigen das Video mit Barre: „when I was a kid“... später spielen wir mit Barre und dem Video. Tak! Sofort fallen die Töne in den offenen Raum. Sie klingen aus, sie transformieren sich in Geräusche, sie zersetzen sich abrupt und im decrescendo. In Verbindung mit dem Cello habe ich den Eindruck mein Sopran klinge höher als mit dem Bass und das Tenor tiefer. Interessant? Wir agieren horizontal, vertikal sehr leise und laut, abrupte Wechsel lösen sich ab, dazwischen gibt es Stille. Wir spielen Flagolets und Mehrklänge entwickeln feedbacks und Verzerrungen. Vertrackte Rhytmen, Schläge ertönen, Beben und Donner fügen sich ein. Das Konzert nimmt seinen Verlauf... Die Zuhörer sind sehr aufmerksam, sie partizipieren am experimentellen Erlebnis. Am Schluss applaudieren die Leute begeistert und die Spannung hält an . „This was an amazing show“ sagt Steve und bedankt sich bei den Musikern. Anschliessend gehen wir gemeinsam in eine naheliegende Bar zu Bier und Chicken Wings. Draussen stürmt und regnet es heftig.
U.L.
Ce qui attira d'abord mon attention en pénétrant dans le Bashford Hall, ce fut le granulé de la surface du couvercle portant l'inscription STEINWAY & SONS. Je ne pus m'empêcher de rechercher dans le son de ce piano construit à New-York dans les années 1920 un même rendu de texture. Que je ne retrouvai évidemment pas. Je revins alors vers cette surface formée de petits grains inégaux en laissant courir mes doigts le long de son étendue. Ce geste simple se transforma étonnamment en une sorte d'aventure personnelle. Chaque nouveau contact avec chaque nouvelle parcelle de surface instrumentale fut comme autant d'imprégnations qui agiront sur la matière des gestes musicaux improvisés en concert quelques heures plus tard. Cette rencontre avec l'extérieur du corps de l'instrument, sans produire aucun son, si ce n'est celui du glissement de mes doigts, me renvoya à mes propres limites sonores, m'imaginant soit les déplacer soit les élargir. L'absence de son me laissait voir-entendre l'étendue qu'allait prendre ce son une fois propagé. Sans son, il m'était plus facile de me dépouiller de mes manies sonores personnelles et d'ouvrir ainsi un espace où, paradoxalement, mon expression personnelle jouirait en fin de compte de davantage de place pour s'exprimer. Changer de sens, littéralement, m'avait permis d'éviter cet écueil dont parle Nietzsche: "Il est difficile et pénible à notre oreille d'écouter quelque chose de nouveau; nous entendons mal la musique qui nous est étrangère. (…) Le nouveau se heurte à l'hostilité et à la résistance de nos sens. De manière générale, même les processus sensoriels les plus "simples" sont dominés par l'affectivité, par la peur, l'amour, la haine par exemple, ou, négativement, par la paresse." Ce n'est en tous les cas pas la paresse qui poussa David Kennedy, qui organisait ce soir-là son dernier concert, et qui m'avait écrit que si sa mémoire était correcte, j'allais jouer sur un Steinway Baby Grand, 5'7'', appartenant à la série M, à défendre avec passion durant de nombreuses années les pratiques sonores expérimentales et improvisées à Buffalo. Effleurer des doigts l'architecture granuleuse de ce piano STEINWAY & SONS, fut comme étudier les formes sonores produites par l'instrument et les confronter aux virtualités que l'on porte éventuellement en soi...
... Une auto-exploration qui soudainement a fait de ce piano un livre ouvert, où les mots écrits dans la matière même de l'instrument me sont apparus comme un immense poème visuel, tout en tension, autres cordes vibrantes, face aux structures de bois et de métal :
STEINWAY FOUNDRY CASTING
TUBULAR METALLIC ACTION FRAME PAT.
au-dessus en plus petit
STEINWAY & SONS
la célèbre lyre en double S, où père et fils,
à la fois réunis et séparés par l'indispensable esperluette,
regardent l'un vers le passé, les autres vers l'avenir
REGISTERED
U.S. PAT. OFF.
en arrondi au-dessus des cordes aiguës
STEINWAY & SONS
NEW YORK
en ligne sous les ouïes
PATENT GRAND CONSTRUCTION
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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LDP 2015 : Carnet de route #24
La vitesse à laquelle Jacques Demierre et Urs Leimgruber parcourent les Etats-Unis s'accélère. Ici,le souvenir d'un concert donné à Ann Arbor, le 24 octobre, et, avant lui, des nouvelles encourageantes que Barre Phillips nous adresse de Puget-Ville.
24 Octobre 2015, Ste-Philomene, Puget-Ville, France
Sitting here knowing that I'm missing a very important tour with my friends Urs and Ja(ques. But what can I do? Be ready to join them when they will get back to Europe on the 8th of November. The Black Bat, before he left my body, did a lot of damage. The damage can repair itself, if I act in the right ways. Eating and resting being so important.
I touch the bass and after a short time of waking up it tells me that it's ready to go. Took a short trip (a test run) up to Lyon to visit a friend and my luthier. Bass player from Tokyo. We played and I used a Carbow that the luthier had and it marveled me out, to the point to where I had to buy it. New starting. A new mechanical thrall. Like pealing the apartment bicycle 20 mns. I have faith that we'll all meet at the appointed time - my friends, my mind, my body and my spirit, to continue re-starting anew our sound and human adventure. Hold on! Hold on! Here I come.
B.Ph
24 octobre, Ann Arbor, USA
19th Annual EDGEFEST 2015: Wake Up Calls from the Edge
Kerrytown Concert Hall
Midwood Suites Brooklyn 6:30am. Morgendämmerung. Der Taxifahrer, ein Mexikaner wartet in der schwarzen Limosine auf uns. Newark Airport! Der Wagen rollt durch leere Strassen und bereits dicht gefüllte Avenues and Higways, Richtung Flughafen. Das check-in geht ganz schnell, in der Flughalle gibt es kaum Leute. Newark ist ein kleiner, sehr angenehmer Flughafen. Two espressos, one single, one double and two croissents. Wir setzen uns hin und geniessen die Ruhe. Eine junge Kellnerin serviert uns den Kaffee und die Gipfel. Wir sind die einzigen Gäste und wir sehen kaum Leute vorbei gehen. Wir fühlen uns in einem fast Zeit losen Raum. Lauter Ruhe vergessen wir, auf einem Flughafen zu sein. Beinahe verpassen wir das Boarding. Ein kleiner Flieger, Typ Sky Jet 900 bietet nur kleine Overheads an. Mein Softbag mit den beiden Saxofonen passt nicht hinein. Was nun? Die Stewardess bietet mir nach einer kurzen Unsicherheit einen Platz in der Crew eigenen Garderobe an. Das Ding passt hinein. Glück gehabt. Endlich erreiche ich meinen Platz, ein exit seat wo ich meine Beine strecken kann. Ich atme kurz ein und aus. Fasten Seat Belt. We are taking off, destination Detroit. Nach leichtem Abheben des Vogels sind wir endlich in der Luft.
Wieder ist Ruhe. Wir brauchen unzählige Stunden um ein Konzert von 50 Minuten zu spielen. Der Aufwand ist enorm, und doch lohnt es sich. It’s all about an experimental experience. Und die Eindrücke sind nachhaltig. Nancy holt uns am Flughafen Detroit mit einem grauen Subaru ab. Nancy ist klein gewachsen und hat rote Haare. Sie ist Künstlerin sagt sie uns während der Fahrt zum Microtel. Sie hätte eine Ausstellung im Konzertraum. Check-in an der Reception und ab in die Zimmer. Kurz danach sitzen wir im Koreaner nebenan und bestellen Tofu mit Gemüse und Reis. Der anschliessende, kurze Nachmittagsschlaf ist auf der Tournee äusserst wichtig und wohltuend. Um 6:30pm holt uns Nancy am Hotel wieder ab. Im Kerrytown Konzerthaus spielt das Trio Joe McPhee, Fred Lonberg Holm, Michael Zerang zusammen mit dem Gast Trompeter Peter Evans. Das Thema des Festivals in diesem Jahr ist die Trompete. Die Gruppe spielt einen hochkarätigen Set mit eruptiven und virtuosen Ausbrüchen und ruhigen Passagen zum ausklingenden Schluss. Das fachkundige Publikum ist sehr aufmerksam. Die Leute spielen gut mit. Sie übernehmen manchmal sogar die Führung und applaudieren am Schluss in die Stille hinein!
Nach einer kurzen Pause beginnt das nächste Konzert in der St. Andrews Episcopal Church nebenan mit TAYLOR HO BYNUM EDGEFEST PLUSTET mit dem University of Michigan Creative Arts Orchestra. Während dieser Zeit stimmen wir uns im Kerrytown Concert House für unser Konzert ein. Das Video zeigen wir heute nicht. Wir spielen zusammen mit Fred Lonberg Holm und Joe McPhee im Quartett als Abschluss des Festivals. Wir werden von der Festival Leitung von Deanna Relyea, Allison Halerz, Piotr Michalowski, Marc Andren und Christine Reardon die unser Konzert gesponsert haben herzlichst empfangen. Sie alle kennen unsere Musik sehr gut und sie überhäufen uns mit Lob und Anerkennung. Wenn das nur gut geht?
Um Punkt 10:00pm beginnt unser Konzert. „Swiss musicians Urs Leimgruber and Jacques Demierre join forces to create musical relationships that are intimate, while also surprising, subtle and intense. Their music reshapes existing material into surprising sounds. Every time they play together, they are able to reinvent their music and take it to a new level“.
Wir spielen einen fulminanten Bogen. Laute Pianissimos und leise Fortissimos, Lärm und Melodien, Luft und Getöse lösen sich ab in zwei Teilen mit Zwischenapplaus.Nach einem experimentellen Erlebnis bedankt sich das Publikum enthusiastisch. Wir verkaufen viele CD’s und der Abend nimmt sein Ende im Zusammensein, spannenden Gesprächen und Kalifornischem Rotwein. Morgen früh geht die Reise weiter, wir fliegen zurück nach Newark.
U.L.
Il est traditionnellement dit que les pianos Steinway & Sons fabriqués à Hambourg n'ont pas la même qualité sonore que ceux produits à New York. Deanna Relyea, directrice artistique du Edgefest Festival de Ann Arbor, non loin de Detroit, et fondatrice du Kerrytown Concert House, me dit qu'en l'occurrence, le STEINWAY & SONS, C, 468920, mis à disposition des pianistes invités, provient de l'usine de Hambourg. Elle ajoute que l'instrument, acheté en 1988, à une époque où le taux de change du dollar permettait ce genre d'acquisition, a été mis en vente par la femme d'un riche industriel anglais qui préférait un piano à queue au vernis éblouissant à un instrument à la matité sans doute un peu honteuse. Le mauvais goût est parfois un allié insoupçonné. Est-ce le fait de la rapide traversée aérienne de la côte ouest vers la côte est des Etats-Unis d'Amérique, ou le fait de la mention de cette différenciation sonore opposant Nouveau Monde et Vieux Continent, qui colora d'ailleurs étrangement mon jeu durant le sound check – différenciation qui fait surtout partie du mythe que Henry Engelhard Steinway et ses fils ont construit, mais qui n'est finalement pas si pertinente, car il n'existe pas deux pianos, quelle que soit leur marques, qui laisseraient la même trace sonore dans le temps –, toujours est-il que j'ai senti se construire progressivement la sensation d'un temps et de sa hiérarchisation qui se retiraient en moi au profit de l'apparition d'un espace intérieur particulier, où se répartissaient progressivement des séries de points, des écheveaux d'éléments, appartenant tous à un entrelacs de sensations, d'expériences et de souvenirs. Un courriel de Barre joua aussi un rôle de déclencheur : "Gordon Mumma, Bob Ashley, Bob James were in Ann Arbor in the 60's, starting out. I'll play a track for you some day that I recorded with Bob James and a drummer plus a tape by Bob Ashley – on a ESP record from the 60's. Adventuresome young guys." Des relations, sans échelle temporelle, se créaient sans cesse en moi, la trompette de poche de Joe McPhee, qui partagea notre performance ce soir-là avec Fred Lonberg-Holm, résonant dans la table d'harmonie du Steinway fabriquée à Hambourg et sûrement faite d'un bois datant de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, partageait le même territoire intérieur que mon admiration adolescente et sans borne pour la musique de MC5, groupe de Detroit à l'énergie fulgurante, qui demeure comme une étincelle initiale qui n'a cessé de produire en moi de nouveaux foyers sonores. Je suis comme un arbre aux mille points, où les ramifications de mon espace intérieur font apparaître des configurations que les autoroutes du temps et de la durée ne sauraient égaler. Le son du saxophone soprano de Urs jouant à Los Angeles à mes côtés est là, tout comme l'irritante présence sonore du drone de ma chambre d'hôtel de New Haven, les moments niouiorquais de son tranché au couteau dans leur propre durée par John Zorn, Paul Lytton et Nate Wooley, lors d'un Benefit Concert à The Stone, se superposent, tout en se recouvrant subtilement, à la sirène du train Amtrak, dans lequel j'écris ces mots maintenant. En ce moment de dispersion entrecroisée, entraîné par un mouvement d'horizontalité entre le proche et le lointain, je ne peux croire le fait que notre premier concert sur la côte est des Etats-Unis, accompagné d'un piano d'Europe à la facture nouvelle et plus résistante, qui avait permis une approche encore inouïe du jeu pianistique, ne soit que pure coïncidence, surtout quand on sait (dixit wiki) que Franz Liszt cassait marteaux et cordes à chaque concert...
J.D.
Photos : Jacques Demierre
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Easel : Bloom (Veto, 2015)
Le polystyrène que lacère sans relâche Michael Zerang n’y change rien : Christoph Erb et Fred Lonberg-Holm se livrent bataille. Et la bataille est longue. Leurs unissons malfaisants ne crachent que fiel et amertume. Il faudra que le percussionniste active sa quincaille rutilante et presse le pas pour que s’impose un semblant d’espace et de profondeur. Mais la colère de ce jour n’est pas prête de s’éteindre.
Revoici bruits et grincements, guitare perçante et souffles retors. Les dépôts soniques s’amoncellent, débordent. Ceci pour les deux premières improvisations du présent CD. Voici maintenant Perigan et on pourrait croire les secousses sismiques envolées : Zerang frétille comme un poisson dans l’eau. Mais sur le rivage se réveillent les vieux démons. Et saturent tous les espaces. Et ne jurent que par l’assaut, le combat. Aujourd’hui était bataille. Mais demain ?
Easel : Bloom (Veto Records)
Enregistrement : 29 avril 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Corolla 02/ Calyx 03/ Perigan
Luc Bouquet © le son du grisli
Wooley, Rempis, Niggenkemper, Corsano : From Wolves to Whales / Ballister : Worse for the Wear (Aerophonic, 2015)
L’idée d’entendre une formation qui réunirait Dave Rempis et Nate Wooley – pour dire vite : deux des plus brillants instrumentistes (issus du jazz) de leur génération – commençait à dater. Il y a un an, elle finissait par éclore : sur scène (trois concerts new yorkais) puis en studio. From Wolves To Whales est ainsi le premier disque d’un quartette dans lequel on trouve aussi (et même « encore ») Pascal Niggenkemper et Chris Corsano.
L’occasion n’a pas été manquée de concilier art de la voltige et goût prononcé pour l’expérimentation. Un air de salive en circuits – le temps pour Wooley de s’extraire de son instrument – et les souffleurs dévalent une première improvisation à étages. Avec adresse, le groupe maintient l’équilibre entre énergie et invention dans sa quête de Swingin’ Apoplexy, pour reprendre un des titres du disque. Les boucles d’alto révélées sur les souffles aphoniques de la trompette (qui montrera sur Count Me Out qu’elle aussi sait faire tourner un motif) et les grippements intentionnels de la contrebasse sur les chahuts de la batterie relativisent alors : pourquoi craindre les risques d’un fantasme qu’on concrétise ?
Nate Wooley, Dave Rempis, Pascal Niggenkemper, Chris Corsano : From Wolves to Whales (Aerophonic)
Enregistrement : 10 février 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Slake 20/ Serpents Tooth 03/ Stand Up for Bastard 04/ Swingin’ Apoplexy 05/ Count Me Out
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Moins de nuances peut-être, mais toujours les mêmes effets. Sur son cinquième enregistrement, Ballister développe son swing nerveux quand il ne le couche pas plutôt – sous les doigts de Lonberg-Holm, des sonorités peu communes, sur lesquelles Rempis surfe parfois, enrichissent le vocabulaire du trio. A tel point que la marche déviante de Vulpecula insiste : Worse for the Wear un Ballister indispensable.
Ballister : Worse for the Wear (Aerophonic)
Enregistrement : 28 mars 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Fornax 02/ Scutum 03/ Vulpecula
Guillaume Belhomme © Le son du grisli