Foxes Fox : Live at the Vortex (Psi, 2012)
C'est en studio, à l'été 1999 d'abord (pour Foxes Fox, Emanem), peu après la formation « accidentelle » du groupe – par adjonction de Steve Beresford (piano) au trio d'Evan Parker (aujourd'hui au seul ténor), John Edwards (contrebasse) et Louis Moholo (batterie) – à l'automne 2004 ensuite (avec Naan tso, Psi), que les quatre musiciens avaient jusqu'alors enregistré, et il est particulièrement heureux que les micros de Steve Lowe les aient enfin saisis sur scène pour leur troisième disque, tant leur équipe semble adaptée à ce terrain.
La qualité toute orageuse du son que le quartet développe dès les premiers instants est électrisante et rend ce concert au Vortex passionnant. Remous brassés d'Edwards ; clavier insaisissable ou charpenteur ; batterie bruissante et tendue, explosible ; ténor rauque, sanglier à la hure hirsute. De front, une manière martiale, embrasée, propulsive. S'y complaire aboutirait à une complète combustion (et de l'invention et de notre attention) : il faut combiner, composer, et la quarantaine de minutes du premier set suffit, avec ses vrais moments de bravoure, à l'extraction d'un free rugueux auquel on pouvait certes s'attendre... mais auquel on ne peut se soustraire.
L'arrivée de Kenny Wheeler (trompette et bugle) sur les planches, pour quarante autres minutes, permet de rebattre un peu les cartes. Ses sinuosités ouvrent des perspectives et suggèrent d'autres climats : l'horizon y gagne éclaircissement, répartition, profondeur de plans, et les échanges se renouvellent en conséquence – jusqu'à un certain lyrisme. Que demander de plus ?
Foxes Fox : Live at the Vortex (Psi / Orkhêstra International)
Edition : 2012.
CD : 01/ Foxes Set 1 02/ Foxes Set 2 03/ Foxes Set 3
Guillaume Tarche © Le son du grisli
Foxes Fox : Naan Tso (Psi, 2005)
Sous le nom de Foxes Fox, un quartette occasionnel, emmené par le saxophoniste Evan Parker, s’est récemment réuni dans l’intention de marquer en musique les derniers coups portés en Angleterre par le batteur Louis Moholo. C’est qu’il fallait à celui-ci retrouver son pays, l’Afrique du Sud, quittée jadis pour cause d’Apartheid.
27 octobre 2004, au Gateway Studio de Londres, sans la moindre introduction, le groupe s’acharne à faire éclater les perturbations, rue dans les brancards, au son des rebonds aériens et des roulements affables de Moholo. Une coupe nette, et le batteur distribue les coups profonds sur tom basse, quand John Edwards tend sa contrebasse d’attaques courtes suggérant bientôt la reprise des hostilités. Après avoir ingénument défendu une phrase répétée jusqu’à ne plus pouvoir la retenir, Parker s’engage avec Steve Beresford dans un inextricable dialogue saxophone / piano. Frôlant l’anthologie, il pourrait résumer à lui seul l’essentiel de la fougue ici déployée si soustraire un seul geste de la somme fantasque qu’est Naan Tso n’était pas illusoire. Après une demi-heure, l’improvisation se termine dans les grincements divers et les boucles de cordes pincées.
D’inspiration plus légère, Slightly Foxed débute par les impacts sauvegardés des doigts d’Edwards sur son instrument. Beresford n’intervenant pas, Parker gagne encore en présence, et distribue comme il l’entend ses phrases grâce au soutien de Moholo, discret mais immanquable. Infaillible, toujours et encore, sur Reinecke Gefettet, sur lequel le quartette reconstitué dresse une composition sur l’instant, grave et emportée. Où Beresford, pas revenu pour rien, badinera à loisir sur un piano réverbéré, jusqu’au chaos grandiose.
Ne restait plus, pour l’équilibre de Foxes Fox, qu’à Edwards de revendiquer mieux. Omniprésent sur Renard pâle, Parker n’en permet pas moins au contrebassiste d’arriver à ses fins : attaquant à grands coups d’archet le bas de son instrument, il tisse un accompagnement insatiable et libérateur, décidant d’une pause à partager, avant d’inviter Moholo à le rejoindre le temps d’un duo dense et concis. La session close sonne l’heure de l’au revoir. Et toutes les boîtes du monde de souhaiter un jour organiser un semblable pot de départ.
Foxes Fox : Naan Tso (Psi / Orkhêstra International)
Enregistrement : 27 octobre 2004. Edition : 2005.
CD : 01/ Naan Tso 02/ Slightly Foxed 03/ Reinecke Gefettet 04/ Renard pâle
Guillaume Belhomme © Le son du grisli