Diaz-Infante, Mota, Robair, Rodrigues : Our Faceless Empire (Pax Recordings, 2010)
Deux émissaires portugais (Ernesto Rodrigues au violon et Manuel Mota à la guitare électrique) sur la Côte Ouest américaine – plus précisément à Oakland où les attendaient Gino Robair (« Energized Surfaces ») et Ernesto Diaz-Infante (guitare acoustique) – provoquèrent Our Faceless Empire.
Au départ : Gino Robair agit en discret dans les cordes : un théâtre miniature se met alors en place, dont les personnages se disputent et dont les choses qui composent le décor ont aussi leurs sons à dire. Tous peinent pourtant à clamer et, à la place, soupirent ou expirent. A-t-on même jamais entendu improvisateurs aussi discrets ? Les instruments sont caressés – de la main, de la bouche ou de l’archet – et les notes qui s’échappent se fondent en drones multiples, qui se balancent et s’évaporent. Pour conclure, les musiciens abandonnent toutes prévenances – vocabulaire télégraphique et râles endurants – mais il est trop tard : l’essentiel a été dit plus tôt, entièrement et dans les soupçons.
Diaz-Infante, Mota, Robair, Rodrigues : Our Faceless Empire (Pax Recordings)
Enregistrement : 2006. Edition : 2010.
CD : 01/ Nosso Rosto Empire 02/ Luftzucker 03/ Mi Conde, el odiosas 04/ O, Bursty Bruegel 05/ Intervalos de confianza 06/ Vida de lujo 07/ Emético Labilty 08/ Um Lilburn em Flovilla 09/ A Cartesian Blaspheme
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
TonArt Ensemble, Ernesto Rodrigues : Murmúrios (Creative Sources, 2010)
Ernesto Rodrigues ne se refuse rien, en tout cas aucune rencontre, pas même celle forcément imposante du TonArt Ensemble que l’on entendit jadis auprès d’Anthony Braxton, Vinko Globokar, Peter Kowald, Evan Parker ou Keith Rowe.
A son tour, alors : le violoniste évoluant faiblement à l’archet en opposition aux interventions brèves et éclatées de l’ensemble : d’abord des souffles dispendieux et puis une note de clarinette met un terme aux ébats et, de l’empêchement, naît une autre saveur. L’improvisation se fait répétitive et compose à force d’entasser des feuilles de murmures – tuba et saxophones sont maintenant de la partie. Alors, de frêles percussions commandent un autre développement : les musiciens s’accordant sur un plus grand volume en congrégation affolée.
La seconde partie de Murmúrios, de s’en trouver changée : le vindicatif Rodrigues faisant maintenant face à un drone installé par un accordéon puis à une poignée de larsens. Les conséquences de telles confrontations sont diverses : bruyantes, sévères, accablantes ou apaisantes, mais toutes malignes – luttant souvent contre le seul usage microtonal. Ainsi, le violoniste aura eu raison de faire le voyage jusqu’à Hambourg.
TonArt Ensemble, Ernesto Rodrigues : Murmúrios (Creative Source / Metamkine)
Edition : 2010.
CD : 01/ Part 1 02/ Part 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Küchen, Rodrigues, Rodrigues, Santos : Vinter (Creative Sources, 2010)
Le souffle, répété, qui traverse le saxophone alto de Martin Küchen pousse quelques notes hors de l’instrument. Dans un bruit de métal, Küchen fabrique ses plaintes d’opposition aux longues lignes sorties d’un duo d’archets – association d’Ernesto (violon) et Guilherme Rodrigues (violoncelle) – jusqu’à ce qu’un grave se répande pour donner à l’ensemble expérimental des airs de berceuse. Des airs que parasites et frottements chercheront à déstabiliser, eux qui rêveraient d’une ambient hérétique qui interdirait toute récupération ou tentative d’assimilation, musicales toutes deux.
Or, la berceuse tient ici par le jeu d’une ossature de clefs-satellites et de structures électroniques du discret et cubiste Carlos Santos et là par le soutien affirmé de l’archet de violoncelle d’un père rassurant (Guilherme). A force de cohésions, c’est une autre musique d’atmosphère que l’on traîne à terre pour que ne lui échappe pas un centimètre carré de surface ni, une fois recraché par le disque à mille lieux d’où elle est née, un centimètre cube d'espace environnant.
Martin Küchen, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos : Vinter (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 18 mai 2007. Edition : 2010.
CD : 01/ Mörkertid 02/ Kyla 03/ Barmark
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ernesto Rodrigues, Rhodri Davies, Stéphane Rives, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos : Twrf Neus Ciglau (Creative Sources, 2009)
Au Música Portuguesa Hoje festival de Lisbonne, fut donnée l’année dernière une trentaine de minutes d’une musique électroacoustique élaborée par Rhodri Davies (harpe, électronique), Carlos Santos (électronique), Stéphane Rives (saxophone soprano), et puis Guilherme et Ernesto Rodrigues (violoncelle et violon).
Plus d’une demi-heure, pour être tout à fait juste, d’une rencontre internationale s’entendant sur un amas de lignes de fuite, souterraines ou ascendantes, et de drones assemblés : là, un aigu perce, ailleurs, un autre renonce. L’improvisation s’immisce dans le paysage, attire à elle l’auditeur pour l’avaler ensuite. L’exercice est réussi, et l’épreuve : manifeste.
Ernesto Rodrigues, Rhodri Davies, Stéphane Rives, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos : Twrf Neus Ciglau (Creative Sources)
Enregistrement : 12 juillet 2008. Edition : 2009
CD : 01/ #1
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Archives Ernesto Rodrigues
Archives Rhodri Davies
Archives Stéphane Rives
Archives Guilherme Rodrigues
Jean-Luc Guionnet, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Seijiro Murayama : Noite (Creative Sources, 2008)
Sur un bout de trottoir portugais, de Noite, le saxophoniste Jean-Luc Guionnet et le percussionniste Seijiro Murayama forçaient Ernesto Rodrigues (violon) et son fils Guilherme (violoncelle) à emboîter le pas de leur entente.
A l’écoute des rumeurs de la périphérie de la ville, les musiciens passent de gestes de circonstances (grondements de l’alto et archets longs) en élaborations de contrastes (caisse claire effleurée près de toutes propositions improvisées), évoluant en satellites en déroute avant de céder ensemble à l’ivresse d’une chute partagée : Murayama décidant forcément de l’allure de celle-ci.
Le vent, sur l’ouverture de la seconde pièce, avant qu’une sorte de sonar rappelle chacun des intervenants : accord de bourdons, celui de l’alto grave subissant le tangage, longs parallèles d’essences différentes, et l’invective d’une autre ponctuation : Guionnet fomentant des projectiles, saillies des violon et violoncelle, avant que s’impose à nouveau l’abstraction minimaliste et posée. Un archet périclitant annoncera la fin de l’expérience rare, musique de rue évanouie aux portes de la ville.
Jean-Luc Guionnet, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Seijiro Murayama : Noite
Creative Sources
Edition : 2008.
CD : 01/ Story Board 02/ Drama-Like
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ernesto Rodrigues: Dorsal (Creative Sources - 2005)
Pour mener à bien sa tâche difficile, le violoniste Ernesto Rodrigues a décidé un jour de fonder Creative Sources, label consacré à la musique improvisée la plus contrariante. Pour l'auditeur, certes ; pour le musicien plus encore, qui a accepté d'aborder une musique qu'il faudra purger de tout artifice, débarrasser de référents mélodiques, infiltrer jusqu'à l'organe.
Car c'est là plus qu'ailleurs qu'on suppose la présence des intervenants. A force d'efforts, Ernesto Rodrigues, Manuel Mota et Gabriel Paiuk, disparaissent respectivement derrière un violon, une guitare, un piano. A l'intérieur, même, mettant tout leur coeur à gratter, frapper, tirer, chercher toujours d'autres moyens d'établir quelques preuves d'existence. Les cordes intègrent la section rythmique sans avoir le sens du rythme, quand les musiciens ne préfèrent pas tout simplement effleurer crin, nylon et bois (Tension).
Sur Lesion, l'archet ose une expression à laquelle répondra un piano servi à la cuillère. Une suite d'accords timides à la guitare, et c'en sera fait du remarquable jusqu'à Visceras, où l'on dissociera une autre fois le rythme des inspirations assumées en solo, qu'on aimerait d'ailleurs un peu moins frileuses, histoire de rendre moins monotone le défilement des secondes. Une musique vague qui ne connaît pas le ressac. Une couleur, presque, troublée par les ruptures d'Espinal, javellisée enfin par un archet assidu que soutient une guitare-berimbau à l'exotisme extrait (Inflamacion). Un disque inconseillable, faute d'amateur prêtant l'oreille et pas gêné de miser sur l'inconstant. Prêt aussi à parier, s'il veut avoir une chance d'être charmé par le combat que mène le trio contre les chimères mélodiques et les regrets d'y vouloir échapper.
CD: 01/ Tension 02/ Lesion 03/ Natural 04/ Visceras 05/ Espinal 06/ Inflamacion
Ernesto Rodrigues - Dorsal - 2005 - Creative Sources. Import.