Elliott Sharp: String Quartets 2002-2007 (Tzadik - 2008)
Ce nouvel opus consacré à la musique pour cordes d'Elliott Sharp pose une autre fois la question : l'interprétation par le Sirius String Quartet de six de ses compositions pourrait-elle rendre Sharp respectable ? Difficile exercice, qui consiste pour les musiciens à rendre les noirs mis sur partitions d'un guitariste qui ne cache pas son intérêt pour les bruits et les décalages.
Alors, des encombrements d'interventions modulés par quelques pauses se chargent de rendre les angoisses d'une inspiration paranoïaque sur Eye in the Sky, et des pratiques peu régulières chargent de leurs effets le percussif Seize Seas Seeth Seen. Surtout, des archets traînant règlent leur compte à l'obsession de grande musique, illusion mise bientôt à mal au profit d'interrogations tourmentées mais détachées aussi (Light in Fog inspiré d'une peinture, 95 for EC from E# écrit en mémoire d'Elliott Carter). Sharp ne serait donc pas venu là pour installer son écriture sous les ors rassurants d'un ensemble à cordes, mais pour en diversifier l'approche quitte à parfois faillir sur quelque tentative (Homage James Tenney).
CD: 01/ Eyes in the Sky 02/ Homage James Tenney 03/ Light in Fog 04/ 95 for EC from E# 05/ Dispersion of Seeds 06/ Seize Seas Seeth Seen >>> Elliott Sharp, Sirius String Quartet - String Quartets 2002-2007 - 2008 - Tzadik. Distribution Orkhêstra International.
Elliott Sharp: Octal : Book One (Clean Feed - 2008)
Deux albums paraissent ces jours-ci sur le label Clean Feed, qui disent les pratiques différentes du guitariste Elliott Sharp.
En solo, d’abord, Sharp interprète librement Octal : Book One sur une guitare qu’il a lui-même fabriquée, faisant alterner attaques franches et espacées au médiator et successions moins inquiètes de notes lâches ou dissonantes. Ailleurs, il multiplie les expériences plus ou moins anti conventionnelles, recourant souvent au silence lorsqu’il ne laisse pas joliment traîner ses glissandos électriques. Actualité donnée ici à d’anciennes pratiques électriques et torturées...
CD: 01/ Through the Whormhole 02/ Symmetree 03/ Modulant 04/ On the Brane 05/ Intrinsic Spin 06/ Strange Attractor 07/ Antitop and Charm 08/ Quaternion >>> Elliott Sharp - Octal : Book One - 2008 - Clean Feed. Distribution Orkhêstra International.
Elliott Sharp, Scott Fields: Scharfefelder (Clean Feed - 2008)
... En compagnie de Scott Fields, Sharp improvise cette fois les titres de Scharfefelder. Sur guitares acoustiques, les deux hommes trouvent un terrain d’ententes à leurs interventions minuscules mais angoissées, recourent à un unisson faussaire avant d’insister ensemble sur des phrases individuelles écorchées. Pas toujours original, mais souvent alerte.
CD: 01/ branedane 02/ Between Octopus and Squid 03/ Big, Brutal, Cold Raindrops 04/ Minerali 05/ Giganotosaurus 06/ Shuffle Through the Restaurateur Gauntlet 07/ Doubula 08/ Put your Pennies in my Portuguese Cork hat 09/ Doubleviz 10/ Fresh Red Flea 11/ Freefall 12/ Fried Splash >>> Elliott Sharp, Scott Fields - Scharfefelder - 2008 - Clean Feed. Distribution Orkhêstra International.
Franck Vigroux, Eliott Sharp: Hums 2 Terre (Radio France, Signature - 2007)
Dans la série Signature, Radio France publie Hums 2 Terre, né de la récente rencontre des guitaristes Eliott Sharp et Franck Vigroux.
Sur lequel le duo fabrique une musique électroacoustique variant les plaisirs – Sharp passant, par exemple, du saxophone au piano, puis du piano à la guitare – mais attachée toujours à servir l’univers particulier sur lequel les partenaires du jour se sont rejoints : rock bruitiste teinté de free jazz, no wave intemporelle en appelant aux pratiques déviantes de l’improvisation occidentale.
Ailleurs, une musique électronique contrariée lutte contre un montage sonore inattendu, et quelques programmations rythmiques déstabilisantes fleurissent d’un bout à l’autre de l’enregistrement. Rare : l’expérience s’avère plus convaincante à mesure qu’elle approche de son terme, et dresse son épilogue à grands coups de guitares convulsives autant qu’irrésistibles.
CD: 01/ Cheval de frise 02/ Contrario 03/ Sebald 04/ Earth Lift 05/ Bétonnière 06/ Fatal Error 07/ Hum de terre 08/ On The Bang 09/ Bang Shang Hang 10/ No Such Object
Franck Vigroux, Eliott Sharp - Hums 2 Terre - 2007 - Radio France, collection Signature.
Elliott Sharp: Tectonics - ERRATA / SyndaKit / Larynx (Neos - 2007)
En rééditant trois albums d’Elliott Sharp, le label Neos révèle le parcours singulier d’un guitariste peu enclin à faire avec les contingences, et incapable de choisir entre élucubrations rock, expérimentations électroacoustiques et tentatives rapportées au champ des musiques nouvelles.
Au moyen d’une basse et de guitares électriques, mais aussi d’une clarinette basse, de saxophones et de synthétiseurs divers, Sharp édifiait en 1998 Tectonics – ERRATA, projet mené en solitaire qui combine des progressions instrumentales toujours dérangées – par les interventions virulentes de chacun des instruments ou l’enrayement impromptu des machines – et des plages de constructions à l’imaginaire pétri de références à l’indus et à la no-wave, au funk et au free jazz.
En compagnie, cette fois – celle de l’Orchestra Carbon, ensemble instable composé à chaque fois d’une dizaine de musiciens –, Sharp enregistrait à dix ans d’intervalle deux œuvres sourcilleuses : Larynx, d’abord, datant de 1987, composée de six pièces soumises à un bruitisme répétitif mal maîtrisé ; et SyndaKit – enregistrée en 1998 – qui trouvera la solution aux questionnements maladroits de Larynx. En quatre parties, SyndaKit révèle en effet sa musique inquiétante au son d’arrangements soignés, qui décident d’insistances mélodiques ou de déconstructions bientôt rattrapées par les charmes d’un rythme à peine éclos, pour prendre, au final, des allures de pièce majestueuse, symphonie minimale fantasmant la rencontre de Terry Riley et Glenn Branca.
Ces trois volumes de Neos Elliott Sharp Edition donnent ainsi les preuves de l’inspiration bonne conseillère avec laquelle peut faire Elliott Sharp, quand pi:k se chargeait récemment d’en attester l’endurance.
Tectonics – ERRATA, CD : 01/ Spliny Thicket 02/ In Tongues 03/ City of Sand 04/ Which Delta 05/ Calle siete 06/ Hotfoot 07/ Noospheric 08/ Goomy 09/ Kargyraa 10/ Errataka - SyndaKit, CD : 01/ SyndaKit Part 1 02/ SyndaKit Part 2 03/ SyndaKit Part 3 04/ SyndaKit Part 4 - Larynx, CD : 01/ Larynx 1 02/ Larynx 2 03/ Larynx 3 04/ Larynx 4 05/ Larynx 5 06/ Larynx 6
Elliott Sharp - Tectonics - ERRATA / SyndaKit / Larynx - 2007 - Neos Music. Distribution Codaex.
Elliott Sharp, Charlotte Hug: pi:k (Emanem - 2007)
En deux fois, et selon deux approches, le guitariste Elliott Sharp et la violoniste Charlotte Hug improvisèrent pi:k. A chaque fois : incandescent et sauvage.
A New York, le duo mêle en 2004 ses interventions rageuses : développements fiévreux de Sharp sur guitare acoustique – arpèges insistants et tappings qui en imposent – sur élans de violon hésitant entre les grincements entendus et la charge décorative malséante. Au bout du compte, un folk dérangé rempli de charmes.
A Genève, en 2005, Hug et Sharp improvisent en concert : d’autres pièces, forcément, d’autant plus qu’ils utilisent là quelques appareils, afin d’enrichir leur dialogue instable au gré des conséquences de l’utilisation de micros et d’amplificateurs. Changeant, et tout aussi réfractaire à la défense d’une ligne claire.
CD: 01/ Tread Grapes 02/ Another Yellow Swallow 03/ Kvalster 04/ Take it on the Bridge 05/ Quick Bright Thing – Come to Confusion 06/ Orbiter 07/ Granule 08/ Mineralia 09/ Incidental Atrocity 10/ On The Skew 11/ Stay in Line 12/ Alight ID 13/ De-Scale 14/ Endland and Heyokas
Elliott Sharp, Charlotte Hug - pi:k - 2007 - Emanem. Distribution Orkhêstra International.
Eliott Sharp, Reinhold Friedl: Feuchtify (Emanem - 2006)
Avec Feuchtify, Elliott Sharp et le pianiste Reinhold Friedl signent une improvisation altière et vivifiante.
Mesuré, le duo allie ses pratiques iconoclastes: Friedl mettant en place un jeu plus (gestes parfois violents, commande de graves réverbérés) ou moins conventionnel (sur piano préparé ou allant voir à l’intérieur de son instrument) ; Sharp passant d’un instrument à l’autre (guitare, basse, dobro, saxophone soprano) pour courir derrière des possibilités nouvelles et avouer de manières différentes son intérêt pour les slides.
Alors, les couleurs changent au gré des combinaisons : ambient dilatée en samples (Ify), pièces sombres (Scrib) ou amusées (Pet, chinoiserie passée en miroir déformant), déconstructions percussives (Vert, Gress) et dialogues réfléchis (Dict).
Pour avoir su évaluer leur rencontre avec réflexion plutôt que précipiter leur discours dans une improvisation trop emportée, Sharp et Friedl convainquent ici avec une évidence tenant du surnaturel.
CD: 01/ Dict 02/ Duc 03/ Gress 04/ Ject 05/ Pet 06/ Pend 07/ Por 08/ Scrib 09/ Tract 10/ Vert 11/ Sub 12/ Dis 13/ Ify
Eliott Sharp, Reinhold Friedl - Feuchtify - 2006 - Emanem. Distribution Orkhêstra International.
New York Noise, Vol. 2 (Soul Jazz, 2006)
Revenant pour la deuxième fois sur la somme d’enregistrements due à la No Wave (1977-1984), le label Soul Jazz, grand façonneur de compilations réfléchies, fournit ici au mémoire historique d’autres exemples et d’autres noms extirpés d’un Lower East Side d’une autre époque.
A côté des chefs de file que furent Red Transistor, Rhys Chatham ou Glenn Branca (ici au sein de The Static), instigateurs et classiques d’un genre bruitiste et sombre, le disque rappelle des groupes aux influences plus exotiques, que la No Wave finira par assimiler : funk – robotisé pour Vortex Ost ou disco pour Felix –, musique répétitive (Mofungo avec le soutien d’Elliot Sharp, Glorious Strangers), Great Black Music (Jill Kroesen aux côtés de Bill Laswell, Pulsallama) ou tropicalisme trouvant sa place au coin de rues à angles droits (Don King, auquel prenait part Arto Lindsay).
Poussée ailleurs jusqu’aux abords de la Cold Wave par Certain General, ou approchant des rives de la New Wave au son du Radio Rhtythm (Dub) de Clandestine, la sélection rapporte aussi l’écho d’une No Wave expatriée (les londoniennes d’Ut offrant même au style un de ses premiers préfixes post) et de jeunes espoirs d’alors, qui auront confirmé dans différents domaines (Sonic Youth, et The Del-Byzanteens de Jim Jarmush, loin d’être anecdotique). Furieux et éclaté, New York Noise Vol. 2 recrache 16 titres d’époque et de genres. Enregistrés par des groupes en costumes, parfois efficaces, d’autres fois plus à même de renseigner sur les us et non coutumes d’une scène excentrique qu’oeuvrant véritablement pour la qualité musicale de celle-ci. Mais à la présence toujours nécessaire, voulue – et donc, adoubée – par le savoir-faire de Soul Jazz.
New York Noise, Vol. 2 (Soul Jazz Records / Nocturne).
Edition : 2006.
CD : 01/ Pulsallama : Ungawa Pt.2 02/ Mofungo : Hunter Gatherer 03/ Red Transistor : Not Bite 04/ Vortex Ost : Black Box Disco 05/ Certain General : Back Downtown 06/ Sonic Youth : I dreamed I Dream 07/ Rhys Chatham: Drastic Classicism 08/ Clandestine : Radio Rhythm (Dub) 09/ Glorious Strangers : Move It Time 10/ Felix : Tigerstripes 11/ The Del-Byzantines : My hands Are Yellow 12/ Don King : Tanajura 13/ Jill Kroesen : I’m Not Seeing That You Are Here 14/ Ut : Sham Shack 15/ The Static : My Relationship 16/ Y Pants : Favorite Sweater
Guillaume Belhomme © Le son du grisli