Peter Streiff : Vokal/Instrumental (Edition Wandelweiser, 2014)
Dans la valise du compositeur Peter Streiff traînent toute la seconde école de Vienne (Sechs Lieder), des symétries parfumées (Melodien Band II), des virulences lacyennes (Nur allein für deine Phren), des polyphonies enfantines et saisissantes d’angoisses (Zeistrahl), six violons de hautes frayeurs (Studie) et de grands pianos déréglés (Ohrspuren am Drittelberg).
Dans la valise de Peter Streiff, les vers de Char, Rumi, Pétrarque, Marti, Jandl, Gebser reviennent hanter un bousculé présent.
Dans la valise de Peter Streiff, il y a une contralto, un hautbois d’amour baroque, un aulos (flûte double d’origine grecque), des folklores indéfinis, des archets lapidaires, une ruche d’angoisse. Et la plupart du temps une savante notion d’espace et de relance.
Dans la valise de Peter Streiff, il y a beaucoup à faire.
Peter Streiff : Vokal/Instrumental (Edition Wandelweiser)
Edition : 2014.
CD : 01-06/ Sechs Lieder 07/ Melodien Band II 08-21/ Nur allein für deine Ohren 22/ Zeistrahl 23/ Studie 24/ Ohrspuren am Drittelberg
Luc Bouquet © Le son du grisli
Urs Peter Schneider : Kompositionen 1960-2012 (Cubus, 2014) / Kompositionen 1973-1986 (Edition Wandelweiser, 2014)
C’est toujours enthousiaste que nous poussons pour la première fois la porte ouvrant sur un corpus inconnu. Mais il faut y être préparé, même si l’on sait que cette préparation pourra ne servir à rien. Ce qui a été le cas avec le compositeur suisse Urs Peter Schneider. Né en 1939, cet élève de Stockhausen (son goût pour l’électronique et pour les chœurs lui sont-ils venu de là ?), créateur à la fin des années 1960 de l’Ensemble Neue Horizonte Bern, m’a promené pendant cinq disques.
Tout a commencé par une compilation, Kompositionen 1960-2012. Le label (Cubus Records) a eu la bonne idée de présenter les œuvres non pas dans l’ordre chronologique de leur composition mais groupées selon les instruments à qui elles sont réservées (orgue, électronique, clarinette et piano…). Dans sa crinière blanche, c’est tout un Univers que Schneider cache en fait au monde. Puisque nous sommes passés d’une musique de cathédrale hantée par des voix d’outre-classique (c’est à dire toutes celles jamais entendues dans la musique classique qui n’est pas d’opéra, comme sur Ernsteres) à un lyrique débordé par l’usage de l’ordinateur, une poésie vocale proche de l’Ursonate, des soli brumeux, une pièce plus classique pour ensemble ou clarinette et piano, et à de mystérieux récitatifs.
Notre préparation ne nous avait servi à rien, mais l’expérience nous engageait à poursuivre notre exploration. C’est là que les éditions Wandelweiser sont intervenues. Sur les deux disques du Kompositionen 1973-1986, il y a d’autres propositions. Et d’autres chemins. Une marche contrariée pour deux pianos ou une magnifique conférence-fantôme où des voix se répètent, disparaissent sous le déluge, refont surface, etc. Un opéra distendu jusqu’à la trame ou une énigmatique fantaisie pour orgue. Ce n’est pas toujours enthousiaste que nous refermons la porte qui donnait sur un corpus inconnu. Cette fois, c’est précautionneusement que nous le faisons, car elle doit nous resservir bientôt.
Urs Peter Schneider : Kompositionen 1960-2012 (Cubus)
Edition : 2014.
3 CD : Kompositionen 1960-2012.
Urs Peter Schneider : Kompositionen 1973-1986 (Edition Wandelweiser)
Edition : 2014.
2 CD : Kompositionen 1973-1986
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Azeotrop, Felix Profos : Bock (Deszpot, 2013) / Steamboat Switzerland Extended : Sederunt Principes (DB Waves, 2013)
Axe répétitif pour le duo noise Azeotrop (Dominik Blum : orgue Hammond, Peter Conradin Zumthor : batterie). Les compositions de Felix Profos sont cadenassées. Aucun espoir d’évolution, le crescendo est exclu. Le beat est perturbé, défiguré. Le duo renforce la stridence, perfore quelques frêles tympans. Les issues sont bouchées.
En quelques plages, Azeotrop improvise. Les ambiances sont anxiogènes : cortège lent et appuyé vers un psyché-noise imbibé de noires terreurs, gong aux harmonies putrides surgissant d’une gangue sableuse et détrempée… La noirceur trouve trône. Dans un tel contexte, l’orgue Hammond étonne puis convainc. On aura prévenu : gare aux oreilles.
Azeotrop, Felix Profos
Bock (extraits)
Azeotrop, Felix Profos : Bock (Deszpot)
Enregistrement : 2011. Edition : 2013.
CD / LP : 01/Horn 02/Marsch 03/Fieber 04/Bann 05/Ritt 06/Mühle 07/Gong 08/Loch 09/Dresden 10/Pupillenschmerz
Luc Bouquet © Le son du grisli
Plus bruyant que le souvenir qu’on en gardait, Steamboat Switzerland (Dominik Blum, Marino Pliakas et Lucas Niggli), trio ici augmenté, démontre en concert, sur des compositions de Mark Kilchenmann, d’une esthétique changeante. Plus ou moins convaincante, celle-ci, selon qu’orgue et guitares rivalisent de lourdeur avec les frappes vigoureuses ou que les saxophones (d’autres invités ayant rejoint le trio) relativisent l’emportement de rigueur et la folie « progressive » (belle marche noire en seconde plage).
Steamboat Switzerland Extended, Mark Kilchenmann : Sederunt Principes (D.B. Waves, 2013)
Enregistrement : 5 février 2012. Edition : 2013.
CD : Sederunt Principes
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Steamboat Switzerland : Zone 2 (Grob, 2007)
Lucas Niggli (batteur entendu auprès de Jacques Demierre ou Pierre Favre, et aussi à la tête de sa propre formation : Zoom), Dominik Blum (piano) et Marino Pliakas (basse), forment le trio Steamboat Zwitzerland, dont Zone 2 est le cinquième album.
Pièce d’improvisation érudite et réussie, Zone 2 impose un feedback changeant à toutes interventions acoustiques : cordes tendues du piano et tremblement des aigus, emportements collectifs découpés en mouvements d’alertes, soutien infaillible de Niggli sur batterie réduite. Les arpèges d’une guitare sèche, soudain, signent la fin des efforts de vitesse, qui laissent toute la place à une nappe grave et roulante, presque endormie, chape de musique électroacoustique accablante, qui renferme le souvenir de l’expérience radieuse.
Steamboat Switzerland : Zone 2 (Grob)
Edition : 2007.
CD : 01/ Zone 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli