Jimmy Halperin, Dominic Duval : Changing Tranes (CIMP, 2012)
Un an après Music of John Coltrane (NoBusiness) mais sans Brian Willson, Jimmy Halperin et Dominic Duval retrouvent le repertoire de John Coltrane, période Atlantic.
Bonne conseillère, l’intimité du duo offre aux thèmes de Coltrane une fraîcheur bienvenue et désagrège le drama coltranien au profit d’une conversation étendue. D’une robuste contrebasse et d’un saxophone faussement timide, l’une et l’autre en plein cœur (Lazy Bird, Like Sonny) ou en périphérie des thèmes de Coltrane (Changes on Spiral, Central Park West Changes), émergent vivacité et implication, générosité et légèreté. Un délestage en quelque sorte.
Jimmy Halperin, Dominic Duval : Changing Tranes (CIMP)
Enregistrement : 2009. Edition : 2012.
CD : 01/ Changes on Spiral 02/ Lazy Bird 03/ For Heaven’s Sake Variations 04/ Syeeda’s Song Flute 05/ Central Park West Changes 06/ Countdown 07/ G.S. 3/4 08/ Moment’s Notice 09/ Like Sonny
Luc Bouquet © Le son du grisli
Dominic Duval, Jimmy Halperin, Brian Willson : Music of John Coltrane (NoBusiness, 2010)
Après avoir célébré ensemble le répertoire de Thelonious Monk, Jimmy Halperin (saxophone ténor) et Dominic Duval (contrebasse) investissent en compagnie de Brian Willson (batterie) le répertoire de John Coltrane (johncoltrane).
Avec une distance élégante, Halperin envisage d’abord Giant Steps sur le swing las décidé par ses partenaires : l’évocation est loyale, l’invention de Duval nette et l’implication de Willson mince. Pour faire prendre quelques « risques » au trio, Duval devra ainsi multiplier précipitations voire ruades : Moments Notice y gagne et Living Space en échange ses soucis de révérence contre une impétuosité bienvenue.
A mi-parcours, constater un retour aux premiers démons : clins d’œil d’usage au thème, intensité aléatoire voire plate récitation de l’air (Naima). Honnête mais trop sage peut-être ; probe seulement.
Dominic Duval, Jimmy Halperin, Brian Willson : Music of John Coltrane (NoBusiness)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Giant Steps 02/ Moments Notice 03/ Living Space 04/ Sveeda’s Song Flute 05/ Naima 06/ A Love Supreme (Pursuance)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Frank Gratkowski, Hamid Drake, Commitment, Cecil Taylor, Rudresh Mahanthappa, Marty Ehrlich, William Parker
Frank Gratkowski, Hamid Drake : s/t (Valid, 2010)
Quatre improvisations signées Frank Gratkoswki (saxophones, clarinettes) et Hamid Drake (batterie). D’une instabilité travaillée, le premier peut d’abord faire passer le second pour un conservateur agissant. Mais bientôt, c’est le second que l’on remercie de ne pas donner dans la surenchère au contact d’un premier faisant maintenant figure de féticheur sans grandes idées.
Commitment : The Complete Recordings 1981/1983 (NoBusiness, 2010)
Faisant beaucoup pour les archives William Parker, le label NoBusiness saluait hier l’implication du contrebassiste en Muntu et aujourd’hui son travail en Commitment – là, trois partenaires : Will Connell (flûte, saxophone alto et clarinette basse), Jason Kao Hwang (violon) et Takeshi Zen Matsuura (batterie). En studio à New York ou en concert en Allemagne, entendre le quartette passer de free bop vaillant en morceaux d’atmosphères quelques fois factices. Document nécessaire à tout amateur de Parker, ce double-disque en est un autre qui célèbre l’invention exacerbée de Hwang.
Dominic Duval, Cecil Taylor : The Last Dance (Cadence Jazz, 2009)
En deux disques, The Last Dance revient sur une rencontre datant de 2003 : celle de Cecil Taylor et de Dominic Duval au San Francisco Jazz Festival. Sur le premier disque, malgré quelques moments d’interaction louable, Duval semble courir derrière Taylor et, par moment même, perdu parmi les clusters. Sur le second, les deux hommes parviennent à s’entendre en combinant graves anguleux et grincements d’archet pour ne plus créer ensuite qu’avec une ferveur irrésistible.
Rudresh Mahanthappa, Bunky Green : Apex (Pi, 2010)
Après Steve Lehman, c’est au tour de Bunky Green de jouer l’alter-alto de Rudresh Mahanthappa. Sur Apex, l’association – portée par une section rythmique composée de Jason Moran (piano), François Moutin (contrebasse) et Jack DeJohnette ou Damion Reid (batterie) – respecte tous les codes : ici ceux d’un free de bon ton, là ceux d’une ballade mièvre, ailleurs ceux d’un post bop inutile. D’unissons en entrelacs, Mahanthappa et Green peinent à se montrer à la hauteur : des promesses du premier et de l’histoire du second.
Marty Ehrlich : Fables (Tzadik, 2010)
En conteur de Fables, le clarinettiste Marty Ehrlich donne dans la mélodie mélancolique. Servi par des orchestrations au moins originales, le disque consigne l’existence d’une musique de chambre lorgnant du côté de la bande-originale de film. Non pas désagréable mais sage quand ce n’est pas mielleux.
Tommy Meier : The Master and the Rain (Intakt, 2010)
En 2007, sortait sur Intakt le mièvre Root Down. Trois ans plus tard, au tour de The Master and the Rain, disque composé d’extraits de concerts qui prouve que Tommy Meier (saxophone ténor, clarinette basse) pouvait faire mieux. En grand orchestre – présences d’Irène Schweizer, Russ Johnson, Co Streiff ou encore Trixa Arnold aux tourne-disques –, il s’inspire d’Andrew Hill, Femi Kuti ou Chris McGregor, pour édifier des pièces hétéroclites qui sont, au choix : intelligentes, maladroites ou indigestes.
William Parker : Uncle Joe’s Spirit House (AUM Fidelity, 2010)
Où l’on retrouve William Parker à la tête d’un « organ quartet » dans lequel Cooper-Moore est à l’orgue, Darryl Foster au saxophone ténor et Gerald Cleaver à la batterie. Où l’on s’ennuie ferme, aussi, au son d’une soul sans grande identité qui laisse peu de place au savoir-faire des musiciens. Pour le son de Foster, peut-être ?
Ivo Perelman, Rosie Hertlein, Dominic Duval : Near to the Wild Heart (Not Two, 2010)
Sur Near to the Wild Heart, trouver Ivo Perelman face à d’autres cordes encore, et qu’il connaît bien : celles de Rosie Hertlein (violon) et Dominic Duval (contrebasse).
N’intervenant qu’au ténor, Perelman commande des improvisations au développement patient dont la ferveur commune aux trois musiciens finit toujours par s’emparer. Pour établir les contrastes nécessaires aux huit pièces que l’on trouve sur le disque, le saxophoniste organise ici un virulent concours d’aigus, gronde là sur les remous nés de l’agitation d’archets fantasques ou sonne ailleurs le départ d’une récréation musicale qui prendra des airs de musique de chambre dérangée. Si ce n’est en quatrième station – le temps de laquelle une prise de position en faveur des répétitions amène les musiciens à verser dans une rengaine qui n’en finit plus –, Near to the Wild Heart confirme : Perelman, Hertlein et Duval, font bien (et beau) de multiplier les échanges.
Ivo Perelman, Rosie Hertlein, Dominic Duval : Near to the Wild Heart (Not Two / Instant Jazz)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01-08/ Part 1 - Part 8
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Joe McPhee, Dominic Duval, Jay Rosen, Mikolaj Trzaska : Magic (Not Two, 2009)
Enregistré à Cracovie en 2007, Magic devait célébrer la rencontre de Trio-X et de Mikolaj Trzaska mais est allé plus loin que cela : jusqu’à la formation d’un quartette, dit McPhee dans les courtes notes de pochette, qui, pour être né sur la scène de l’Alchemia, porte maintenant le nom de Magic.
Ainsi, ensemble, Joe McPhee (trompette de poche, saxophone ténor), Dominic Duval (contrebasse), Jay Rosen (batterie) et Mikolaj Trzaska (saxophone alto, clarinette basse), cultivent le mystère le long de deux disques d’une musique d’atmosphère en mouvement perpétuel, intense et lasse, volontairement et toujours décousue. Les plages méditatives ne respectent jamais le rythme qu’il arrive à Duval et Rosen de tenter d’imposer (The Magician) – Rosen prendra sa revanche en solo sur I Remember Max, Duval la sienne tout aussi seul sur Contra-Ception – et ne cèdent de quelques pouces de terrain qu’aux propositions d’angoisses faites par Trzaska à l’alto récalcitrant (War Criminal) ou à la clarinette basse traînant ses plaintes obscures (Sex Toys).
Rares sont les moments où McPhee et Trzaska vocifèrent : Turtles Crossing et Live in Alchemia quand même, et puis sur la fin de Return of the Terror, pièce qui révèle la formule juste que les musiciens ont cherchée partout dans la mesure et la virulence contrite : celle d’une improvisation autrement radicale pour avoir mis en valeur le charme de ses inquiétudes.
Joe McPhee, Dominic Duval, Jay Rosen, Mikolaj Trzaska : Magic (Not Two / Instant Jazz)
Enregistrement : 2007. Edition : 2009.
CD1 : 01/ The Magician 02/ War Criminals 03/ Sex Toys 04/ I Remember Max - CD2 : 01/ Return of the Terror : 02/ Contra-Ception 03/ Political Striper 04/ Turtles Crossing 05/ A Night in Alchemia 06/ Transaction
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Charles Gayle : Our Souls (NoBusiness, 2009)
En juin 2008, Charles Gayle donnait un concert à Vilnius en compagnie de Dominic Duval (contrebasse) et Arkadijus Gotesmanas (percussions) sur invitation de ce dernier, concert reproduit aujourd’hui sur un 33 tours.
S’il débute au piano, c’est au saxophone alto que Gayle marquera le quart d’heure augmenté d’Hearts Cry, rapprochant sans doute ici plus que jamais ses plaintes hautes de celles d’Albert Ayler, pour laisser sinon à Duval et Gotesmanas tout la place à occuper. Retourné au piano, le musicien s'y accroche cette fois, se répète puis élève une montagne de clusters qui s’affaissera jusqu’à devenir déconstruction turbulente (noter ici la belle présence du batteur, à la hauteur de celles de ses illustres partenaires).
Sur l’autre face, Charles Gayle fait preuve à l’alto d’un swing insaisissable que Duval bouscule au son de pizzicatos houleux : alors, l’hymne de Love Changes tourne en boucle avant qu’un free appuyé éloigne de la moindre note toutes tentations mélodiques. A la section rythmique, ensuite, de s’éprendre de swing sur Compassion, pièce changée en morceau d'abstraction à force de prendre des coups : saxophone et piano l’un après l’autre, et comme du fond de la salle, pas fatigués d’en avoir déjà donné beaucoup. Ainsi va Our Souls, qui redit qu’on entend jamais mieux Charles Gayle que véhément et en trio.
Charles Gayle : Our Souls, Live in Vilnius (Nobusiness Records / Instant Jazz)
Enregistrement : 20 juin 2008. Edition : 2009.
LP : A1/ Heart Cry A2/ The Flood B1/ Love Changes B2/ Compassion B3/ Our Souls
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Perelman, Duval, Willson : Mind Games (Leo, 2009)
Pour obtenir Mind Games, il aura fallu ajouter à la paire Ivo Perelman / Dominic Duval le percussionniste Brian Willson qui perdra un L dans la bataille après avoir tonné en ouverture.
Convaincu, Perelman gronde alors lui aussi sur un free rêche dans lequel s’engouffre le trio. Jusque-là, satisfaisant mais attendu, et puis : les premières notes de Musical Line, presque Lonely Woman aux graves chaleureux et à la verve commune allant crescendo, le saxophoniste accrochant haut – bien maintenu par ses partenaires – chacune de ses plaintes avant de s’en tenir à une note tremblée.
Confirmant l’inspiration du trio, Grateful for Life (ne jamais croire au poids de l’intitulé) dépose quant à elle quatre notes principales sur un swing qui fera valser les protagonistes : rengaine insistante aux différentes allures qui n’arrivent pas à perdre l’auditeur, mais l’obsèdent au contraire au point qu’il aura du mal à cesser de réclamer qu’elle revienne une dernière fois. Une fin plus conventionnelle (grand solo de Willson et puis nouveaux emportements), qui prône l’accalmie en regrettant le tumulte.
Ivo Perelman, Dominic Duval, Brian Willson : Mind Games (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Mind Games 02/ Primal Defense 03/ Musical Line 04/ Grateful for Life 05/ G.S. Farewelll
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ivo Perelman, Dominic Duval : New Beginnings (CJR, 2009)
S’ils affichaient leurs intentions et prônaient ici un nouveau départ, Ivo Perelman et Dominic Duval profitaient aussi – en concert à Philadelphia en 2007 – d’une expérience et d’une intimité qui aide.
En conséquence, New Beginnings rappelle les anciens échanges du duo comme il offre en effet un peu d’inédit : hésitant d’abord, le saxophoniste reprend à son compte la démarche passablement assurée des pizzicatos de Duval, s’en sert pour avancer avant que le contrebassiste agisse plus vigoureusement. A contre-courant, Ivo Perelman doit maintenant tout faire pour éloigner le spectre de la déroute, et se montre dans cet exercice plus fascinant encore.
Plus loin, et seul, il extrait de l’intérieur de son ténor une mélodie inattendue : quelques accrocs et quelques emportements, la dissolution ensuite lorsqu’il vagabonde dans le même temps qu'il fait croire que c'est à l'élaboration d'une danse subtile qu'il travaille. Après avoir cité Giant Steps, il renonce et commande à Duval une autre altercation : d’autres notes graves auxquelles Perelman feindra de ne pas faire attention, avant la charge ultime, impressionnante : autre fin pour New Beginnings.
Ivo Perelman, Dominic Duval : New Beginnings (Cadence Jazz Records)
Enregistrement : 20 novembre 2007. Edition : 2009.
CD : 01/ New Beginnings Part 1 02/ New Beginnings Part 2 03/ New Begginings Part 3
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Trio X : Live in Vilnius (No Business, 2008)
Enregistré en mars 2006, voici Live in Vilnius transposé sur deux trente-trois tours allant à la vitesse de quarante-cinq. La rareté de la chose épouse ainsi l’entente intacte de Joe McPhee, Dominic Duval et Jay Rosen.
Au gré d’improvisations, de compositions que les membres du trio se partagent, et d’airs de diverses natures (puisque signés Ornette Coleman, Thelonious Monk, Billie Holiday, Richard Rodgers ou Anton Dvorak), Trio X déploie d’autres preuves d’un jeu intense mis au service de grandes relectures (My Funny Valentine aux sources de Valentines in a Fog of War, God Bless The Child), donc, et de passion dévorant le corps même des instruments (exaltations de McPhee sur Lonely Woman et Law Years, archet décadent de Duval sur Memories of the Dream Book).
Après avoir donné déjà une convaincante lecture d’Evidence, les musiciens en reviennent à Monk : Blue Monk éraillé mais en démontrant en guise de conclusion d’un concert d’exception aujourd’hui retenu sur les cinq cents exemplaires de Live in Vilnius.
Trio X : Live in Vilnius (No Business)
Enregistrement : 27 mars 2006. Edition : 2008.
LP : A.01/ Visions of War, Valentines in a Fog of War A.02/ Going Home B.01/ Dance of Our Fathers, Lonely Woman, Law years C.01/ Smiles for Samuel, The Basic Principles, God Bless The Child D.01/ For Don Cherry, Memories of the Dream Book, In Our Sweet Way D.02/ My Soul Cries Out, Blue Monk
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dominic Duval, Jimmy Halperin: Monk Dreams (NoBusiness - 2009)
Enregistré à la même époque que Monkinus, Monk Dreams retient d’autres versions de compositions de Thelonious Monk signées Jimmy Halperin et Dominic Duval.
Avec toujours la même subtilité, le saxophoniste et le contrebassiste se réapproprient les thèmes choisis, qui, selon leurs humeurs changeantes, diffèrent : unissons à la progression larvée de Brilliant Corners ou Evidence (Halperin, préférant là le soprano au ténor, évoquant forcément Steve Lacy en introduction), mélodies dissoutes de concert (Monk’s Dream) ou rendues plutôt avec délicatesse (Ruby, My Dear), improvisations licencieuses après la déposition du thème (Off Minor, Blue Monk).
Sans jamais jouer la redite, Monk Dreams gagne le statut d’ouvrage complémentaire à Monkinus, et, sur certains points (la qualité de l’enregistrement, notamment), le surpasse effrontément.
CD: 01/ Brilliant Corners 02/ Off Minor 03/ Epistrophy 04/ Monk's Dream 05/ Trinkle, Tinkle 06/ Evidence 07/ Bye-Ya 08/ Criss Cross 09/ Blue Monk 10/ Ruby, My Dear 11/ Brilliant Corners (alternative track) >>> Dominic Duval, Jimmy Halperin - Monk Dreams - 2009 - NoBusiness. Distribution T. Verstraete.
Dominic Duval déjà sur grisli
Songs for Krakow (Not Two - 2007)
Monkinus (Cimp - 2006)
Rules of Engagement, Vol. 2 (Drimala - 2003)
Interview