John Zorn : The Satyr’s Play / Cerberus (Tzadik, 2011)
L’enregistrement débute au son d’un fouet qui claque. Que l’on aimerait voir, de lui-même, se retourner contre John Zorn. Le geste et ses conséquences auraient sans doute plus d’allure que ces pièces pour percussions et inserts interprétées par Cyro Baptista et Kenny Wollesen (Visions of Dionysus) et cette composition d’un pompier terne (Cerberus) pour laquelle Peter Evans (trompette), David Taylor (trombone basse) et Marcus Rojas (tuba) ne peuvent pas grand-chose.
Ainsi donc, Visions of Dionysus fait défiler des percussions de toutes origines parfois passées en machines mais fait croire qu'il met bout à bout des éléments de rythme sortis d’un quelconque logiciel home-studio. Des monstres à cornes et sabots, mais nulle âme qui vive, et le toc partout. Seconde composition, Cerberus aurait pu tirer profit de la comparaison. Mais son lyrisme est vain, et même agaçant. Une hypothèse : Zorn aurait écrit une pièce de musique qu’il aurait aimé que le trio convoqué improvise ; quitte à ne pas faire confiance, l'improviser lui-même était envisageable s’il s’agissait simplement d’augmenter sa discographie d’un autre (non pas nouveau, seulement énième) disque creux.
John Zorn : The Satyr’s Play / Cerberus (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01-08/ Visions of Dionysus : Ode I-VIII 09/ Cerberus
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Steve Swell - David Taylor Quartet: Double Diploid (CIMP - 2006)
Sur Double Diploid, les trombonistes Steve Swell et David Taylor font face à deux générations de percussionnistes inspirés: Warren Smith (ancien partenaire de Max Roach et Sam Rivers) et Chad Taylor (Chicago Underground). Le temps de huit morceaux prudents et profonds.
Partis sur l’unisson des trombones et les combinaisons graves d’un balafon (Geological Time Line), les musiciens adoptent régulièrement des postures labellisées A.A.C.M. – swing roulant des mécaniques et interventions décoratives des percussions (Cessation of Your Expectation, Double Diploid) – ou adressent quelques clins d’œil à la musique de Dolphy ou de Tony Williams lorsqu’ils évoluent auprès d’un vibraphone (Aural Evidence…).
Amusés de distendre leur discours, Swell et Taylor anéantissent tout espoir qu’ont leurs partenaires d’imposer un rythme constant (Aural Evidence…, But You), avant que les percussionnistes puissent prendre leur revanche sur Fire of Breath ou For Oumou, With Love, pièces emportées par une fièvre ambulante.
Mesuré et audacieux, lâche et opiniâtre, le quartette aura réuni sur Double Diploid quelques espoirs urbains et des souvenirs d’Afrique, revenant par là même à l’essence d’un jazz débarrassé de tout artifice.
CD: 01/ Geological Time Line 02/ Aural Evidence Expressed Within The Narrow Space of Now 03/ Buy You 04/ Cessation of Your Expectation 05/ For Oumou, With Love 06/ Double Diploid 07/ Fire of Breath 08/ False Stung Saddle
Steve Swell - David Taylor Quartet - Double Diploid - 2006 - CIMP.
Paul Smoker: Brass Reality (Nine Winds - 2001)
De l’importance des cuivres et de leurs emportements ravageurs, les brass bands ont souvent donné des preuves. Souvent efficace, pour peu qu’elle soit provoquée par d’excellents musiciens, une rencontre de trompettes, trombones et tubas, n’en est pas pour autant inapte à la diversité.
C’est le constat du trompettiste Paul Smoker, qui, d’un solo de phrases inspirées (Solo Prelude) indique le chemin que devra suivre sa Brass Reality. Terminées, les envolées soutenues de graves impénitents et les hachures rythmiques collégiales, l’alternative est là, qui fait la part belle à un capharnaüm de répétitions et d’interférences (Fractals, Part 1), ou qui instaure une tension sous-jacente maître des développements (Fanfare & Procession).
Imprécateur patient, le percussionniste Phil Haynes accompagne élégamment l’entrelacement de cercles formés par les tubes, ou l’interprétation de canons déroutants, dans une cacophonie jubilatoire en équilibre (Waltz). Plus loin, il invite superbement les cuivres à tisser à l’unisson un au revoir réconfortant (Coda : Brass Reality).
De son côté, l’initié David Taylor fait de ses interventions au trombone des appels à la démesure. Sur un développement oscillatoire, il organise des funérailles d’un clinquant mexicain, et tournées vers l’espoir (Alice’s Legacy). Ou comment trouver le réconfort dans des essais mélodiques trompe(tte) la mort.
Car la grande qualité du quartet est de se moquer : du tiers de ton comme du quart, et de l’habitude contrariante des rassemblements de cuivres. Se plaisant à jouer des courts-circuits (Harmon City), Paul Smoker pousse, avec Brass Reality, la malice jusqu’à tout faire disjoncter.
CD: 01/ Solo Prelude 02/ Fractals, Part 1 03/ Waltz 04/ Fanfare & Procession 05/ Harmon City 06/ Phil's Blues 07/ Alice's Legacy 08/ Fractals Part 2 09/ Coda : Brass Reality
Paul Smoker - Brass Reality - 2001 - Nine Winds. Import.