Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Labfield : Bucket of Songs (Hubro, 2015)

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Derrière Labfield, dont c’est le troisième CD, il y a trois musiciens connus de nos fidèles (que j’imagine infidèles de temps à autre) lecteurs : David Stackenäs (guitare), Giuseppe Ielasi (guitare, electronics) et Ingar Zach (percussions). Ce qui devrait suffire aux présentations !

Ce qui surprendra par contre peut-être comme moi nos infidèles lecteurs, c’est ce seau (cette pelletée ?) de chansons (qui démarrent ceci étant par des belles cordes gonflantes) qui en appelle de temps en temps à l'aide d'une invitée, Mariam Wallentin – note : la voix a été posée en 2013 sur des enregistrements datés de 2000, 2011 et 2013. Question style, le trio part dans tous les sens : ambiances électrogènes, joutes pseudo-africaines à la Hebden-Reid, néo-folk expérimental, balladisme à couronnes de fleurs…

Ce qui surprendra encore plus c’est que malgré sa diversité le CD fatigue bien vite avant de nous rebuter rien-que-ça. L’apothéose dans ce médiator qui égrène mollement une guitare folk sous des vocalises chagrines. Preuve que le format chanson n’est pas toujours bon conseiller.

Labfield : Bucket of Songs (Hubro)
Enregistrement : 2009-2013. Edition : 2015.
CD / LP / DL : 01/ Ragged Line Reversed 02/ Page 55 03/ Temporary Reasons 04/ Bucket of Songs 05/ Intensive Course in Bad Manners 06/ The Boy Who Never Remembered to Forget 07/ Straight A’s In Constant Sorrow 08/ Members Crossed 09/ Last Passacaglia
Pierre Cécile © Le son du grisli



Fire!, Oren Ambarchi : In Your Mouth - A Hand / Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon, 2012/2013)

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L’amateur de crochets et d'anicroches trouvera là son compte : In the Mouth – A Hand est ce récit de coups portés par Fire! à un invité de marque : Oren Ambarchi.

Alors que la rencontre du trio et de Jim O’Rourke (Released! / Unreleased?) avait accouché de ballades expérimentales, mornes mais néanmoins inventives, In the Mouth – A Hand joue de basses et de rythmes soutenus qui enjoignent Gustafsson et Ambarchi à faire respectivement œuvre de cris rentrés et de cordes envisagées au poing – parfois le coup est maladroit, la gesticulation manque son but, alors le moulinet tourne à vide et l’exercice tient de l’entraînement longuet. Mais dans son ensemble, le disque se montre digne d’intérêt : faite de nœuds inextricables, la musique qu’il délivre trouve dans son endurance même la raison de son entêtement.

Fire!, Oren Ambarchi : In the Mouth – A Hand (Rune Grammofon)
Enregistrement : 28 octobre 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A Man Who Might Have Been Screaming 02/ And The Stories Will Flood Your Satisfaction (With Terror) 03/ He Wants To Sleep In A Dream (He Keeps In His Head) 04/ Possibly She Was One, Or Had Been One Before (Brew Dog)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013

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Au son de compositions de Gustafsson, Berthling et Werllin et sur des paroles d’Arnold de Boer, Fire! s’est fait grand orchestre. Enregistré le 13 janvier 2012, une trentaine de musiciens (dont Magnus Broo, Per-Ake Holmlander, David Stackenäs, Sten Sandell, Joel Grip ou Raymond Strid) s’y bousculaient de concert. Déclamant, Mariam Wallentin, Emil Swanangen et Sofia Jernberg, mènent la formation de ronde affolée en berceuse inquiète et de free folk en post-rock prog, obtiennent grâce après supplique : Fire!, stay with me.

Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon)
Enregistrement :13 janvier 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Exit! Part One 02/ Exit! Part Two
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013


Karl Naegelen, Eve Risser, Joris Rühl : Fenêtre ovale / The New Songs : A Nest at the Junction of Paths (Umlaut, 2011)

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Karl Naegelen est compositeur. Chercher de nouvelles sonorités, épouser l’illusion sonore, sont au centre de ses recherches. Eve Risser et Joris Rühl sont improvisateurs. La première est pianiste, le second clarinettiste. Tous les trois se sont associés pour cette Fenêtre ovale. Le piano trouva sur son chemin quelques nouvelles préparations : un gros aimant, un vibromasseur, une brosse, du tissu, une perle. La clarinette eut pour partenaire une bassine et une balle rebondissante. Une fois trouvée la notation musicale (signes et pictogrammes), ils fixèrent la forme musicale en n’oubliant pas leur passé d’improvisateurs.

Et les voici maintenant en reconnaissance de cette étrange partition. Et à étrange partition, étrange musique : du bois et des rythmes, des reflets, un unisson, des craquements, des frottements, des accords sourds, des souffles, des obsessions rentrées, un minimalisme statique. Un nouvel alphabet de l’étrange et du pénétrant. Passionnant.

Karl Naegelen, Eve Risser, Joris Rühl : Fenêtre ovale (Umlaut / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2011.
CD : 01/ In aquam 02/ Fenêtre ovale 03/ Rondo 04/ Kroum 05/ Tremuli 06/ Etude 1 07/ Iter 08/ Ernst 09/ Khen  10/ Etude 2 11/ Variation sur Ernst 12/ Ombak 13/ Tk
Luc Bouquet © Le son du grisli

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Au son de compositions signées Eve Risser ou Sofia Jernberg, se meut The New Songs, groupe que composent avec la paire de dames les guitaristes David Stäckenas et Kim Myhr. Faisant fi de quatre talents (pour certains : plusieurs fois) remarqués, la préciosité de l’affaire vire souvent au sérieux quand se mesurent déjà le lyrisme importun de Jernberg et la stérilité des inventions sur instruments préparés. De quoi répondre aux attentes de l’étiquette MFA (Musique française d’aujourd’hui),  qui accouche ici d’un autre disque creux.

The New Songs : A Nest at the Junction of Paths (Umlaut)
Enregistrement : 2011. Edition : 2011.
CD : : 01/ Je suis l'épine d'un pin 02/ Reality had a Little Weight 03/ Un carreau blanc 04/ Puff 05/ Fil 1 06/ The Hill
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Creative Sources Expéditives : Christmann, Frangenheim, Leimgruber, Stackenäs, Rodrigues, Alipio C Neto, John Berndt...

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Günter Christmann, Alexander Frangenheim, Elke Schipper : Core (Creative Sources, 2010). Cette session de janvier 2010, dans un studio berlinois, regroupe des musiciens qui se fréquentent depuis des lustres (par exemple dans le cadre des projets conduits par Christmann sous l’intitulé Vario) ; les quinze instantanés délivrés ici sont autant d’occasions de mesurer l’intime proximité du tromboniste & violoncelliste, du contrebassiste et de la vocaliste. Ces pièces, comme des noyaux d’activité, retiennent par leur qualité de concentration et de projection pétillante, bien que la théâtralisation du travail vocal (mais finalement, ni Minton ni Schürch – deux partenaires de GC – n’y échappent…) ait ses limites. Un enregistrement qui, dans cet idiome identifié, historique, est une réussite.

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Urs Leimgruber, Ulrich Phillipp, Nils Gerold : Hin (Creative Sources, 2010). Disposés de part et d’autre de la belle contrebasse de Phillipp, les deux souffleurs (saxophones soprano & ténor ; flûte & piccolo), s’ébattent en agiles dentelliers, grinçant à l’occasion, venant régulièrement refourbir pelotes et aiguilles dans de petites volières agacées, pépiantes. Est-ce manière de se conforter, de se redynamiser, d’avouer la difficulté à trouver la bonne distance, le bon pouls ? L’archet indique souvent de passionnantes directions : au travail, le trio se cherche, et se trouve parfois.

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David Stackenäs, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Nuno Torres : Wounds of Light (Creative Sources, 2010). La combinaison instrumentale exploitée par cette formation, enregistrée en octobre 2008, est d’une élégante richesse : en une quarantaine de minutes et comme dans un atelier, la belle ingénierie (guitare, alto, violoncelle, saxophone alto) met en branle longerons, rabots, scies lentes, avec une vraie science des dosages et du brouillage des sources – qui peut évoquer, mutatis mutandis, certains travaux de Polwechsel. Un confort rêche, avec ce qu’il faut d’échardes pour rester sur le qui-vive…

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Alipio C Neto, Thelmo Cristovam : Triatoma Infestans (Creative Sources, 2010). Slaps, jeux d’anches et de clefs, étranglements, salive : soit un inventaire – en forme de jungle – établi, dans un espace réverbérant de Recife, par deux saxophonistes bien informés du bestiaire des aérophones (butchero-donediens) des quinze dernières années. Tandis que l’on y cherche une clairière, on s’inquiète de les entendre confondre grouillement (certes généreux… ou bavard) et tension inventive.

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John Berndt : New Logic for Old Saxophones (Creative Sources, 2011). D’un seul saxophone (alternativement un soprano de 1933 et un alto de 1935) dont on reconnaît le cuir des tampons sur la pochette, Berndt tire quinze pièces ou études – avec une belle ascèse, parfois rêveuse, voire lyrique, plus souvent chercheuse, éraillée, fauve – assorties de quelques dédicaces informatives, si ce n’est éclairantes (à Gianni Gebbia, Christine Sehnaoui-Abdelnour, Anthony Braxton). Quant à la « new logic » pour « old saxophones », sa dialectique fait-elle couler un « new wine » en « old bottles » ? Ce serait beaucoup dire, mais les rauques dégustations offertes sont assurément dignes d’intérêt.


Tri-Dim, Jim O'Rourke, Barry Guy : 2 of 2 (Sofa, 2001)

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Compilation d’enregistrements ou projets divers réunis par Tri-Dim afin d’élaborer un deuxième album hybride, 2 of 2 a été confectionné en compagnie de monstres-parrains de choix. Auprès du trio norvégien, donc : Barry Guy et Jim O’Rourke.

Il est malgré tout normal de revenir sur les présentations. Enregistré en concert sans aide extérieure au trio, Håkon Kornstad (anches), David Stackenäs (guitare) et Ingar Zach (percussions) installent en frénétiques un 01 qui mêle assauts et fulgurances sans décoller vraiment. Réunis pour investir ensemble un propos improvisé, ils ne parviennent pas à démontrerici des talents qu’on a pu leur reconnaître ailleurs.

Invité à construire 02 en assemblant à sa guise des parcelles d’enregistrements inédits du trio, Jim O’Rourke impose d’abord des concisions, glisse de longs silences dans les collages. Le grain du saxophone, à peine perceptible, lance une programmation électronique élégante, oscillant au gré des allées et venues de basses sur un bourdon rendu par quelques boucles discrètes. La rencontre avec Barry Guy s’est tenue, elle, au Molde Jazz Festival. En retrait sur l’ouverture de 03, l’archet du contrebassiste ne tarde pourtant pas à abandonner un phrasé introspectif pour donner à entendre un amas féroce et irrésistible, soutenu intelligemment par la guitare et les percussions. Les pizzicatos chassent ensuite l’archet décadent et décident d’un calme indigne de confiance. Insufflant l’essentiel de la substance de 04, qui reprend le chaos là où le quartette l’avait laissé, Guy impose le retour à l’ordre et au calme afin d’envisager au mieux la conclusion.

Voici donc installés, sur 2 of 2, trois univers différents aux ramifications se chevauchant parfois. Aperçu des formes que peut épouser l’improvisation, enregistrée sur le vif ou travaillée ensuite. Et de l’influence de superviseurs choisis sur la qualité de l’œuvre.

Tri-Dim, Jim O'Rourke, Barry Guy : 2 of 2 (Sofa)
Edition : 2001.
CD : 01/ 01 02/ 02 03/ 03 04/ 04
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Sten Sandell, David Stackenäs : Gubbröra (Psi - 2004)

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Deux musiciens suédois se faisaient face, ce 3 mai 2004, au Conway Hall de Londres, à l’occasion du festival Freedom of the City. Le pianiste Sten Sandell, d’une part, et le guitariste David Stackenäs, de l’autre. Un duo d’improvisateurs, donc, que viendra rejoindre, après deux pièces exécutées, le trio d’Evan Parker, par ailleurs patron du label Psi.

Sur un déroulement éthéré de nappes électroniques, Jansson's Temptation (part 1) installe un dialogue piano / guitare. Le premier digresse, individuel, quand la seconde tente d’imposer ses rythmes, y parvenant quelque fois. Evolution d’une montée en puissance annoncée, le mouvement suit la violence des attaques de Sten Sandell, qu’il accompagne de sa voix sifflante, pour enfin avaler le morceau à lui seul à force de basses de fin du monde.

Phénix autoproclamé, la guitare introduit Jansson’s Temptation (part 2), au moyen d’accords dissonants, d’égrenages rapides de notes opposées par les pauses dont Stackenäs sait tirer parties. S’attaquant aux tirants, rugueux et acharné, il persuade bientôt le pianiste de l’utilité de le rejoindre. Celui-ci répond d’abord rythmiquement, percussionniste sur piano, avant de mêler ses notes fantasques à la plainte d’une alarme et de sifflets programmés. Un solo en remplace un autre, et Sandell conclut, une fois encore en graves, sobres et questionnant les interférences.

Maintenant aux côtés d’Evan Parker, Barry Guy et Paul Lytton, le duo démontre en quintette ce qu’est la maîtrise en improvisation. Gubbröra ne laisse rien échapper. D’envolées lyriques et déjantées en instants d’accalmie, les cinq musiciens s’entendent à la perfection. Parker, radical, avance en roue libre, tandis que les percussions de Paul Lytton enrobent les cercles convulsifs de la guitare de Stackenäs. Sandell, lui, provoque des avalanches d’aigus, et cède un peu de son statut de meneur au duo Lytton / Guy, qui appelle à la fuite, sème distances et doutes tout en recadrant régulièrement l’effort collectif.

Musique instantanée, aussi inaliénable qu’une topographie des mouvements, Gubbröra est plus simplement un double exercice d’improvisation réussi. Que nous conseille Evan Parker, parrain qui sait de quoi il parle, distribuant un avis du genre de ceux qu’on ne peut que suivre, et entendre.

CD: 01/ Jansson's Temptation (part 1) 02/ Jansson’s Temptation (part 2) 03/ Gubbröra

Sten Sandell, David Stackenas - Gubbröra - 2004 - Psi. Distribution Orkhêstra International.


Surd: Live at Glenn Miller Café (Ayler - 2004)

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La tradition des passades culturelles imposées par les secrétariats de rédaction – dont les proies sont le plus souvent des mochetés, mais des mochetés qui ont l’avantage de combler les vides éditoriaux – veut que l’on célèbre actuellement du jazz suédois ses musiciens d’après-guerre et son électro proche du genre. Alors que nous étions prêts à accepter, d’un commun accord, qu’au jazz les Suédois ne comprennent rien, voici qu’Ayler records perturbe nos quasi certitudes.

En juin dernier, convaincu du concert donné par le quartet Surd au Glenn Miller Café de Stockholm, Jan Ström, patron du label, décide d’en tirer un disque qui viendra grossir ses références (Jimmy Lyons, Arthur Doyle, William Parker, etc.). Par là même, il prouve à qui veut bien tendre l’oreille qu’en Suède, comme ailleurs, d’autres musiciens existent que ceux que l’on veut bien nous laisser entendre.

Ouvrant leur prestation par un hommage à Steve Lacy (38), chacun des musiciens de Surd impose rapidement son individualité, et la met au service de l’effort collectif. Pizzicati frénétiques du contrebassiste Filip Augustson, arpèges de guitare à saturation pour David (Sharrock) Stackenäs, acharnement stratégique sur chacun des éléments d’une batterie que Thomas Stronen se plait à désosser. Nordström, enfin, revendiquant à la fois l’influence du free de la seconde génération (Julius Hemphill ou Arthur Blythe) et celle de la pop contemporaine.

Interprètes maladroits d’un blues bancal (Hello Paul), c’est en effet en jouant avec leurs références personnelles que les musiciens convainquent majestueusement. Déployant un jazz envoûté par Portishead (Head P), structurant ses morceaux à la façon de Mogwaï (Bye, Bye Teddy), ou instaurant des boucles de basse rafraîchissantes (Magnum Bonum), Surd refuse néanmoins de juxtaposer les styles et, ainsi, évite à son free jazz de sombrer dans l’amalgame. Pour qu’il n’ait plus qu’à voir avec l’hybride et le désaxé. Implacable.

CD: 01/ 38 02/ 3 6 4 U 03/ Hello Paul 04/ Head P 05/ Bye, Bye Teddy 06/ Magnum Bonum

Surd - Live at Glenn Miller Café - 2004 - Ayler Records. Distribution Orkhêstra International.



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