Frode Gjerstad Expéditives
Frode Gjerstad, Paal Nilssen-Love : Side by Side (CIMP, 2012)
Après Day Before One et Gromka, Frode Gjerstad et Paal Nilssen-Love se retrouvent en duo sur Side by Side, souvenir d’une tournée dans le Nord de l’Amérique datée de 2008. L’enregistrement est celui d’un concert donné au Spirit Room de Rossie : la paire y fut une autre fois efficiente : rapide, âpre, sèche, l’alto s’accrochant au cadre d’une caisse claire ou dérapant sur peaux. La clarinette basse, de prendre plus de place encore, jouant de ses peines ou arborant des sonorités hybrides que la batterie invective avec un panache égale.
Frode Gjerstad Trio : MIR (Circulasione Totale, 2011)
Dans le Frode Gjerstad Trio, le contrebassiste Jon Run Storm a succédé à Øyvind Storesund. MIR revient sur la première rencontre de Gjerstad, Storm et Nilssen-Love, enregistrée au Café MIR à Oslo en septembre 2010. Là, le contrebassiste réussissait à se faire une place entre deux vigueurs complices : les débuts de la nouvelle mouture du trio sont en conséquence féroces.
Frode Gjerstad Trio : East of West (Circulasione Totale, 2011)
9 avril 2011 à Stavanger : à la veille de partir en tournée, le même Frode Gjerstad Trio invente en espérant trouver quelques « trucs » : la prise de son est lointaine mais la verve du saxophoniste, la dextérité de Storm et la frappe de Nilssen-Love relativisent rapidement la chose. Bondissant, l’alto s’appuie en outre sur un duo rythmique qui fait désormais sa source d’inspiration de tout éclatement. A la clarinette, Gjerstad se réserve même un solo qui convainc des bienfaits de l’expression libre et isolée. Circulasione Totale Orchestra : PhilaOslo (Circulasione Totale, 2011)
Dates des concerts donnés par le Circulasione Totale Orchestra à trouver sur ce disque double : 30 janvier 2010 pour Philadelphie, 9 mars 2011 pour Oslo. Ici et là, le grand orchestre de Gjerstad impressionne encore : l’électroacoustique jouant avec les codes de la musique libre et même bruyante (présences de plus en plus affirmées de Lasse Marhaug et John Hegre), le swing corrompu par des élans individualistes (cet air de blues perdu que chante Bobby Bradford à Philadelphie), l’opposition envisagée comme manière de faire lorsque ce n’est pas le tour de la provocation (Anders Hana et Per Zanussi convertissant la musique d’Oslo au tout électrique). Monumental. Calling Signals : From Cafe Sting (Loose Torque, 2011)
Enregistré en 2007 au Café Sting de Stavanger, le Calling Signals de Frode Gjerstad et Nick Stephens était aussi celui d’Eivin Pederssen et de Louis Moholo-Moholo. L’accordéon changeant la donne, l’improvisation fait avec quelques tensions mais presque autant de subtilités. De hauts reliefs en atmosphères nonchalantes, le quartette profite d’ententes ponctuelles : celle de l’accordéon et de la contrebasse sur Rogaland ; celle du saxophone alto et des cymbales sur Trekkspill Blues. De l’enregistrement se dégage un mystère qui en fait une des références de la discographie du groupe. Sekstett : Sekstett (Conrad Sound, 2010)
Dans ce Sekstett, Gjerstad n’intervient qu’aux clarinettes. Ses partenaires ont pour noms Håvard Skaset (guitares), Lene Grenager (violoncelle), Hilde Sofie Tafjord (cor d'harmonie), Børre Mølstad (tuba) et Guro Skumsnes Moe (contrebasse). Enregistrée en 2009, la rencontre est acoustique : les instruments à vent s’y emmêlent tout en s’y accordant, les cordes y glissent des pièges minuscules mais inévitables, et la musique infuse.
Frode Gjerstad Circulasione Totale Orchestra : Bandwidth (Rune Grammofon, 2009)
Lorsqu’on lui demande de présenter Bandwidth, nouvelle référence de la discographie de son Circulasione Orchestra, Frode Gjerstad répond : « Il s’agit de trois concerts donnés à Moers (premier CD), Molde (deuxième CD) et Zurich (troisième CD) qui permettra à ses auditeurs de se faire une idée de ce à quoi nous travaillons en ce moment… Tout est improvisé librement et je crois qu’il y a un lien entre ce que nous faisons et l’Aghartha de Miles Davis et les derniers grands orchestres de Gil Evans. Ainsi, je pense que nous faisons partie d’une grande tradition, ce qui se confirme lorsqu’on s’intéresse dans le détail aux musiciens qui jouent ici. La différence d’âge entre le plus jeune et le plus âgé des musiciens de l’orchestre est de 50 ans, et c’est à la fois important et bon pour la musique : parce que tout le monde en démontre constamment. »*
Dans cet orchestre-là, on trouve en effet le cornettiste Bobby Bradford et le guitariste Anders Hana, les batteurs Louis Moholo, Hamid Drake ou Paal Nilssen-Love, le saxophoniste Sabir Mateen, le vibraphoniste Kevin Norton, le contrebassiste Ingebrigt Håker Flaten ou encore Lasse Marhaug à l’électronique. Sur chacun des trois disques, quatre plages hésitant entre un swing sans cesse remis en cause par une suite d’emportements (Bradford, d’abord, soutenu dans ses provocations par une section de cordes récalcitrantes lorsqu’il ne préfère pas inoculer un peu de blues à l'improvisation), un free prononcé et des monceaux d’électroacoustique nébuleuse.
Dirigeant peut être davantage l’improvisation qu’il conduit l’orchestre, Gjerstad décide avec un aplomb majestueux des reliefs à donner aux paysages sonores traversés par l’ensemble. Rampant pour plus de discrétion ou affirmant avec autant d’acharnement que Brötzmann lorsqu’il animait ses Machine Gun Sessions, le saxophoniste compose avec intelligence, réamorce ses progressions musicales de différentes et toujours belles manières jusqu’à ce que la raison reprenne le dessus : l’orchestre termine sur une répétition timide du vibraphone.
Lorsqu’on lui demande de se souvenir de ces concerts joués au sein du Circulasione Orchestra, Kevin Norton : « J’ai été heureux de revenir à Moers en compagnie de Frode. J’y étais déjà venu avec Fred Frith et Keep the Dog, mais il me semblait que j’avais évolué depuis en tant qu’improvisateur. Je me souviens de l’atmosphère de Moers, des campeurs dans les parcs tout autour de l’endroit du festival, c’était très agréable. J’ai aussi pensé qu’y jouer en compagnie de Frode vaudrait le coup parce que notre travail ensemble est très important pour moi, pour mon développement en tant que chercheur sonore. Il y a certains sons, approaches ou techniques, qui m’ont été révélées en jouant avec Frode. »* Kevin Norton, de conclure ici aussi.
Première des cinq parties d'un concert donné par l'une des incarnations du Circulasione Orchestra à Stavanger en 2008. L'intégrale est à retrouver ici. La chronique d'Open Port là.
Frode Gjerstad Circulasione Orchestra : Bandwidth (Rune Grammofon / Amazon)
Edition : 2009.
CD1 : 01-04/ Yellow Bass & Silver Cornet II (Part 1-4) – CD2 : 01-04/ Yellow Bass & Silver Cornet III (Part 1-4) – CD3 : 01-04/ Dancing in St. Johan IV (Part 1-4)
* Propos de Frode Gjerstad et Kevin Norton recueillis fin novembre 2009.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Circulasione Totale Orchestra : Open Port (Circulasione Totale, 2008)
Sur Open Port, le Circulasione Totale Orchestra – grand ensemble dirigé par Frode Gjerstad et formé de musiciens toujours prêts à en découdre (Sabir Mateen, Bobby Bradford, Louis Moholo-Moholo, Paal Nilssen-Love ou encore Kevin Norton) – redessine les contours de l'orchestre free.
Allant crescendo sur un décorum électronique chargé en éléments perturbateurs dont s'occupe John Hegre, les instruments à vent font d'abord corps avant l'apparition de tentatives individuelles : clarinettes de Mateen et Gjerstad et cornet de Bradford ouvrant une suite infaillible de performances éparses. Revenus à eux, les intervenants adoptent un ton moins vindicatif, pour faire face aux grésillements de fin de parcours, qui emporteront l'ensemble en sublimant la noirceur d'une œuvre totale et réussie.
CD: 01/ Yellow Bass and Silver Cornet (In Memory of Johnny Mbizo Dyani and John Stevens) >>> Circulasione Totale Orchestra - Open Port - 2008 - Circulasione Totale.