Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Christian Wolfarth : Souvenirs (Hiddenbell, 2020)

A l'occasion (et jusqu'à) la parution, à la fin du mois d'avril 2022, de l'anthologie du Son du grisli aux éditions Lenka lente, nous vous offrons une dernière salve de chroniques récentes (et évidemment inédites). Après quoi, ce sera la fermeture. 

christian wolfarth souvenirs

Ce sont deux souvenirs que Christian Wolfarth publie sous étiquette Hiddenbell : celui d’un tambour (Souvenir From A Drum, sur la première face) et celui d’une cymbale (Souvenir From A Cymbal, sur la seconde). Les souvenirs en question datent tous deux de juillet 2019, ont tous deux été enregistrés à Zurich. 

L’occasion pour le percussionniste de désosser une batterie et de faire de deux de ses éléments un instrument à part entière. Ainsi, la caisse claire de la première face se laisse-t-elle approcher de différentes manières : frappée, bien entendue, puis secouée, grattée, frottée… Wolfarth est seul, au début de la pièce, puis plusieurs : c’est le travail de tout un orchestre qu’il abat sur un instrument capable d’y résister.

Avec autant de subtilité, le percussionniste joue de fréquences sur une cymbale capable d’accueillir combien de sonorités en transhumance. Les baguettes ajoutent du relief au paysage, la musique mise au jour gagne en profondeur. C’est que Wolfarth célèbre ici trois ans d’efforts sur caisse claire et sur cymbale, et donne une irrésistible suite à ses Acoustic Solo Percussion.

le son du grisli couv twitter



Rodrigues, Guerreiro, Wolfarth, Gauguet : All About Mimi / Early Reflections (Creative Sources, 2013 / 2014)

ernesto rodrigues ricardo guerreiro christian wolfarth all about mimi

Si le tandem que forment Ernesto Rodrigues (alto, par ailleurs aux commandes du label) et Ricardo Guerreiro (ordinateur) apparaît dans nombre de disques Creative Sources, intégré à de vastes ensembles ou dans des formations moyennes, il est moins fréquent de pouvoir l'écouter en trio, recevant un invité choisi (comme cela se pratiquait, mutatis mutandis, dans les jazz clubs mettant leur « section » locale à disposition du « soliste » voyageur). Dans cette configuration, les superbes Late Summer et Shimosaki de septembre 2012 avec Radu Malfatti avaient de quoi allécher...

En octobre, la même année, Christian Wolfarth (aux seules cymbales) fit lui aussi le voyage de Lisbonne et c'est en studio qu'il s'attela au travail collectif de filage du son : cordes et métaux, frottés arco – du râpeux au fluide soyeux – se couchent et s'imposent, en paysages obstinés (à la manière de ceux dont Nicolas Bouvier a pu dire qu'ils « convainquent absolument à force de répéter la même chose »). A leur surface, Rodrigues ou Guerreiro s'enhardissent à venir déposer de rares accrocs, quelques étincelles, jusqu'à remettre brièvement en cause l'esthétique du strict continuum qui sied tant à Wolfarth. Peut-être cette poétique de basse tension, si l'on ose dire (alors que le chant gagne une belle ampleur au fil de la progression des six pièces), ne recèle-t-elle guère de surprises mais j'y trouve pour ma part une dimension narcotique, qui rend assurément sensible le moindre rehaut ainsi fait relief, articulation ou même clôture...

Ernesto Rodrigues, Ricardo Guerreiro, Christian Wolfarth : All About Mimi (Creative Sources)
Enregistrement : 12 octobre 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ All about Mimi I 02/ All about Mimi II 03/ All about Mimi III 04/ All about Mimi IV 05/ All about Mimi V 06/ All about Mimi VI
Guillaume Tarche © Le son du grisli



ernesto rodrigues ricardo guerreiro bertrant gauguet early reflections

... À l'été 2013, en compagnie du saxophoniste alto Bertrand Gauguet, c'est une nouvelle variation sur les modes d'habiter l'espace (et d'y ménager... des espaces) qui s'invente : moins autarcique, plus ouverte vers l'extérieur et aux « silences », mais sans drame néanmoins, elle joue subtilement des plans, tenant compte de l'environnement (du studio en wood et du lieu de concert en stone) que viennent modeler et modifier chuintements, fuites ou exhalations. Dans leur fine plasticité, et parfois leur nudité, ces gestes impeccablement pensés et posés témoignent d'une acuité d'écoute qui finit par gagner l'auditeur ; les jeux de clapets et de tuyères, les perçantes ondes perchées, les brouillards de fréquences, font délicatement vibrer et osciller les horizons.

Ernesto Rodrigues, Ricardo Guerreiro, Bertrand Gauguet : Early Reflections (Creative Sources)
Enregistrement : 14 juillet 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Wood (studio) 02/ Stone (concert)
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Tell : Tonal - Nagual (Rossbin, 2009)

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Il arrive régulièrement que l’electronics (et les platines) aient tendance à prendre beaucoup de place lors d’une rencontre avec un instrument acoustique. Ou bien le platiniste fait un effort ou bien il oblige son ou ses partenaires à amplifier (c’est le cas de le dire) leur jeu.

Sur Tonal – Nagual, les deux cas existent. Coexistent même : l’électronicien Joke Lanz (Sudden Infant) et le batteur Christian Wolfarth, enregistrés en 2008 à Berlin, cherchent un équilibre et finissent par le trouver. Tell est d’abord un duo de robots un peu gauches dont les grincements et l’enraiement difficile laissent place à une noise à gros grains. Après quoi Tell colle des sons et réalise un cinéma pour l’oreille convenable. Mais quand Tell change son fusil d’épaule, c’est la révélation : Wolfarth extirpe de ses cymbales des ondes sifflantes. Sous les ondes, Lanz évolue en sous-marin. Le batteur peut taper de façon classique sur sa caisse claire et l’électronicien continuer de naviguer en eaux troubles. L’équilibre a été trouvé dans les abysses. Il fallait simplement prendre le temps d’y aller.

Tell : Tonal - Nagual (Rossbin)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ The Eleventh Hour 02/ Little Black Spiders 03/ Virus Infection B-23 04/ Replicant Dance 05/ New Scientists 06/ Angry Young Men 07/ Perverted Perambulation
Pierre Cécile © Le son du grisli

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Ce vendredi 21 octobre, Christian Wolfarth donnera un concert en duo avec Enrico Malatesta à Fresnes-en-Woëvre dans le cadre du festival Densités.


Christian Wolfarth : Acoustic Solo Percussion Vol. 4 (Hiddenbell, 2011)

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Ça y est ! Avec ce nouveau 45-tours (portant les faces G et H du projet), le percussionniste suisse Christian Wolfarth clôt la tétralogie solo qu’il a distillée ces dernières années… et promet la prochaine publication d’un double disque compact reproduisant l’intégralité de la série, accompagnée de remixes réalisés par quelques amis…

Le format privilégié ici a ses avantages : chaque pièce y gagne une indépendance particulière tout en répondant, avers contre revers, à celle qui occupe « l’autre côté ». Ainsi froisse-t-on dans la Cabin n°9 de frémissantes cymbales, peuplées de rythmes, ferroviaires & tibétaines, qui laissent un halo, une traînée d’ondes dans l’air, tandis que, sur Well Educated Society, tout un monde s’élève, dans son espace, son extension, sous la mèche d’un archet rêche, et s’évanouit en un lent fondu. Beau travail !

Christian Wolfarth : Acoustic Solo Percussion Vol. 4 (Hiddenbell / Metamkine)
Edition : 2011.
45 tours : G/ Cabin n°9 H/ Well Educated Society
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Donat Fisch, Christian Wolfarth : Cirle & Line 2 (Leo, 2009)

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Familier du label Leo (avec Momentum ou WWW), Christian Wolfarth (percussion) délivre ici, en compagnie du saxophoniste (alto & ténor) Donat Fisch, dix ans après le disque inaugural du duo chez Unit Records, un enregistrement étonnant – du moins à l’aune des récentes productions du percussionniste…

Travaillant sur des matériaux aussi secs que primordiaux mais calorifiques, les agençant en « danses parlées » (qu’on qualifierait – l’auteur du livret n’a pas tort – d’ornettiennes), souvent entraînantes, parfois sur le fil du lyrisme mais sans solennité, les deux membres de Circle & Line séduisent ! Sans bluff, avec un beau son ouvert, Fisch et ses compositions trouvent en Wolfarth un autre amateur de palette réduite : dans ce contexte, le batteur se montre bondissant sans rien sacrifier de ses fouilles de textures sonores (mates, martelées, cliquetantes, accélérées – de Blackwell à Hauser et au-delà), sobre mais néanmoins parfaitement engagé. D’excellentes interactions chantantes en découlent.

Donat Fisch, Christian Wolfarth : Cirle & Line 2 (Leo Records / Orkhêstra International)
Edition : 2009.
CD : 01/ Stalo 02/ Marias Blues 03/ Merlodie 04/ Für Christian 05/ 15 06/ Desmond 07/ Staka 08/ Besen Besen 09/ Elva
Guillaume Tarche © Le son du grisli



Christian Wolfarth : Acoustic Solo Percussion Vol. 3 (Hiddenbell, 2010)

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Distinguées par les lettres E et F, les faces de ce 45 tours translucide rappellent qu’elles forment, avec celles des deux premiers volumes, une série qu’une quatrième livraison viendra bientôt clore – et ce développement en épisodes, combiné à l’élégance du format, confère un attrait particulier (qui n’éclipse pas les beaux solos de Christian Wolfarth pour Percaso ou for4ears) au polyptique dont on suit l’assemblage…

Frôlant les sept minutes, chaque pièce tire de ses limitations – de durée, de moyens convoqués – assez de substance pour envoûter un auditeur dont l’écoute elle aussi profite de ces conditions. La première face, à l’archet sur deux cymbales, laisse s’élever de beaux mirages sonores dont le puissant vol n’a finalement rien de stationnaire, tandis que l’addition d’une caisse claire donne à la seconde une autre qualité dramaturgique et organique. Pouls secret, patience et suggestion : cet art du frottement (sur quelle lampe merveilleuse ?) a tout du geste magique !

Christian Wolfarth : Acoustic Solo Percussion Vol. 3 (Hiddenbell / Metamkine)
Edition : 2010.
45 tours : E/ Crystal Alien F/ Amber
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Jason Kahn, Günter Müller, Christian Wolfarth : Limmat (Mikroton, 2010)

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Aux neuf instantanés nocturnes et effervescents saisis en 2004 pour Drumming (label Creative sources) répondent aujourd’hui trois longues improvisations gravées en mars 2009 par Jason Kahn (synthétiseur analogique), Günter Müller (ipods, electronics) et Christian Wolfarth (percussions), à Zürich – où coule, précisément, la Limmat qui elle-même reçoit les eaux de la Sihl [le détail est parlant si l’on se souvient que Kahn baptisa de la sorte un de ses disques solo pour l’étiquette Sirr].

La paire Kahn & Müller, lorsqu’elle profite de l’apport cardiaque d’un Möslang (dans mkm_msa, for4ears), peut délivrer un pouls grésillant recommandable sur tout dancefloor destroy, mais l’équilibre est tout autre en présence de l’élégant Wolfarth, non que ce dernier confère une touche plus humaine, concrète ou acoustique à l’instrumentarium électronique de ses comparses, mais il sait « faire levier » – et cela est particulièrement audible dans cet enregistrement – en soulevant couvercles ou cymbales sur de nouvelles ruches vrombissantes. Les pièces y gagnent souvent une belle profondeur de champ, tantôt se développant par phases, avec leurs fragilités (et plus d’hétérogénéité que dans le premier disque du trio), tantôt roulant dans le ciel de menaçants nuages en strates…

D’avantage qu’une simple continuation, Limmat offre à l’auditeur non seulement le plaisir de reconnaître l’univers granuleux qu’a su créer le groupe, mais surtout la satisfaction d’être de nouveau surpris.

Jason Kahn, Günter Müller, Christian Wolfarth : Limmat (Mikroton)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Limmat 1 02/ Limmat 2 03/ Limmat 3
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Enrico Malatesta, Christian Wolfarth : Mirrors (Presto!?, 2010)

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Si l’on connaît bien le travail sensible du percussionniste Christian Wolfarth – auprès de Koch, Korber ou Weber, en duo avec son confrère Michael Vorfeld (pour le label Formed), voire en trio de drummers avec Kahn & Müller (chez Creative Sources et tout dernièrement sur Mikroton) –, celui de son benjamin, le batteur Enrico Malatesta, nous est moins familier… et la fine intrication de timbres des sept pièces brèves offertes ici ne permettra pas à l’auditeur de distinguer nettement le toucher du jeune italien.

Œuvrant, dans cet enregistrement de mai 2009, à l’extension horizontale de leurs kits, au rabotage d’un établi commun, les deux musiciens partagent un sens raffiné de la tectonique : d’un geste toujours assuré, attentif, à plat, ils font sourdre, à force de frottements (archet, cymbales au ras des peaux, mais aussi franches mailloches nourrissant le continuum), de beaux plateaux qui basculent lentement, animés de leur pouls propre, sans emphase ni solennité. En moins de quarante minutes, une réussite d’élégante topographie sonore.


Enrico Malatesta, Christian Wolfarth, 2 (extrait).


Enrico Malatesta, Christian Wolfarth, 5 (extrait). Courtesy of Presto!?.

Enrico Malatesta, Christian Wolfarth : Mirrors (Presto!?)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01-07/ 01-07
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Christian Weber : 3 Suits & A Violin (HatOLOGY, 2006)

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Le contrebassiste Christian Weber – entendu aux côtés d’improvisateurs aussi importants que Peter Kowald, Irène Schweizer, John Butcher, et aujourd’hui membre de WWW – menait en 2002 un quintette pour qui l’improvisation est prétexte à investir avec respect le monde des bruits.

Légers, grésillements et grincements, larsens issus de la guitare de Martin Siewert et interventions sourdes du clarinettiste Hans Koch, défrichent la voie sur laquelle s’engouffrera la seule et véritable menace: celle des pizzicatos répétés de la contrebasse (Pony Music). Glissant le long des cordes, Weber choisit l’archet pour décider ensuite avec Siewert d’une charge électroacoustique plus concrète (Sun Perspectives). Insistant ailleurs encore, sur un amas de buzzs divers décelable malgré les plaintes métalliques élaborées par le batteur Christian Wolfarth sur cymbales (Buzz Aldrin), ou autant que chacun de ses partenaires, qui accompagnent à coups de pratiques instrumentales déviées leur musique jusqu’au limbe (Lone Star). Changeant des mouvements bruitistes et las rencontrés partout, Frogmouth expose différentes formes d’aigus avant d’accueillir une nappe discrète sortie d’un sampler, instable et bientôt bousculée par la virulence du groupe - violoncelliste Michael Moser en tête. Soit, 16 minutes brillantes postées au creux de 33 autres, à l’origine, elles, de microcosmes ravissants.

Christian Weber : 3 Suits & a Violin (HatOLOGY / Harmonia Mundi)
Edition : 2006.
CD :
01/ Pony Music 02/ Sun Perspectives 03/ Buzz Aldrin 04/ Camping Light Night 05/ Frogmouth 06/ Lone Star
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Wintsch, Weber, Wolfarth : WWW (Leo, 2006)

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Habitués des enregistrements Leo Records, le pianiste Michel Wintsch (sideman récurrent de Gerry Hemingway) et le batteur Christian Wolfarth (sideman récurrent de John Wolf Brennan) invitent le contrebassiste Christian Weber à improviser en leur compagnie.

Réfléchi, le trio fait preuve d’élégance et se montre judicieux : dans la mise en pratique d’une musique lente bien que martiale, presque naïve bien qu’instruite (American Fondue) ; dans le recours mesuré au piano préparé, mis bientôt de côté pour offrir toute la place à un cool jazz expérimental fait de grincements et de coups emportés d’archet (Jimmy Buzzard) ; dans le jazz soudain investi par Liquid Music, swing entêtant gonflé de dissonances. Quand Wintsch prend le dessus, Weber et Wolfarth acceptent de suivre la voie d’un gimmick sûr (Buffalo Hat) ou enrobent de leurs trouvailles des arpèges fantasmant un Night In Tunisia sophistiqué (Mushrooms and Umbrella). Ailleurs, le trio peut donner dans la déstructuration, où il se perdra même (les digressions sans âme de Wintsch sur The Latter Half of a Century - seul bémol regrettable).

Sans paraître y toucher, WWW met en pratique une improvisation qui a su prendre du recul pour densifier son inspiration. Jusqu’à faire croire à un répertoire de compositions véritables, nettes et élaborées. Le comble du chic.

Michel Wintsch, Christian Weber, Christian Wolfarth : WWW (Leo Records / Orkhêstra International)
Edition : 2006.
CD : 01/ Near Mint 02/ American Fondue 03/ The Latter Half of a Century 04/ Jimmy Buzzard 05/ Liquid Music 06/ Mushrooms and Umbrella 07/ Sweet Lodge 08/ Buffalo Hat 09/ But Where?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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