Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Michael Esposito : Voice Box (Spectral Electric, 2016)

phantom air waves michael esposito voice box

Le sous-titre de cette Voice Box – en réalité : une clef usb de la forme d’une carte de crédit – dira ce qu’on y trouve : « A Collection of Oddities and Curiosities », issus de travaux signés du Phantom Air Waves de Michael Esposito. Une suite de raretés, à l’image d’In The Silence Of A Watery Grave dont une centaine d’exemplaires furent jadis glissés dans un petit livre et qu’il sera en conséquence impossible de commenter ici.

Rangées dans neuf dossiers qui renferment aussi images et parfois explications, les autres pièces sonores (MP3 et WAV) donnent à entendre Esposito arranger ses EVP seul ou en compagnie d’amis choisis. Certes inégale – le chasseur se contentant parfois d’évaluer sa collection au son d’une ou deux boucles simplistes –, la boîte renferme quelques traitements astucieux qui parviennent à égaler en intérêt les interventions de ses acolytes.

Ainsi, sous la voix de Bryan Lewis Saunders, Esposito dispose-t-il quelques basses profondes qui renferment déjà le code d’un langage singulier ; avec Kommissar Hjuler und Mama Bär, il déforme d’autres prises afin qu’elles épousent le propos d’une surprenante discussion en allemand ; avec Carl Michael von Hausswolff, il adapte ses manières à deux pièces d’une électronique jouant de couches multiples pour mieux rendre hommage à Friedrich Jürgenson, l’une des grandes figures du phénomène de voix électronique. Seul, Esposito peut donner dans un genre expérimental progressif auquel on préférera l’étrange atmosphère de Haunt Of The Athenaeum Codex ou les miaulements répétés de The Barn Witch Familiar, pièce qu’il ne faudra pas oublier de produire quand viendra l’heure du procès en sorcellerie qu'on devra bien lui faire un jour.

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Michael Esposito : Voice Box: A Collection of Oddities and Curiosities
Spectral Electric
Edition : 2016.
MP3 / WAV : 01/ Byan Lewis Saunders & Michael Esposito : S.S. House 02/ Michael Esposito & Kommissar Hjuler und Frau : Der Geist Meiner Mutter 03/ CM von Hausswolff & Michael Esposito : The Ghosts of Effingham 04/ Michael Esposito & Rainier Lericolais : Perdus Et 05/ The Maladjusted of Manteno Asylum : Radical Matters 06/ The Shadow Of Roy Vail's Daughter Walks The Moonlit Harvest 07/ Haunt Of The Athenaeum Codex 08/ In The Silence Of A Watery Grave 09/ Demons Of Independance Day 10/ The Barn Witches' Familiar
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Murmurists : I Am You, Dragging Halo (Zoharum, 2016)

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Derrière (au-dessus de ?) ces voix murmureuses (Pixyblink, Bryan Lewis Saunders, Annie Dee, Anton Mobin…) et ces musiciens au « la 440 » tordu (Paulo Chagas, Mark Browne, Annie Dee encore, Thomas Fernier…) il y a la main d’Anthony Donovan, un multi-instrumentiste qui en a vu d’autres (de multi-instrumentistes) d’autant qu’il lui a fallu deux ans pour nous conter I Am You, Dragging Halo.

Une drôle d’histoire que cette pièce de poésie sonore sur accompagnement d’abstract-noise. Bizarroïde ne pourrait pas dire comme cette pièce est bizzaroïde, au point que même les sons sont méconnaissables ; une abstract-psyché virant noise à vous percer le tympan, un rock-ambient dont les guitares répétitives crachent tout à coup du métal, des collages distroy en phase de reconstruction… C’est un peu tout ça, I Am You, Dragging Halo… Et d’autres choses encore. Même si derrière (ou au-dessus de) ces choses, c'est toujours et surtout... Anthony Donovan.



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Murmurists : I Am You, Dragging Halo
Zoharum
Enregistrement : 2012-2014. Edition : 2016.
CD : 01/ I Am You, Dragging Halo
Pierre Cécile © Le son du grisli


Bryan Lewis Saunders : The Confessor (Stand-Up Tragedy, 2013)

bryan lewis saunders the confessor le son du grisli

Les Autoportraits sous drogues de Bryan Lewis Saunders nous avaient révélé sa figure ; The Confessor nous renseigne aujourd’hui, au gré d’une douzaine de cassettes enfermées (avec leur walkman) dans une mallette, sur ce qu’on y trouve à l’intérieur. C’est, tout de même, onze heures d’écoute qu’il faut prévoir, mais onze heures faciles à morceler puisque chaque face dit la rencontre de Saunders et d’un musicien-ami qu’il a convié à développer un peu son concept de Stream of Unconsiousness.

Sous ce nom, Saunders archive confessions nocturnes (qu’il fait endormi) et autres pollutions sonores. Sous celui de The Confessor, il a réuni des enregistrements enregistrés sur une période de trente jours dans son appartement du John Sevier Center – ancien hôtel transformé en immeuble de logements, que certains disent hanté – de Johnson City, illustrés, interprétés ou transformés par Hopi Torvald, Kommissar Hjuler und Frau, Razen, Classwar Karaoke Friends, Evil Moisture, Wehwalt, Love, Execution Style, Adam Bohman et Adrian Northover, Yoshihiro Kikuchi, Christopher Fleeger, Sinus Buds, Andy Ortmann, Joke Lanz, Elkka Reign et Dylan Nyoukis, Lee Gamble, Carl Michael von Hausswolff, Leif Elggren, John Moloney, Language of Light, Matt Reis, Offerings, Requiem (David Grahams), Hopek Quirin, Fantom Auditory Operations (Michael Esposito) – musiciens que Saunders a d’ailleurs pu produire par le passé sur son label, Stand-Up Tragedy Records.

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Si l’idée est surprenante de confier à autrui pour qu’il se l’approprie un travail autobiographique de la sorte, restait aux invités à faire preuve d’invention, voire à surprendre à leur tour. Or voici qu’à de rares exceptions les exercices confondent. Ainsi la parole de Saunders peut être fondue en atmosphères de trains fantôme gonflées de field recordings, d’evp et de sons tapissant (Torvald, Fleeger, Sinus Buds, Moloney, Fantom Auditory Operations), essorée à force de boucles et/ou de torsions à en devenir méconnaissable et même toujours plus inquiétante (Classwar Karaoke Friends, Ortmann, Gamble, Reis), essuyer assauts défaits et malveillances ciblées (Kikuchi, Nyoukis), investir le domaine musical sur rythmes ou recherches insidieuses (Bohman et Northover, Offerings, Requiem)… Angoissés, paranoïaques, psychotiques, les exercices confondent, disait-on.

Parfois même, ils captivent : lorsque le Kommissar Hjuler et sa belle font la ronde et passent d’élans vocaux contrariés en chansonnettes entêtantes ; quand Evil Moisture fait œuvre de stupéfiant avec un art de la dramaturgie upper class ; quand Razen transporte tous délires en terre lointaine puisqu’autrement imaginaire ; quand Joke Lanz lâche du haut mal toutes les bribes de phrases qu’il a plus tôt attrapées ; lorsque Love, Execution Style compose un collage d’illustrations minuscules, éclatées mais justes toutes ; quand Carl Michael von Hausswolff soumet Saunders à des vents inédits, contraires et expédiant ; quand Language of Light illustre ses hallucinations sur pop minimaliste ; quand Hopek Quirin, à coups de guitares et couteau, augmente d’un bon degré le niveau de claustrophobie ressentie ; enfin, lorsque Leif Elggren (autre fort en rêves) anime un bestiaire en prise directe avec la parole échappée.

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Ainsi, des expériences exploratoires de Bryan Lewis Saunders – interrogation en solitaire du Moi le plus enfoui –, est né un Confessor au message pluriel et proliférant. En plus d'avoir conceptualisé le Stream of Unconsiousness, Saunders aurait donc inventé un onanisme en partage dont il est le premier à profiter.

Bryan Lewis Saunders : The Confessor (Stand-Up Tragedy)
Edition : 2013.
12 K7 (en mallette, avec carte postale, papier à en-tête et walkman) : K7.1 : A/ Hopi Torvald : Replicate B/ Kommissar Hjuler und Frau : Red Bugs - K7.2 : A/ Razen : The Confessor B/ Classwar Karaoke Friends : Pickle All Enemies - K7.3 : A/ Evil Moisture : Cocaine House B/ Wehwalt : Life Is A Runaway Semi-Truck - K7.4 : A/ Love, Execution Style : The Severed Style B/ Adam Bohman, Adrian Northover : Squirrel Party at Sally Fields - K7.5 : A/ Yoshihiro Kikuchi : White Surrealist Nihilismus B/ Christopher Fleeger : Dolphin's Revenge - K7.6 : A/ Sinus Buds : Michael Moore's Snuff Film B/ Andy Ortmann : Torso - K7.7 : A/ Joke Lanz (Sudden Infant) : French Spies B/ Elkka Reign & Dylan Nyoukis : It's Parents Like You That Are Flies on the Horse's Faith - K7.8 : A/ Lee Gamble : Identity Technology - B/ CM von Hausswolff : N2 Collection - K7.9 : A/ Leif Elggren : Double Sleep B/ John Moloney : Pyro - K7.10 : A/ Language of Light : Dream Vacations B/ Matt Reis : Psychodrama - K7.11 : A/ Offerings : Crazy Is Special You Are For One B/ Requiem : The Weaver Box - K7.12 : A/ Hopek Quirin : Your Excellency B/ Fantom Auditory Operations : Whit-Flag-Flagpole
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Voice Studies Expéditives : Aki Onda, Maurizio Bianchi, Bryan Lewis Saunders, Z'EV, Ludo Mich, AG Davis, Sindre Bjerga...

voice studies my dance the skull expéditives

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Sindre Bjerga : Voice Studies 09 (My Dance The Skull, 2012)
Amateur de bruits en tous genres, Sindre Bjerga rassemble sur cette neuvième cassette de la série « Voice Studies » qu’édite le label My Dance The Skull deux performances, données à Moscou (en 2010) et à Stavanger (en 2011). Muni d’un micro et d’un ampli, il met au jour en dadaïste revenu du noise une série d’expérimentations que se disputent airs de fausset et grognements qui, s’ils semblent satisfaire le public, peinent à souffrir la comparaison avec d’autres de ses nombreux travaux (ses collaborations avec Robert Horton, notamment).

écoute le son du grisliSindre Bjerga
Voice Studies 09

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Daniel Spicer : Voice Studies 10 (My Dance The Skull, 2012)
Chroniqueur à Wire, Daniel Spicer rend ici hommage à deux associés du Velvet Underground, Angus Maclise et Henry Flynt, au son d’une poésie musicale en face A (récitant sur les percussions d’Evie Spicer, se pose en héritier de Moondog), plus sonore en face B (faisant d’une courte phrase, « The Diamond Life », un motif capable d’accuser les assauts de sons additionnels que lui adressent Stewart Greenwood, Dylan Nyoukis, Ian Murphy, Duncan Harrison, Tom Roberts et Evie Spicer. Ainsi la tentative convainc deux fois.

écoute le son du grisliDaniel Spicer
Let The Body Attend (For Angus Maclise)

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Ludo Mich : Voice Studies 13 (My Dance The Skull, 2013)
Artiste estampillé Fluxus qui collaborait récemment avec le couple Hjuler/Bär, Ludo Mich joue Odysseus Insanity, c’est-à-dire un de ses cauchemars (qu’il a l’habitude de souffrir devant public), puis glisse un hommage à Raymond Roussel au creux d’une improvisation libre de Djuna Michielsen, Barney De Krijger, Maarten Tibos et Krist Torfs. Au rapport : la première performance en impose, quand la seconde se laisse écouter.

écoute le son du grisliLudo Mich
Odysseus Insanity

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AG Davis : Voice Studies 14 (My Dance The Skull, 2013)
Autre collaborateur d’Hjuler, le poète performant qu’est AG Davis signe-là des « stances à Sophie » qui pourraient bien perturber l’intéressée davantage que la convaincre. Ayant fui les borborygmes, les renâclements et les onomatopées, le voici engageant une bataille avec sa propre inspiration. Bruyante, sa poésie plie sous l’effet de souffles terribles mais ne rompt pas : voici même qu’elle invente d’autres langues étrangères avant d’oser quelques arpèges de guitare dans un délirant exercice de persuasion sonore.

écoute le son du grisliAG Davis vs 14
Sophie (Past I.)

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Maurizio Bianchi : Voice Studies 15 (My Dance The Skull, 2013)
C’est en bonze ânonnant que Maurizio Bianchi se fait ici entendre sur bande, répétant une phrase sur les résonances de percussions de métal avant d’amorcer un chant inintelligible. Pas convaincu – c’est du moins ce qu’il donne à croire –, il abandonne sa tentative de nouer contact et retourne à ses percussions. Sur résonances, ses résidus parviennent sans lui à toucher amateurs d’indus frelaté et d’étrange – si ce n’est inquiétant – poésie.

écoute le son du grisliMaurizio Bianchi 
Voice Studies 15

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Bryan Lewis Saunders, Z’EV : Voice Studies 16 (My Dance The Skull, 2013)
Parce qu’ils ont déjà plusieurs fois collaboré, ce « Me and my shadow » lancé à Z’EV par Bryan Lewis Saunders expliquerait-il (aussi) de quoi retourne leur relation ? Si rien n’est moins sûr, la cassette recèle quand même de beaux arrangements : souffles prolongés et battements de Z’EV contre susurrations d’un Saunders harcelé par le moindre fantôme à passer et à qui le percussionniste s’empresse d’insuffler la vie. La conséquence du geste sur le parleur angoissé est toujours efficiente.  

écoute le son du grisliBryan Lewis Saunders, Z'EV
Me And My Shadow

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Aki Onda : Voice Studies 17 (My Dance The Skull, 2013)
On sait Aki Onda voyageur, et ses Voice Studies insistent tout en nous en apprenant : où qu’il se trouve, le Japonais écoute la radio de nuit, et même, l’enregistre. Ainsi, de tous les bruits du monde à passer par les ondes, Onda fait là un bouquet sonore : conversations en espagnol ou en arabe, infiltrations, parasites et sons indéfinis, tout concourt à dévoiler des vérités que l’on raconte et quelques mystères cachés derrière. Pas seulement vocal, la poésie d’Onda est celle de toutes qui s’en remet le plus à l’autre – un autre dont il ne cesse de transformer le concret et la parole.

écoute le son du grisliAki Onda
Radio 1

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Asva, Philippe Petit : Empires Should Burn... (Basses Fréquences, 2012) / Philippe Petit : Eugénie (Alrealon, 2012)

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Qui voudra s’y coller n’aura pas fini de décrypter l’art sonique sonore et parfois hurlant de Philippe Petit. Grand amateur-dévoreur de musiques en tous genres, il a composé avec Asva (groupe de metal drone doom de G. Stuart Dahlquist) ce terrible appel à l’incendie des empires…

Pour que leur plan fonctionne, Petit et Dahlquist doivent avant tout imposer la terreur, alors ils s’emparent de leurs instruments (guitares, orgue, turntables, electronics, cymbalum, piano, cordes…) et invitent quelques amis à expliquer le contenu de leurs plans. Chacun son tour, Edward Ka-Spel, Bryan Lewis Saunders et Jarboe lisent un texte qui leur est soumis).

Le résultat est inquiétant mais peu à peu ce sombre univers à la Bosch laisse percer un rayon de lumière. Il inondera la fin du CD d’une musique atmosphérique pas loin d’être zen. On n’attendait pas de happy end, mais elle nous va aussi !

Asva, Philippe Petit : Empires Should Burn… (Basses Fréquences / Small Doses)
Edition : 2012.
CD / LP : 01/ And Empires Will Burn 02/ Seet Dreams Asshole 03/ A Vision 04/ The Star Implodes 05/ Apocryphatic_Ally
Pierre Cécile © Le son du grisli

philippe petit eugénie

Electronics et turntables encore, mais cette fois pour servir la musique électroacoustique. Entouré d’une dizaine d’ « amis » (Els Vandeweyer, Reinhold Friedl…), Philippe Petit offre sur ces deux faces de dix pouces quatre morceaux différents (ambient indianiste, baroque malsain, folk tordu, expérimental larvé) qui raviront les amateurs de post-tout et de lupanar créatif.

Philippe Petit : Eugénie (Alrealon)
Edition : 2012.
10’’ : A1/ An Air of Intrigue A2/ Clapoutique A3/ Pyramid of The Moon – B/ Magma from The Aquarium
Pierre Cécile © Le son du grisli 



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