Boris Hauf, Steve Heather, Martin Siewert, Christian Weber : The Peeled Eye (Shameless, 2015)
Après « s’être fait enregistrer » par Martin Siewert (National Parks), Boris Hauf l’invitait à prendre place dans un quartette où trouver aussi Christian Weber (basse électrique) et Steve Heather (batterie) : The Peeled Eye.
Dans les pas de Sonny Sharrock (I’ve been trying to find a way for the terror and the beauty to live together in one song. I know it’s possible), Hauf s’essaye une fois de plus – rappelons que certains de ses essais ont été concluants – non pas à un mélange des genres mais à quelques rapprochements. Le saxophone (baryton, ici) fait-il le jazz ? Et la guitare électrique, alors, le rock ? L’empêchement qui gangrène l’un et l’autre instrument dès la première plage du disque dit assez bien ce qu’il faut penser des trucs et astuces de musiciens qui s’abandonnent (presque) tous désormais à l’improvisation libre.
Les morceaux ne sont pas de même longueur, mais tous composent avec des gestes rugueux (guitare et basse peuvent rappeler les cordes électriques de The Ex) et une soif de sons inattendus (ici, un larsen à sculpter, là un tambour qui agace, ailleurs des cris de hyènes calqués sur les graves de la basse). Une atmosphère sous tensions, voilà le propos de The Peeled Eye, celui qui l'inspire, en tout cas.
Boris Hauf, Steve Heather, Martin Siewert, Christian Weber : The Peeled Eye
Shameless
Edition : 2015.
CD : The Peeled Eye
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Postmarks : National Parks (Monotype, 2013)
S’ils s’inspirent ici de cartes de parcs nationaux étasuniens éditées dans les années 1930 et 1940 – à chacun ses partitions –, le saxophoniste Boris Hauf et le pianiste D Bayne ont fait le voyage jusqu’à Vienne pour que Martin Siewert enregistre leur projet – l’Autrichien pourra d’ailleurs y intervenir à la guitare ou à l’électronique.
Un saxophone lent, de timides et défaites notes de piano et un larsen qui traîne : voilà pour l’ouverture, ballade en disgrâce qu’est Bandelier National, qui ne communiquera pas sa nonchalance aux pièces qui la suivront. C’est que le pianiste en a autrement décidé : emprunté, voilà qu’il abuse d’interventions accessoires, arpèges rabâchés ou fuites sans idées. Et comme Hauf lui emboîte le pas tandis que Siewert n’est pas loin de se taire, nous voici impatients d’en finir.
Postmarks
Bryce Canyon at Dawn
Postmarks : National Parks (Monotype)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Bandelier National 02/ Big Thicket 03/ Bryce Canyon at Dawn 04/ Hubbell Trading Post at Dusk 05/ Fossil Butte 06/ Gila Cliff Dwellings 07/ Hubbell Trading Post at Dawn 08/ Capitol Reef at Dusk 09/ Bryce Canyon at Dusk 10/ Capitol Reef at Dawn
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Boris Hauf : Proxemics / Next Delusion (Creative Sources / Clean Feed, 2011)
Cette aire de jeux en couverture (une moitié de terrain) pourrait être la partition graphique dont l’association inattendue de Boris Hauf (saxophones), Juun (Judith Unterpertinger, piano), Keefe Jackson (clarinette contrebasse et saxophone ténor) et Steven Hess (batterie, électronique), suivrait les lignes avec concentration. Si ses règles ne sont pas arrêtées, le jeu est toujours le même : remise en cause de la ligne écrite, que chacun des musiciens peut, s’il l’entend, prolonger en plein ciel.
Et l’appel du large est irrésistible – les vents se croisent, fomentent et achoppent – et même inspirant : plusieurs formules électroacoustiques sont ici essayées : mises bout à bout, elles rivalisent de subtilités et leurs moments polymorphes s’emboîtent avec nonchalance. Si leur harmonie est parfois empêchée, c’est parce que les intervenants préfèrent passer pour perturbateurs plutôt que pour musiciens. C’est ce qui rend Proxemics attachant, alors qu’il était déjà perturbant et musical.
Boris Hauf, Steven Hess, Keefe Jackson, Juun : Proxemics (Creative Sources)
Enregistrement : avril 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Public 02/ Social 03/ Personal
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Enregistré à la même époque que Proxemics, Next Delusion donne à entendre Boris Hauf conduire un sextette dans lequel prennent place Steven Hess (batterie, électronique) et Keefe Jackson (saxophone ténor et clarinette basse) et puis Jason Stein (clarinette basse), Frank Rosaly et Michael Hartmann (batteries). Là, les vents progressent à l’unisson, que les tambours attisent puis contraignent. Des graves sinueux se répandent au sol et bientôt les rôles sont distribués : série de duels, pour l’essentiel, qui arrangent l’ensemble par modules. L’intérêt de l’auditeur variant au gré des inspirations.
Boris Hauf Sextet : Next Delusion (Clean Feed / Orkhestra International)
Enregistrement : Avril 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Gregory Grant Machine 02/ Eighteen Ghost Roads 03/ Fame & Riches 04/ Wayward Lanes
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Efzeg : Krom (HatOLOGY, 2006)
Si la musique électroacoustique d’Efzeg donne dans l’ambient expérimentale, Krom a ceci de spécial qu’il investit le genre avec singularité, mêlant l’électronique à des phrases (mal) traitées de saxophone et de guitares, et ses soucis d’intelligence à la défense d’un folklore inventé.
Ainsi sur Intron, premier morceau lancé au son de nappes oscillantes et de grésillements sortis d’amplis changé bientôt en amas de danses folles. Pour étayer son propos, Efzeg fomente ensuite le crescendo féroce d’une combinaison de notes de guitares répétées et de souffles perdus en saxophones (Som), ou institue quelques boucles ordinatrices d’un univers partagé entre effets de masses et grésillements, interventions étouffées de clavier et bourdon électronique (Exon).
Apposant de multiples sections sur les lignes mélodiques qu’ils tracent, les musiciens prônent une dernière fois leur abstraction géométrique en imbriquant l’intervention grave d’un bassstation et quelques chocs sur le piezzo des guitares (Ribo). Jusqu’à obtenir le larsen ultime, qui avalera, pour le mettre en bouteille, la cosmogonie atmosphérique, organique et revêche, exposée sur Krom.
CD: 01/ Intron 02/ Som 03/ Exon 04/ Ribo
Efzeg - Krom - 2006 - HatOLOGY. Distribution Harmonia Mundi.