Abdelnour, Jones, Neumann : AS:IS (Olof Bright, 2012) / Abdelnour, Rodrigues, Dörner : Nie (Creative Sources, 2012)
Si fragile soit-elle, la ligne électronique de Bonnie Jones montre ici, sinon la direction, en tout cas le chemin à prendre à ses partenaires Christine Abdelnour et Andrea Neumann. Au saxophone alto, à l’intérieur du piano et à la table de mixage, elles deux établissent des parallèles au tracé de Jones avant d’oser lui opposer points de rupture et parfois promesses d’échappées.
Avec un souci constant des proportions, voire des convenances, Abdelnour et Neumann rivalisent donc bientôt : souffles tournant en saxophone, galons ondulant ou sifflements, cordes désolées ou provocations parasites, déroutent une abstraction qu’elles nourrissent dans le même temps. Sortie des zones de frottements – heurts inévitables –, la musique est affaire de synchronisation subtile : Abdelnour sur un grave étendu, Jones et Neumann sur oscillations et résonances, et voici épaissi le mystère d’AS:IS. Le bruitisme étouffé sous les gestes délicats aura ainsi permis à Abdelnour, Jones et Neumann, d’envisager à la surface une improvisation de « hauts-reliefs et bas-fonds ».
Christine Abdelnour, Bonnie Jones, Andrea Neumann : AS:IS (Olof Bright / Metamkine)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Hauts-reliefs et bas-fonds 02/ Movement Imported Into Mass 03/ 520-1,610 04/ Ganzfeld 05/ Despair 07/ and transport 08/ Hair Idioms
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Enregistré à Lisbonne en novembre 2008, Nie donne à entendre Christine Abdelnour improviser en compagnie d’Axel Dörner et Ernesto Rodrigues. Le trio travaille-là à une architecture de papier sans cesse menacée : par les vents, coups d’archet, projectiles venant des musiciens eux-mêmes. Les graves de la trompette ont beau rêver de fondations solides pour ces constructions bientôt réduites à l’état de mirages : les engins d’inventions, anciennement instruments, sonneront l’heure des terribles déflagrations. Le disque n’en est que plus attachant.
Ernesto Rodrigues, Christine Abdelnour, Axel Dörner : Nie (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 1er novembre 2008. Edition : 2012.
CD : 01/ Fabula
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Barry Chabala : Unbalanced In (unbalanced Out) (Another Timbre, 2012)
Le nom de l’instrument de prédilection de Toshimaru Nakamura, le no-input mixing board, a toujours eu sur moi un effet paralysant. Sur ce CD, on l'entend à côté des matériels électronique et informatique de Bonnie Jones et Louisa Martin. Barry Chabala (à qui l’on doit ce projet, réalisé par correspondance), Tisha Mukarji et Gabriel Paiuk me réconfortent par leur présence : leurs instruments sont la guitare et le piano. Qu’ils en soient ici remerciés.
Morton Feldman disait que ce que nous entendons est ce dont nous nous souvenons. Il s’agit sur cet enregistrement reconstruit pas Chabala d'un microcosme électronique plutôt agité que la guitare et les deux pianos accompagneront tour à tour. Parfois, cela sonne comme les cloches d’une petite église autour de laquelle se pressent des électrons ; un Clochemerle où brillent, c’est selon, les cancans et l’ingéniosité. Les plus beaux moments sont lorsque Nakamura cherche à se défaire des branches d’une plante à cordes ou quand l’ordinateur (si je ne me trompe) soulève beaucoup de poussière grise. C’est un piano (mais celui de Mukarji ou de Paiuk ?) qui m’a renvoyé à Feldman : nous entendons, c’est vrai, ce dont nous nous souvenons.
Barry Chabala, Bonnie Jones, Louisa Martin, Tisha Mukarji, Toshimaru Nakamura, Gabriel Paiuk : Unbalanced In (Unbalanced Out) (Another Timbre / Metamkine)
Edition : 2012.
CD : 01/ Unbalanced In (Unbalanced Out)
Héctor Cabrero © le son du grisli
Chris Cogburn, Bonnie Jones, Bhob Rainey : Arena Ladridos (Another Timbre, 2010)
Le point commun entre Bhob Rainey (saxophone soprano), Bonnie Jones (electronics) et Chris Cogburn (percussions), est connu maintenant. C’est Arena Ladridos, une perle de musique électroacoustique éclose dans le désert texan. Une rose des sables dont le cœur bat et respire.
Une note (le soprano) se disperse sur Govalle. Des reflets de métal (les percussions) se la renvoient, des bips réguliers (l’électronique) annoncent qu’elle respire encore. A la fin, les trois ne font plus qu’un et Govalle est fait de trois (l’opération est d’une belle envergure).
Du paysage infini sortent après cela des serpents : ils rampent sur la surface de Marfa. Leur vie de synthèse respecte les codes sonores du genre improvisé endogène très actif aujourd’hui. Le plus pour Arena Ladridos est le dépaysement qu’il propose.
Chris Cogburn, Bonnie Jones, Rhob Rainey : Arena Ladridos (Another Timbre / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ Govalle 02/ Marfa
Héctor Cabrero © Le son du grisli