Bobby Bradford, Hafez Modirzadeh, Mark Dresser, Alex Cline : Live at the Open Gate (NoBusiness, 2016)
Ce n’est pas un nouveau Carter que Bobby Bradford a trouvé en Hafez Modirzadeh, mais quand même : un partenaire inspirant qui, au saxophone alto, atteste une sonorité singulière. Le concert date du 3 mars 2013 – Center for the Arts, Los Angeles.
Encore assez peu enregistré, Modirzadeh y rivalise de présence avec le cornettiste, et puis avec deux accompagnateurs de choix : Mark Dresser à la contrebasse et Alex Cline à la batterie. Quand le quartette n’improvise pas, il ose des placages de blues ou de swing sur les structures vagabondes de compositions que se partagent les musiciens en place – notamment celles du fameux Song for the Unsung que le cornettiste interpréta avec Carter sur Seeking.
Malgré l’équilibre trouvé par l’association, Dresser fait plusieurs fois figure de meneur. C’est d’ailleurs lui qui, sur deux notes, ouvre l’enregistrement : Steadfast est pourtant signé de Cline, hier partenaire d’Andrea Centazzo et de Viny Golia. Le thème marque l’entier disque d’une empreinte West Coast qui ne s’interdit ni exigence – il faut entendre ici le cornet et le saxophone lentement rompre avec la ligne mélodique qui leur était assignée – ni impertinence. Merci alors aux Lituaniens de NoBusiness d’avoir su le mettre en valeur.
Bobby Bradford, Hafez Modirzadeh, Mark Dresser, Alex Cline
Song for the Unsung
Bobby Bradford, Hafez Modirzadeh, Mark Dresser, Alex Cline : Live at the Open Gate
NoBusiness
Enregistrement : 3 mars 2013. Edition : 2016.
LP : A1/ Steadfast A2/ Facet 5 A3/ Facet 17 A4/ Dresser Only – B1/ For Bradford B2/ HA^BB B3/ Song for the Unsung B4/ Reprise
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bobby Bradford / Frode Gjerstad Quartet : The Delaware River (NoBusiness, 2015)
La veille du concert que documente Silver Cornet, le Bradford/Gjerstad Quartet – dans lequel on trouve le contrebassiste Ingebrigt Håker Flaten et le batteur Frank Rosaly, remplaçant Paal Nilssen-Love – donnait un autre concert, à Philadelphie. Que The Delaware River documente à son tour.
La prise de son prête main-forte à Bradford : elle rapproche en effet ses partenaires d’un free d’antan. Quelque peu étouffée, la batterie (Rosaly jouant là de nuances que Nilssen-Love a désormais tendance à décliner) n’en impose pas moins sur Sailing Up The, premier titre que cornet et alto se partagent selon la tradition : motifs mélodiques pour Bradford, saillances pour Gjerstad.
L'équilibre trouvé (assez rapidement), les musiciens inventent une musique libérée de (presque) toutes contingences. Certes, mais cérébrale aussi. C’est d’ailleurs là le charme de l’association Bradford / Gjerstad : son jazz d’improvisation est funambule, dont la force ne se joue pas dans la vitesse, ni l’intensité dans l’épaisseur.
Bradford/Gjerstad Quartet
River In
Bobby Bradford / Frode Gjerstad Quartet : The Delaware River (NoBusiness / Improjazz)
Enregistrement : 29 mars 2014. Edition : 2015.
LP : A1/ Sailing Up The – B1/ Delaware B2/ River In B3/ 1965 Was Amazing
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bobby Bradford, John Carter : NO U-TURN (Dark Tree, 2015)
D’une formation documentée ici pour la première fois, on espère d’autres traces tant ces soixante-dix minutes paraissent courtes. Bobby Bradford et John Carter ont, dans leur coin, poussé le bouchon du free assez loin. Que presque personne ne se soit passionné pour leur musique rend triste, limite amer. Mais les musiciens discrets savent le rester et les oreilles avisées savent les entendre. Inaugurant une série Roots Series, le label Dark Tree a déniché LA pépite.
Bobby Bradford vise les hautes cimes, celles déjà atteintes une quinzaine d’années plus tôt aux côtés du grand Ornette C. Alléger les tempos, décoincer les harmonies, Bradford le fait magnifiquement. John Carter gagne les hauts plateaux sans effort. On retrouve ses suspensions giuffriennes à la clarinette – passions texanes jamais prises en défaut – et on le découvre proche des transes coltraniennes au soprano.
Roberto Miranda et Stanley Carter sont contrebassistes : ils n’ont appris qu’à se rejoindre, qu’à entretenir leurs emportements. Quant à William Jeffrey, sa batterie est foisonnante, jamais envahissante, jamais narcissique. Et d’une présence rare. Cela se passait le 17 novembre 1975 à Pasadena. C’était hier, c’est aujourd’hui.
Bobby Bradford & John Carter Quintet : NO U-TURN. Live in Pasadena, 1975 (Dark Tree / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1975. Edition : 2015.
CD : 01/ Love’s Dream 02/ She 03/ Comin’ On 04/ Come Softly 05/ Circle
Luc Bouquet © Le son du grisli
David Neil Lee : The Battle of the Five Spot. Ornette Coleman and the New York Jazz Field (Wolsak & Wynn, 2014)
C’est la troisième édition du livre que David Neil Lee a consacré à Ornette Coleman. En somme, l’histoire d’une apparition. Celle d’un Texan à New York.
Au Five Spot, pour être précis. A partir de 1956, le club programme des musiciens de jazz parmi lesquels on trouve quelques agitateurs : Cecil Taylor, d’abord, puis Coleman. En novembre 1959, celui-ci emmènera au son d’un saxophone en plastique un quartette (Don Cherry, Charlie Haden, Billy Higgins) qui marquera les esprits. En premier lieu, ceux de musiciens capables d’entendre (ou non) de quoi retourne la nouveauté, mais aussi peintres et poètes de l’École de New York, écrivains Beat… Telle est en partie la foule qui se presse au Five Spot deux semaines durant – aucun enregistrement n’existe de l’événement.
Si le titre fait allusion à une « bataille », c’est que les hostilités sont légion – il faut lire les réactions rapportées de Coleman Hawkins, Miles Davis, Milt Jackson ou Max Roach, et cette supposition de Bobby Bradford selon laquelle de nombreux musiciens auraient bien fait disparaître Coleman s’ils l’avaient pu. Hostilités qui permettent à l’auteur de déterminer les « anciennes choses » que remua Coleman et, plus généralement, de considérer le sort souvent réservé à l’avant-garde. Après avoir dressé une rapide histoire du jazz (le discours rappelle celui de Frank Kofksy) et être revenu sur le parcours du saxophoniste, David Neil Lee, en lecteur assidu de Bourdieu, éclaire sa prose d’une réflexion sociologique qui fait de son sujet le point convergent d’un problème générationnel.
Créateur intrépide – ne s’est-il pas soumis au jugement de ses pairs sans avoir pris le soin de leur démontrer qu’il savait le jazz aussi bien qu’eux ? –, c’est Coleman lui-même qui, à force d’éclats, va trancher ce nœud gordien pour installer une façon d’entendre qu’il consignait sur disque une année plus tôt (Something Else !!!!), façon dont David Neil Lee explore et explique avec brio tous les concept-satellites (jazz, avant-garde, club, compétition, critique, révolution, nouveauté…, enfin, consécration).
David Neil Lee : The Battle of the Five Spot. Ornette Coleman and the New York Jazz Field (Wolsak & Wynn)
Réédition : 2014.
Livre (en anglais) : The Battle of the Five Spot. Ornette Coleman and the New York Jazz Field
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bobby Bradford/Frode Gjerstad Quartet : Silver Cornet (Nessa, 2014) / Frank Rosaly : Cicada Music (Delmark, 2013)
Depuis l’arrivée en 1987 de Bobby Bradford en Detail – trio John Stevens / Frode Gjerstad / Johnny Dyani qui en deviendra Detail Plus –, Bradford et Gjerstad n’ont cessé de se retrouver dans d’autres conditions : récemment dans le Circulasione Totale Orchestra du second ou en formations réduites qui les associent à Ingebrigt Håker Flaten et Paal Nilssen-Love.
Après Kampen, Silver Cornet documente donc la longue collaboration en changeant quelque peu la formule : l’absence, au printemps dernier alors que le quartette tournait aux Etats-Unis, de Nilssen-Love permettant à Frank Rosaly – sur invitation du contrebassiste qu’il côtoie notamment dans le Rempis Percussion Quartet – de jouer pour la première fois avec Bradford et Gjerstad. Et même, de donner un autre allant au quartette qu’ils emmènent ensemble : le swing modeste mais la frappe précise, Rosaly travaille la sonorité en batteur inquiet de sonorités déconcertantes. Qui plus est, son application convient à l’idée que se fait sans doute Håker Flaten d’une section rythmique, ici duo capable d’accompagner les souffleurs les plus turbulents tout en glissant dans son jeu quelques motifs qu’un solo n’aurait peut-être pas mieux mis en valeur.
Assurés, Bradford et Gjerstad retournent alors à ce jazz « hésitant entre un bop poussé dans ses derniers retranchements (en date) et les phrases brèves d’un free commis d’office » pour regonfler l’improvisation qu’ils ont toujours – et exclusivement – servie ensemble. Après quoi le cornettiste pourra conclure : On n’a toujours pas trouvé de nom pour ce genre de musique. (…) Souvent, les gens me demandent « est-ce que c’est du jazz ? », ce à quoi je réponds : « en tout cas, ce n’est pas du classique… Si vous avez une autre idée...»
Bradford/Gjerstad Quartet : Silver Cornet (Nessa / Orkhêstra International)
Enregistrement : 30 mars 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Silver Cornet Tells 02/ A Story about You 03/ And Me, Me and You
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Les quelques secondes de la berceuse exaltée d’Adrian n’y feront rien : Cicada Music, nouvel ouvrage de Frank Rosaly, malgré la qualité éprouvée des musiciens du sextette (Jason Stein, Jason Roebke, Keefe Jackson, James Falzone, Jason Adasiewicz), ne se montre que rébarbatif, sans invention... Certes l’envie d’y aller, mais un retour aux mêmes choses : bop de contrebande, électroacoustique paresseuse…
Frank Rosaly : Cicada Music (Delmark)
Enregistrement : 2008-2011. Edition : 2013.
CD : 01/ The Dark 02/ Wet Feet Splashing 03/ Yards 04/ Babies 05/ Adrian 06/ Driven 07/ Tragically Positive 08/ Bedbugs 09/ Typophile/Apples 10/ Credits
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bobby Bradford/Frode Gjerstad Quartet : Kampen (NoBusiness, 2012)
Pour changer peut-être de leurs travaux en Circulasione Totale Orchestra, Bobby Bradford, Frode Gjerstad, Ingebrigt Håker Flaten et Paal Nilssen-Love donnèrent ce concert à quatre : Kampen, enregistré le 17 novembre 2010 à Oslo – ce que redisent les titres des quatre morceaux du vinyle : This Is / A Live / Recording From / Kampen, Oslo.
Le cornet seul, puis à la clarinette opposée : Bradford et Gjerstad en inventifs retors profitent de l’entente de la paire rythmique – sur la solidité de Nilssen-Love, Håker Flaten élabore un jeu de contrebasse singulier qui accompagne et relance les vents tout en chantant en filigrane sa propre partition. Sur une aire de tempérance, Bradford passe à la sourdine moqueuse avant d’oser un air amusé qui fera le motif principal d’un jazz hésitant entre un bop poussé dans ses derniers retranchements (en date) et les phrases brèves d’un free commis d’office – tout recours agissant.
EN ECOUTE >>> A Live
Bobby Bradford, Frode Gjerstad, Ingebrigt Håker Flaten, Paal Nilssen-Love : Kampen (NoBusiness)
Enregistrement : 17 novembre 2010. Edition : 2012.
LP : A1/ This Is A2/ A Live B1/ Recording From B2/ Kampen, Oslo
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bobby Bradford : With John Stevens and the Spontaneous Music Ensemble (Freedom, 1971)
Ce texte est extrait du quatrième volume de Free Fight, This Is Our (New) Thing. Retrouvez les quatre premiers tomes de Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc.
C’est à Londres, en 1971, que Bobby Bradford enregistra en compagnie du Spontaneous Music Ensemble de John Stevens. A l’intérieur de celui-ci, on trouvait l’incontournable saxophoniste Trevor Watts et puis la vocaliste Julie Tippetts, le tromboniste Bob Norden et le contrebassiste Ron Herman. Watts se souvient des circonstances : « Celui qui a suggéré à Bobby que John Stevens et moi étions les musiciens anglais qui pourraient faire honneur à sa musique, c’est le journaliste Richard Williams, qui travaillait à l’époque au Melody Maker. Il a, en quelque sorte, joué les agents de liaison… »
Dans les notes du livret accompagnant la réédition sur deux CD de ces séances – sous étiquette Nessa, label qui les réédita une première fois sur vinyle au début des années 1980 –, Bobby Bradford confirme : « A l’été 1971, j’appartenais à un groupe de professeurs de l’enseignement public qui avait organisé un séjour en Angleterre pour peu cher. A cette époque, je n’avais pas le moindre contact à Londres, mais en Californie, on m’avait donné un nom : Richard Williams. Quand j’ai appelé Richard, il m’a dit qu’il aimerait que je rencontre quelqu’un. Quelques heures après, John, Trevor et moi jouions ensemble, et le jour d’après Bob Norden, Julie Tippetts et Ron Herman, se sont fait une place sur la photo. Nous avons donné quelques concerts dans des pubs de Londres et ses environs puis nous sommes entrés en studio. Ce fut un événement magnifique : totalement spontané, enivrant, fou… Pour John, Trevor et moi, ça a été le début d’une longue et fructueuse collaboration. »
Depuis le milieu des années 1960, le Spontaneous Music Ensemble travaille à son adaptation du free jazz. Né au Little Theatre Club de la cuisse du quintette que Trevor Watts et le tromboniste Paul Rutherford menaient de concert et dont John Stevens tenait la batterie, le groupe appliqua à ses improvisations les processus compositionnels élaborés par ce-dernier – qui voudra en apprendre davantage sur les click et sustained pieces devra aller lire l’ouvrage, récemment réédité par Rockschool, Search and Reflect : Concepts and Pieces by John Stevens.
A l’origine du double disque né des efforts de Nessa, il y a un disque unique, édité en 1974 par le label Freedom. Faisant fi des compositions de Bradford – « Room 408 », « His Majesty Louis », en hommage à Armstrong –, il consigne une improvisation et deux compositions de Stevens capables de permettre la rencontre du jazz inventif et de l’improvisation telle qu’on l’applique alors en Angleterre. A en croire Watts encore, malgré l’enjeu, l’atmosphère est accommodante : « Bobby était sans arrêt disposé au mieux. Après chaque concert (à l’époque, je fumais encore), nous partagions d’excellents cigares cubains qu’il avait apportés. C’était sa façon à lui de célébrer les moments que nous passions ensemble. Côté musique, il a toujours été très ouvert… »
Côté musique, pour s’en tenir au contenu du disque Freedom, Bobby Bradford With John Stevens and the Spontaneous Music Ensemble est un enregistrement remarquable. En ouverture, trouver trois pièces de Stevens assemblées : « Trane Ride », « Ornette-Ment » et « Doo Dee », qui déploient une dramaturgie sonore aux multiples confrontations. Stevens y tient le rythme, les souffleurs y bataillent avant de se tourner le dos pour s’exprimer en individualistes : replis dans le free jazz, Watts sifflant lorsque Bradford claironne. Une improvisation, ensuite : « Bridget’s Mother ». De l’autre côté du miroir, l’association déroule le fil ténu qui sort de la bouche de Tippetts : l’indolence suit un principe de réflexion, trompette et alto font œuvre d’artifices quand Stevens tient le silence en respect entre deux baguettes. La batterie réapparaît sur l’autre face : « Tolerance / To Bob » est d’abord une marche désespérée qui respecte l’allure d’une valse perdue ; « Tolerance / To Bob » est ensuite un aveu de mordant retrouvé : Stevens y commande : Watts évoquant Archie Shepp à l’alto, Bradford comblant son free de lyrisme hautain, Tippetts brillant en épileptique inspirée. Le dosage est précis et la formule intense : on y trouve une véhémence doublée de mystère ; un chant unique élevé en brumes océanes.
Jazz Expéditives (Rééditions) : Eric Dolphy, Byron Allen, Ornette Coleman, Albert Ayler, Olive Lake, John Carter, Bobby Bratford
Miles Davis : Dig (Prestige, LP, 2014)
Maintes fois réédité (parfois sous le nom de Diggin’ With the Miles Davis Sextet), voici Dig une autre fois pressé en vinyle. Le 5 octobre 1951 en studio – dans lequel baguenaudaient Charlie Parker et Charles Mingus –, Miles Davis enregistrait en quintette dont Sonny Rollins et Jackie McLean étaient les souffleurs. Sur Denial, Bluing ou Out of the Blue, voici le bop rehaussé par le cool encore en formation du trompettiste. L’effet sera immédiat, à en croire Grachan Moncour III : « Dig a été l’un des disques les plus populaires auprès des musiciens de jazz. »
Eric Dolphy, Booker Little : Live at the Five Spot, Vol. 1 (Prestige, LP, 2014)
A la mi-juillet 1961, Eric Dolphy et Booker Little emmenèrent au Five Spot un quintette d’exception – présences de Mal Waldron, Richard Davis et Ed Blackwell. Des deux volumes du Live at the Five Spot consigné ensuite, seul le premier est aujourd’hui réédité sur vinyle. Incomplet, donc, mais tout de même : Fire Waltz, Bee Vamp et The Prophet. Dissonances, tensions et grands débordements réécrivent les codes du swing, et avec eux ceux du jazz.
Byron Allen : The Byron Allen Trio (ESP-Disk, CD, 2013)
Sur le conseil d’Ornette Coleman, ESP-Disk enregistra le saxophoniste alto Byron Allen. Sous l’influence du même Coleman (hauteur, brisures, goût certain pour l’archet), Allen emmena donc en 1964 un trio dans lequel prenaient place Maceo GilChrist (contrebasse) et Ted Robinson (batterie). Le free jazz est ici brut et – étonnamment – flottant, après lequel Allen gardera le silence jusqu’en 1979 – pour donner dans un genre moins abrasif, et même : plus pompier (Interface).
Ornette Coleman : Live at the Golden Circle, Volume 1 (Blue Note, LP, 2014)
Pour son soixante-quinzième anniversaire, Blue Note rééditera tout au long de l’année quelques-unes de ses références sur vinyle – reconnaissons que le travail est soigné*. Parmi celles-ci, trouver le premier des deux volumes de Live at the Golden Circle : Coleman, David Izenzon et Charles Moffett enregistrés à Stockholm en 1965. La valse contrariée d’European Echoes et le blues défait de Dawn redisent la place à part que l’altiste sut se faire au creux d’un catalogue « varié ».
Albert Ayler : Lörrach, Paris 1966 (HatOLOGY, CD, 2013)
Ainsi HatOLOGY réédite-t-il d’Albert Ayler ces deux concerts donnés en Allemagne et en France en 1966 qu’il coupla jadis. Le 7 novembre à Lörrach, le 13 à Paris (Salle Pleyel), le saxophoniste emmenait une formation rare que composaient, avec lui et son frère Donald, le violoniste Michel Sampson, le contrebassiste William Folwell et le batteur Beaver Harris. Bells, Prophet, Spirits Rejoice, Ghosts… tous hymnes depuis devenus standards d’un genre particulier, de ceux qui invectivent et qui marquent.
Oliver Lake : The Complete Remastered Recordings on Black Saint and Soul Note (CAM Jazz, CD, 2013)
Désormais en boîte : sept disques enregistrés pour Black Saint par Oliver Lake entre 1976 et 1997. Passés les exercices d’étrange fusion (Holding Together, avec Michael Gregory Jackson) ou de post-bop stérile (Expandable Language, avec Geri Allen ; Edge-Ing avec Reggie Workman et Andrew Cyrille), restent deux hommages à Dolphy (Dedicated to Dolphy et, surtout, Prophet) et un concert donné à la Knitting Factory en duo avec Borah Bergman (A New Organization). Alors, la sonorité de Lake trouve le fond qui va à sa forme singulière.
Bobby Bradford, John Carter : Tandem (Remastered) (Emanem, CD, 2014)
Emanem a préféré na pas choisir entre Tandem 1 et Tandem 2. En conséquence, voici, « remasterisés », les extraits de concerts donnés par le duo John Carter / Bobby Bradford en 1979 à Los Angeles et 1982 à Worcester désormais réunis sous une même enveloppe. Dans un même élan (au pas, au trot, au galop), clarinette et cornet élaborent en funambules leurs propres blues, folklore et musique contemporaine, quand les solos imaginent d’autres échappées encore. Tandem est en conséquence indispensable.
* Dans la masse de rééditions promises pas Blue Note, quelques incontournables : Genius of Modern Music de Thelonious Monk, Black Fire d'Andrew Hill, Unit Structures de Cecil Taylor, Complete Communion de Don Cherry, Out to Lunch d'Eric Dolphy, Blue Train de John Coltrane, Spring de Tony Williams ou encore Let Freedom Ring de Jackie McLean.
Vinny Golia : Take Your Time (Relative Pitch, 2011)
Avant d’inviter Bobby Bradford à enregistrer pour lui, Vinny Golia sera souvent passé au Little Big Horn, club que le cornettiste dirigeait à Pasadena. Take Your Time, de profiter d’une complicité évidente en plus d’une section rythmique irréprochable.
On sait l’amour de Golia pour les graves de contrebasse : aussi doué à l’archet qu’au pizzicato, Ken Filiano doit ici le ravir, tant il embrasse la musique du quartette : mariage de swing et de bop, d’improvisation libérée de tout schéma et free léger. Au soprano (Golia dit avoir été bouleversé par le son de celui de Coltrane), est servi un jazz étonnement découpé qui peut rappeler Braxton (qui donna jadis quelques leçons d’instruments au meneur) ; au ténor et à l’alto, ce sont des pièces d’un swing gouailleur et sophistiqué à la fois qui prennent forme. La prise de son, un peu claire, n’y peut rien : l’enregistrement fait référence dans la discographie de Golia.
Vinny Golia Quartet : Take Your Time (Relative Pitch)
Enregistrement : 3 juillet 2007. Edition : 2011.
CD : 01/ That Was For Albert 10 02/ Otolith 03/ On The Steel 04/ That Was For Albert 11 05/ Welcome Home 06/ Parambulist 07/ A Guy We All Used To Know 08/ Even Before This Time
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Frode Gjerstad Expéditives
Frode Gjerstad, Paal Nilssen-Love : Side by Side (CIMP, 2012)
Après Day Before One et Gromka, Frode Gjerstad et Paal Nilssen-Love se retrouvent en duo sur Side by Side, souvenir d’une tournée dans le Nord de l’Amérique datée de 2008. L’enregistrement est celui d’un concert donné au Spirit Room de Rossie : la paire y fut une autre fois efficiente : rapide, âpre, sèche, l’alto s’accrochant au cadre d’une caisse claire ou dérapant sur peaux. La clarinette basse, de prendre plus de place encore, jouant de ses peines ou arborant des sonorités hybrides que la batterie invective avec un panache égale.
Frode Gjerstad Trio : MIR (Circulasione Totale, 2011)
Dans le Frode Gjerstad Trio, le contrebassiste Jon Run Storm a succédé à Øyvind Storesund. MIR revient sur la première rencontre de Gjerstad, Storm et Nilssen-Love, enregistrée au Café MIR à Oslo en septembre 2010. Là, le contrebassiste réussissait à se faire une place entre deux vigueurs complices : les débuts de la nouvelle mouture du trio sont en conséquence féroces.
Frode Gjerstad Trio : East of West (Circulasione Totale, 2011)
9 avril 2011 à Stavanger : à la veille de partir en tournée, le même Frode Gjerstad Trio invente en espérant trouver quelques « trucs » : la prise de son est lointaine mais la verve du saxophoniste, la dextérité de Storm et la frappe de Nilssen-Love relativisent rapidement la chose. Bondissant, l’alto s’appuie en outre sur un duo rythmique qui fait désormais sa source d’inspiration de tout éclatement. A la clarinette, Gjerstad se réserve même un solo qui convainc des bienfaits de l’expression libre et isolée. Circulasione Totale Orchestra : PhilaOslo (Circulasione Totale, 2011)
Dates des concerts donnés par le Circulasione Totale Orchestra à trouver sur ce disque double : 30 janvier 2010 pour Philadelphie, 9 mars 2011 pour Oslo. Ici et là, le grand orchestre de Gjerstad impressionne encore : l’électroacoustique jouant avec les codes de la musique libre et même bruyante (présences de plus en plus affirmées de Lasse Marhaug et John Hegre), le swing corrompu par des élans individualistes (cet air de blues perdu que chante Bobby Bradford à Philadelphie), l’opposition envisagée comme manière de faire lorsque ce n’est pas le tour de la provocation (Anders Hana et Per Zanussi convertissant la musique d’Oslo au tout électrique). Monumental. Calling Signals : From Cafe Sting (Loose Torque, 2011)
Enregistré en 2007 au Café Sting de Stavanger, le Calling Signals de Frode Gjerstad et Nick Stephens était aussi celui d’Eivin Pederssen et de Louis Moholo-Moholo. L’accordéon changeant la donne, l’improvisation fait avec quelques tensions mais presque autant de subtilités. De hauts reliefs en atmosphères nonchalantes, le quartette profite d’ententes ponctuelles : celle de l’accordéon et de la contrebasse sur Rogaland ; celle du saxophone alto et des cymbales sur Trekkspill Blues. De l’enregistrement se dégage un mystère qui en fait une des références de la discographie du groupe. Sekstett : Sekstett (Conrad Sound, 2010)
Dans ce Sekstett, Gjerstad n’intervient qu’aux clarinettes. Ses partenaires ont pour noms Håvard Skaset (guitares), Lene Grenager (violoncelle), Hilde Sofie Tafjord (cor d'harmonie), Børre Mølstad (tuba) et Guro Skumsnes Moe (contrebasse). Enregistrée en 2009, la rencontre est acoustique : les instruments à vent s’y emmêlent tout en s’y accordant, les cordes y glissent des pièges minuscules mais inévitables, et la musique infuse.