Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Teho Teardo, Blixa Bargeld : Still Smiling (Specula, 2013)

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On regrettera d’abord le parti-pris « variété » de cette rencontre entre Teho Teardo et Blixa Bargeld, d’autant que l’un et l’autre ne sont, il faut le reconnaître, que peu coutumiers du parti-pris en question.

En italien, anglais et puis allemand, les deux hommes poussent la chansonnette romantique et jongle avec les références (Paolo Conte, Tindersticks ou Tiger Lillies, et ce Balanescu Quartet qui parfois les influence en plus de les accompagner en studio) avec un équilibre précaire. C’est d’ailleurs à la formation de Balanescu (ainsi qu'à la violoniste Elena De Stabile) qu’on devra les heureux moments du disque, sur quelque ballade tourmentée qui change de l’art pompier incapable d’étincelles dont se sont satisfaits ensemble Teardo et Bargeld.



Teho Teardo, Blixa Bargeld : Still Smiling (Specula)
Edition : 2013.
CD / 2 LP : 01/ Mi Scusi 02/ Come Up and See Me 03/ Axolotl 04/ Buntmetalldiebe 05/ Still Smiling 06/ Alone with the Moon 07/ What If…? 08/ Nocturnalie 09/ Nur Zur Erinnerung 10/ Konjunktiv II 11/ Negroni 12/ Nocturnalia 13/ A Quiet Life 14/ Defenestrazioni
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Christophe Deniau : Nick Cave, l’intranquille / Daniel Miller : Mute, le label indépendant (Castor Music / E/P/A 2018)

lsdg4150Il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que Nick Cave à profiter de la renommée de Kylie Minogue : en s’intéressant à Where the Wild Roses Grow enregistré par le duo pour l’album Murder Balldads, le quatrième numéro papier du son du grisli espère voir venir à lui de nouveaux lecteurs. Au sommaire, quand même : Edgar Varèse, François Tusques, Tristan Tzara, Harutaka Mochizuki et Thomas Bonvalet, ainsi que 90 chroniques de disques. A noter que ce texte fait écho à deux livres publiés en français sur le sujet Nick Cave

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Factuel, certes. Sans grande invention ni parti-pris non plus. Si elle existe – c’est déjà ça et même : se fait de plus en plus rare –, la bibliographie ne renvoie qu’à une vingtaine de références et oublie parfois de citer celle-ci (publiée chez Camion Blanc) ou cette autre (Wikipedia) que le livre résume à telle ou telle de ses 300 pages. Mais tout est là quand même.

Christophe Deniau – qui avait notamment signé Downtown Manhattan 78-82 – raconte donc l’histoire de Nick Cave. Voilà un sujet d’importance, un sujet à soumettre n’importe quel biographe. Alors Deniau déroule : la formation de The Boys Next Door fomentée avec Mick Harvey à la Caulfield Grammar School, sa transformation en ce Birthday Party qui quittera l’Australie pour l’Europe – Londres puis Berlin –, la signature avec Mute qui ne publiera qu’un seul et unique disque de The Birthday Party, combien de temps exactement avant sa dissolution ?

C’est ensuite un contrat avec le même label que Nick Cave doit honorer : avec quelques-uns de ses « anciens » partenaires, il enregistre From Her to Eternity et le reste est une histoire connue de tous, en tout cas dans ses grandes lignes. Nick Cave and the Cavemen puis Nick Cave and the Bad Seeds : la musique gagne en profondeur ce qu’elle perd en violences, en tout cas jusqu’à Murder Ballads. A l’inspiration provoquée par sa rencontre avec Blixa Bargeld succède celle, moins vindicative, née de son rapprochement avec Warren Ellis – c’est alors surtout Grinderman qui intéresse. Et puis Nick Cave perd un de ses jumeaux, et il écrit encore. C’est alors l’enregistrement de Skeleton Tree, au son duquel termine le livre de Deniau. La messe est dite. Deniau y a servi efficacement, de moments d’exaltation en longueurs inévitables – le décorticage de dispensables musiques de films, par exemple.

Pour les images, le lecteur pourra aller voir dans Mute, le label indépendant depuis 1978 -> demain. Ecrit par Daniel Miller, le fondateur du label, en collaboration avec Terry Burrows, l’épais ouvrage a été pensé pour raconter « visuellement » l’histoire du label. Les récits et anecdotes fleurissent cependant entre photos de musiciens et pochettes de disques estampillés Mute et associés (The Grey Area, Novamute, First, Blast First, 13th Hour…).

En ce qui concerne Nick Cave – musicien particulier qui fait ici bon ménage avec le fer de lance Depeche Mode, mais aussi Smegma, Swans, Wire, Can, Einstürzende Neubauten, Pan Sonic, Add N To (X)… –, ce sont là des photos de The Birthday Party en concert, des projets d’affiches et la reproduction de la pochette de Mutiny!, seul disque du groupe – augmenté de Blixa Bargeld – à avoir été produit sur Mute. Ensuite, ce sont de Nick Cave and the Bad Seeds et de Grinderman d’autres affiches et d’autres couvertures de disques et le propos de designers qui révèlent de quelle manière l’ancien étudiant des beaux-arts que fut Nick Cave envisage la conception graphique. C’est dire si l’ouvrage publié avec soin par E/P/A devrait lui plaire.

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ANBB : Ret Marut Handshake (Raster Noton, 2010)

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Tout bien réfléchi, la collaboration entre  alva noto / Carsten Nicolai et Blixa Bargeld fait partie de l’ordre naturel des choses – tels les deux pôles d’un même globe tournoyant autour d’un axe Berlin-Chemnitz.

Admirable créateur de beats qui assèchent les marais pour mieux donner l’envie putride de secouer les muqueuses, le co-boss du label Raster-Noton n’est pas à son coup d’essai en matière de duo incandescent. Un coup dans le rétro, pas trop loin ? Mais oui, vous y êtes, c’était en 2008, année de sortie de l’importantissime unitxt (notre incontestable album de cette année-là). Et qui trouvait-on au micro aux côtés de M. Nicolai ? Le poète français Anne-James Chaton et son timbre grave, au flow inimitable récitant des billets d’avion et des numéros de cartes de crédit trouvés dans la poche de l’homme de l’ex-Karl-Marx-Stadt.

Figure éminente du Kreuzberg des années 80 à l’ouest du Mur jusqu’aux scènes internationales de notre temps (des sold out réguliers à l’Ancienne Belgique de Bruxelles, par exemple), Blixa Bargeld préside aux commandes d’Einstürzende Neubauten avec une telle régularité dans l’exigence sonore que son seul nom est devenu synonyme de légende. Auteur de morceaux de bravoure inégalés, quel que soit le côté du Rhin – citons en vrac des titres tels que Meine Seele Brennt ou Halber Mensch – le spoken word du Berlinois prend évidemment toute sa place revendicatrice aux côtés de la pyromanie technoïde d’alva noto.

Réellement impressionnant de diversité, le maxi-45 T (oh, doux terme vintage) Ret Manut Handshake explore diverses facettes d’une musique made in Germany anno 2010. Abordant l’allemand ou l’anglais – dont une reprise terrrrrrrible de l’air traditionnel américain I Wish I Was A Mole In The GroundNicolai et Bargeld témoignent d’une formidable complicité tout au long des cinq titres. Qu’il s’agisse d’une construction autour d’un squelette techno (le morceau-titre), ou d’une mélopée néo-classique aux inquiétants contours electronica (Bernsteinzimmer), les dimensions hors-normes du projet le rendent dès aujourd’hui pleinement indispensable.

ANBB : Ret Marut Handshake (Raster-Noton / Metamkine)
Edition : 2010.
CD : 01/ Ret Marut Handshake 02/ One 03/ Electricity Is Fiction 04/ Bernsteinzimmer 05/ I Wish I Was A Mole In The Ground
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli



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