Arnold Dreyblatt, Megafaun : Appalachian Excitation (Northern Spy, 2013)
Si Jim O’Rourke signe les courtes notes de pochette d’Appalachian Excitation, est-ce que le folk moderne de Megafaun et l’excentricité minimaliste d’Arnold Dreyblatt – ancien élève de Pauline Oliveros, La Monte Young et Alvin Lucier, qui dut souvent inventer les instruments capables de donner corps à son invention sonore – ont su y trouver un équilibre ?
A l’ « excited String Bass » (qui pourra nous renvoyer à l’Orchestra of Excited Strings qu’il fonda à la fin des années 1970), Dreyblatt s’applique en compagnie du jeune trio (lui aussi obnubilé par les cordes : guitares, banjo, basse, mandoline…) à une musique aux mélodies simples qui pêche en différents lacs (post-rock, folk, pop, drone…). Si quelques sonorités relèvent l’ensemble et si l'on trouve même un certain plaisir à entendre cet étrange Edge Observation qui croise bourdons, harmoniques et parasites, l’essentiel de l’ouvrage se satisfait de marches aux idées minces mais exploitées jusqu’à la corde. Des longueurs, en conséquence, et lorsqu’une idée se concrétise, voici que Dreyblatt et Megafaun l’abattent comme d’autres assomment la truite.
Arnold Dreyblatt, Megafaun
Home Hat Placement
Arnold Dreyblatt, Megafaun : Appalachian Excitation (Northern Spy)
Enregistrement : 10 septembre 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Recurrence Plot 02/ Home Hat Placement 03/ Edge Observation 04/ Radiator
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Alvin Curran : Shofar Rags (Tzadik, 2013)
Le livret de cette nouvelle référence de la série Radical Jewish Culture du label Tzadik le rappelle : « depuis 1965, Alvin Curran fait de la musique avec toutes sortes de sons, d’instruments, avec tout le monde, en tous endroits, tout le temps. » Il semblerait que le compositeur se penche depuis la fin des années 1980 sur le chophar, cet instrument des temps anciens. Or, son Shofar Rags me l'assure : il en joue depuis la nuit des temps.
Ce qui ne l'empêche pas de composer en homme nouveau, puisant dans ses archives sans fond quand il ne se satisfait pas d’être bien entouré par Arnold Dreyblatt à l’accordéon, William Winant au « large tam tam » et Michael Riessler à la clarinette soprano. L’idée étant de faire naître d’un instrument biblique une mélopée moderne, de déblayer un folklore antique qui en revient aux prières les plus mystérieuses et à la prosopopée. Mettre au jour grâce à un instrument des sables une musique électroacoustique des plus alertes. Deux, trois, quatre notes suffisent au chophar pour envoûter une assistance qui prendra la fuite quand chargera un troupeau d’éléphant et une ribambelle d’oiseaux.
Loin, très loin, des joliesses ECM, Curran aborde le champ folk atmosphérique à la barre d’un paquebot-arche brinqueballé par l'instabilité de son imagination. D’étranges voix de moines regrettent peut-être que le recueillement ne soit pas plus sérieux, mais mille collages ont pris le dessus, la procession musicale est profonde et/ou merveilleusement loufoque. A l’image peut-être du monde dont Curran dit qu’il est sa langue maternelle, un monde qu’il ne cesse d’accorder à sa propre fantaisie.
EN ECOUTE >>> Alef Bet Gimmel Shofar
Alvin Curran : Shofar Rags (Tzadik / Orkhêstra International)
Edition : 2013
CD : Shofar Rags
Héctor Cabrero © Le son du grisli