Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Akio Suzuki, Lawrence English : Boombana Echoes (Winds Measure, 2012)

akio suzuki lawrence english boombana echoes


On peut voir ici ou ci-dessous à quoi ressemble l'analapos, création d'Akio Suzuki et instrument de lui seul. Qui voudra l'entendre pourra appuyer , où l'on trouve un enregistrement de l'instrument par Eric La Casa, essayer de mettre la main sur de vieux vinyles du maître (Analapos, premier de tous) ou plus simplement commander Boombana Echoes, souvenir consigné sur disque d'une collaboration avec Lawrence English, datée de 2005.

En concert, l'électronique gonflée de field recordings d'English se laisse envahir par un halètement, un chant miniature que l'on boucle, deux à trois notes fredonnées, toutes propositions sonores développées par un écho fantastique (celui de l'analapos en question) qui peut évoquer celui des territoires immergés de Michel Redolfi. Loin de l'ambient léchée souvent commise par English, l'enregistrement met la voix et ses transformations au centre de ses préoccupations : illustratif, voire devenu simple accompagnateur, l'Australien gagne étrangement en présence.

EN ECOUTE >>> Ficus Watkinsiana (extrait)

Akio Suzuki, Lawrence English : Boombana Echoes (Winds Measure / Metamkine)
Enregistrement : décembre 2005. Edition : 2012.
CD : 01/ Ficus Watkinsiana 02/ Manorina Melanophrys 03/ Eucalyptus Signata
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



John Butcher : Resonant Spaces (Confront, 2008)

john butcher resonant spaces

Depuis une trentaine d'années, le saxophoniste anglais John Butcher a imposé sa signature comme une des plus singulières de la musique improvisée, notamment par ses innombrables collaborations avec Derek Bailey, The EX, David Sylvian, Joe McPhee ou encore Fennesz. En se produisant dans des galeries d’art, des grandes et petites salles de concert et des sites naturels, il est parvenu à s'adapter, de manière stupéfiante, aux espaces les plus divers, en faisant de réels partenaires de jeu. Armé de son seul saxophone, il construit ainsi des textures et autres subtils effets de résonance, à chaque fois propres aux lieux visités.

A la faveur d'un projet mené en parallèle avec l'artiste Akio Suzuki en 2006, différents édifices naturels ou construits par l'homme dans l'arrière-pays écossais ont été investis pour leurs propriétés acoustiques exceptionnelles. Butcher a par exemple joué sur le site néolithique des pierres levées de Stenness (dans les Orcades), dans l'ancien réservoir de Wormit, dans la Tugnet Ice House et dans la grotte de Smoo. Les sons captés dans ces « resonant spaces » sont d'une puissance et d'une amplitude sans commune mesure, faisant de leur écoute une expérience tant physique qu'esthétique. John Butcher alterne sifflements quasi inaudibles, larsens et « chants » de souffle circulaire. A posteriori, on rêve d'avoir assisté in situ à ces performances.

Un des lieux visités, le Hamilton Mausoleum, mérite qu'on s'y arrête un instant. Edifié entre 1842 et 1858 pour accueillir le sarcophage égyptien de l'excentrique Duc Alexandre, ce bâtiment est un des plus grands mausolées au monde. Entreprise mégalomane d'un prix apparemment exorbitant pour l'époque, il comprend des sculptures inspirées de l'art antique que le Duc connaissait bien grâce à son activité de pourvoyeur d'œuvres d'art pour le British Museum. Cette architecture d'exaltation de la mort et de l'éternité présente également la particularité d'avoir un des plus longs échos que l'on puisse initier dans un bâtiment en Europe. On comprend donc que le mausolée ait été transformé en « scène » par le musicien.

Il y a quelque chose d'ironique dans l'utilisation d'un espace dévoué à la négation du temps pour y jouer de la musique, qui, on le sait, ne peut se développer que dans la durée. Telle la mouche posée sur un fruit en voie de putréfaction ou la corde cassée d'un instrument abandonné d'une nature morte, le son créé dans ce contexte, réverbéré et donc prolongé, souligne la Vanité du lieu, par sa beauté mouvante et fuyante.

John Butcher : Resonant Spaces (Confront)
Enregistrement : 2006. Edition : 2008.
CD : 01/  Sympathetic Magic (Stone) 02/ Calls From A Rusty Cage 03/ Wind Piece 04/ Floating Cult 05/ Close By, A Waterfall 06/ New Scapa Flow 07/ Styptic 08/ Frost Piece 09/ Sympathetic Magic (Metal)
Alexandre Galand © Le son du grisli

field recording a galand

Ce texte est tiré de Field Recording, l'usage sonore du monde en 100 albums, ouvrage d'Alexandre Galand, ancienne plume du son du grisli et surtout grand connaisseur de Maîtres fous, qui paraît ces jours-ci aux éditions Le Mot et le Reste.

 

 


Akio Suzuki, Aki Onda : Ke I Te Ki (Room40, 2018)

akio suzuki aki onda ke i te ki

De la collaboration qu’Akio Suzuki et Aki Onda ont entamée voici cinq ans, le label Oral avait rapporté Ma ta ta bi, souvenir d’une promenade « à l’écoute » faite par le duo dans une usine désaffectée de la banlieue de Bruxelles. C’est ici un environnement moins hostile que les deux hommes ont eu, à l’automne 2015, à cœur de faire chanter : Emily Harvey Foundation, loft de New York ayant jadis abrité George Maciunas.

Puisqu’il n’est donc pas celui d’un oiseau, il faudra déterminer l’origine du sifflement qui ouvre Ke i te ki, terme qui désigne en japonais le son d’une alarme ou un sifflet utilisé pour alerter, explique Aki Onda. C’est là un signal qui indique qu’après s’y être préparé une journée durant, les musiciens ont commencé leur exploration : à l’écoute encore et répondant cette fois aux conditions du concert devant un petit comité, ils composent trois pièces qui épousent et l’heure et l’endroit.

Sous ce premier sifflement, étrangement musical, Akio Suzuki et Aki Onda déposent bientôt une basse continue : alors l’aigu est passé en machine tandis que des enregistrements de terrain – les micros sont partout, pour augmenter les sons archivés – sont projetés à la volée. Les musiciens eux-mêmes volettent maintenant, puis tourbillonnent au son d’une électronique importune et parmi le chant d’une pierre, le froissement d’un papier, les cris d’un bestiaire éparpillé… Ils font du beau avec du « là », et saisissent à force de qui-vive.

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Akio Suzuki, Aki Onda : Ke i te ki
Room40
CD : 01/ Ke I Te Ki 02/ Yo Ru No To Ba Ri 03/ Hi Ka Ri
Edition : 2018.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


John Butcher, Akio Suzuki : Immediate Landscapes (Ftarri, 2017)

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La tournée « Resonant Spaces » date de juin 2006, qui a emmené John Butcher et Akio Suzuki à travers l’Ecosse – et ce, jusqu’aux Orcades – jouer, seul ou en duo, en plusieurs endroits « résonant » dont les noms donneront leur titre aux cinq premières plages d’Immediate Landscapes : Wormit Reservoir, Fife ; Hamilton Mausoleum, South Lanarkshire ; Smoo Cave, Durness, Highlands ; Tugnet Ice House, Spey Bay, MorayLyness Oil Tank, Island of Hoy.

Ce n’est bien sûr pas la première fois que John Butcher (Resonant Spaces en solo, Cavern with Nightlife, seul ou avec Toshimaru Nakamura…) et Akio Suzuki (la quasi-totalité de sa discographie) interrogent l’espace qui les entoure, et leurs manières de procéder peuvent s’entendre. C’est donc, à chaque fois, d’abord un travail de prospection que le premier réalise aux saxophones et le second aux objets, à l'analapos ou à la voix. Ensuite, ce sont des dialogues que l’un espère, que l’autre imagine, et vice-versa, selon l’écho (saisissant, celui de l’Hamilton Mausoleum) ou diverses surprises.

De souffles en peine en interjections autoritaires, Butcher tourne souvent sur lui-même et accueille dans sa danse ici la voix de fausset de son camarade, là le battement de quelques-uns de ses objets, ailleurs encore la respiration de pierres dont il a certainement tout juste rempli ses poches. Puisque c'est là une des caractéristiques fondamentales de la poésie du duo : faire avec ce qui l’entoure, envisager ses possibles chants et s’évertuer alors à les faire entendre.

Après ces cinq courtes plages – de cinq à huit minutes –, le disque rend un duo enregistré par les mêmes au Ftarri Festival, organisé à Tokyo en 2015. Vingt-cinq minutes, cette fois, qui ont des airs de répertoire de sons inusités : le ténor vague ainsi parmi ce qui fait l’effet d’une guimbarde crépitante, de sifflements d’oiseaux ou de mystérieux craquements. Sans l’image, l’enregistrement interroge souvent, d’autant que Butcher peut parfois donner l’impression de s’y être égaré. Or, l’instant d’après, le voici qui épouse tel timbre incongru ou suit tel rythme minuscule : emboîtant le pas à l’iconoclastie de Suzuki, il s’y abandonne et la multiplie.

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John Butcher, Akio Suzuki : Immediate Landscapes
Ftarri / Metamkine
Enregistrement : juin 2006 / novembre 2015. Edition : 2017.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

 

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Akio Suzuki, Aki Onda : ma ta ta bi (ORAL, 2014)

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Trois heures durant, Akio Suzuki et Aki Onda ont, le 30 juin 2013, arpenté ce qu’il reste d’une usine désaffectée de la banlieue de Bruxelles. A leurs instruments traditionnels (Analapos et pierres pour le premier, radios, ampli et walkmans pour le second), ils ajoutèrent quelques outils trouvés sur place : clous, planches de bois, bouteilles vides… Enregistrée, la performance est aujourd’hui rendue, réinventée aussi.

Dans la brochure d’une vingtaine de pages qui accompagne (renferme, même) le disque, une conversation est retranscrite. Les deux hommes se souviennent là de cet environnement particulier qu’il s’agissait de révéler par le son, hostile – pollution industrielle – mais confident, et disent l’importance de l’écho dans leur pratique sonore.

Sur disque, maintenant. Dans le même temps qu’il interroge l’acoustique de l’endroit, le duo recueille et parfois transforme ce que ce même endroit a à dire ; à ses captures, mêle ensuite ses propres respirations : inventions in-situ et inspirations « sur place ». Comme la trace sonore laissée au sol par le passage d’un avion, le chant de l’Analapos, le bruit de gestes concrets ou la voix de mystérieuses cassettes, prennent alors place sur un air de fabuleuse cantilène : ma ta ta bi.

écoute le son du grisliAkio Suzuki, Aki Onda
ma ta ta bi (extraits)

Akio Suzuki, Aki Onda : ma ta ta bi (ORAL / Metamkine)
Enregistrement : 30 juin 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ ta bi no ha zi ma ri 02/ do ko ka ra 03/ ma ta ta bi 04/ do ko e 05/ fu ta ta bi 06/ ta bi no ha te
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Junko Wada: Music Dances Itself (Sonic Arts Network - 2006)

wadasliCarte  blanche  et  sonore  donnée  à  l’artiste  Junko  Wada – pratiquant la danse et responsable depuis plus de vingt ans de performances singulières -, Music Dances Itself expose un panorama charmant de musiques minimalistes et percutantes.

En dix titres, Wada décline sa sélection de musiques capables de l’inspirer. Improvisations ou collages installés au creux d’enregistrements champêtres (celles du flûtiste Akio Suzuki ; ceux d’Arno P. Jirir Kraehahn), odes à l'abstraction confectionnées à partir de pratiques instrumentales originales (David Moss, Arnold Dreyblatt) ou compositions électroacoustiques plus méthodiques (Werner Durand).

Et puis, évidemment, quelques pièces rythmiques, élaborées selon différentes méthodes : bourdonnements marquant bientôt la cadence de Gordan Monahan, électronica burlesque du Supafly RMX de Kraehahn, ou prosodie arrangée au piano par Arnold Dreyblatt.

Affaiblie par trois choix moins judicieux – expérimentations prosaïques rassemblées, pour plus de commodité sans doute, en fin de compilation -, Music Dances Itself peut tout de même se prévaloir de révéler quelques musiciens rares, transcendés par une pratique adroite des musiques expérimentales.

CD: 01/ Arno P.Jiri Kraehahn: Sequined Seed Pply 02/ Werner Durand: Hearthunters 03/ Akio Suzuki: Tanabata 04/ Gordan Monahan: Speaker Swinging 05/ David Moss: ...Leaning Into The High Grass… 06/ Arno P.Jiri Kraehahn: Supafly RMX 07/ Arnold Dreyblatt: Nodal Excitation 08/ Rolf Julius: Walzer für ein Dreieck 09/ Christina Kubisch: Circles 1 10/ Hans Peter Kuhn: Chidori IV-2

Junko Wada - Music Dances Itself - 2006 - Sonic Arts Network.



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