LDP 2015 : Carnet de route #7
Quelques jours d'absence, et c'est déjà la reprise pour Urs Leimgruber, Jacques Demierre et Barre Phillips (ou LDP Trio). Reprise de la tournée Listening ; reprise, alors, du carnet de route !
27 avril, Budapest, Hongrie
Voyage / Travel
Time to join up again with Jacques and Urs. How many days cleaning Black Bats' cage?
Are the strings still supple? What not to forget to put in the suitcase? Now all these damn meds. And a load of books, just in case someone's interested. Gonna be hot, cold, rainy? Take it all, use the huge suitcase. Now, where did I put those tickets and the senior cards? Ma, can you drive me to the station?
The usual place in the handicap car is available. No handis today. Pardon me, excuse me... there, the bass is fixed for the trip. Geneva, an easy station, no stairs. Roll'em all the way. And that good coffee shop just opposite quai 7. MMMMMM! Damn, going all the way to Budapest by train. Five of them. Thirty hours door to door. For just an hour's concert? Naw, there's a workshop too. Name of the game. Budapest - love it.
B.Ph.
Einen Monat später treffen wir uns um 07:15 Uhr am Bahnhof in Luzern wieder. In Zürich steigen wir in Richtung Wien um. Es gibt Tage wo wir nur reisen.
Heute ist ein solcher Tag. 12 Stunden sind wir im Zug unterwegs. In Wien steigen wir ein weiteres Mal in Richtung Budapest um. Am Zielort Keleti Palyaudvar sollten wir aussteigen, um vom Veranstalter abgeholt zu werden. Der Zug hält heute da nicht, sagt uns der Schaffner. Also steigen wir in Köbanya-Kispest aus und fahren mit dem Regionalzug zurück nach Kelenföld. Im neuen, grossräumigen Bahnhof angekommen, bringt uns ein Taxi nach Budapest zum Hotel. Mit der Fahrerin einer Ungarin, die lange Zeit vor der Wende in den USA gelebt hat unterhalten wir uns angeregt in perfekten Englisch. Nach einem Humus-Teller mit Bier geht es anschliessend ab in die Klappe. Das ist genug für heute.
U.L.
Le train est un espace mobile. Mobile et hétérotopique. Un lieu autre entre deux lieux, un espace où l'imaginaire se retrouve sans limite. C'est dans cet emplacement, où l'utopie loge, que les trois derniers pianos joués me sont apparus comme les caractères d'une écriture – chinoise ? – surgissant devant moi : le RIPPEN, bel canto, 211752, premier objet aperçu dans la trouée murale et zürichoise de Sieb & Brot, le Yamaha, G2, E 2522324, que j'ai préféré, pour les possibilités offertes par l'horizontalité de ses cordes, à un piano droit placé à l'arrière-scène du club Metro, à Beyrouth lors du festival IRTIJAL, et le paisible Schiedmayer & Soehne, sur lequel je travaille à la maison la lenteur du geste et la rapidité de l'écoute en me superposant aux voix radiophoniques de France Culture, aux chants des oiseaux du parc Geisendorf et aux cris des enfants montant du préau jouxtant mon immeuble.
Images déroulant une calligraphie pianistique, où chaque piano est un nouveau caractère, en noir et blanc, un bloc de temps cadré autour d'un son central, yin/yang sonore au sein d'une continuité sans fin. Jouer ces pianos, et tous les autres, l'un après l'autre, années après années, c'est déployer l'écriture de sa propre histoire dans un tempo lent, caractère après caractère, traçant son propre texte de vie et le découvrant tout à la fois. Récit qui reste à décrypter… comme il nous reste encore à comprendre pourquoi l'arrêt budapestois Keleti Palyaudvar, destination finale de notre voyage, avait subitement disparu, après 12 heures de rails, de la feuille de route du train hongrois dans lequel nous venions de monter à Vienne...
J.D.
28 Avril, Budapest, Hongrie
Master Class
The young lions of Buda. There is hunger here but some how it's soft, it's palette hunger not belly hunger. A lack of immediateness, urgency, life&deathness. Do you know that it doesn't get any better than today? Today's the last chance.
Good technical level in general. Alertness on the idea front. Quite interested in "how it works". Students and young professionals – about 50/50. One lady visual artist (very interesting approach to sounding). Beginnings of climbing out of a hole but even so, too comfortable.
B.Ph.
Patyolat ist ein neuer Kulturraum für Ausstellungen, Klanginstallationen und Konzerte in Budapest. Hier leiten Barre, Jacques und ich heute Nachmittag gemeinsam eine Masterclass zum Thema Solo in der freien Improvisation. Die Teilnehmer sind Musikstudenten und professionelle Musiker. Das technische Niveau ist erstaunlich hoch, wie oft bei ausgebildeten Musikern. Die Erfahrung im Umgang mit freier Improvisation im Sinne des instant composings ist beschränkt und unerfahren. Dennoch ist es äusserst interessant wie verschieden und individuell diese Aufgabe von den MusikerInnen gelöst wird. Die meisten präsentieren ihr Können mit Spielweisen die sie kennen und mit Ausschnitten ihres Repertoirs im Umgang mit Klang. Keiner von Ihnen improvisiert in dem Sinne frei, während des Spielens mit Klängen Unvorhergesehenes zu entdecken. Das ultimative Hören mit Körper und Seele wird von den wenigsten konsequent praktiziert. Loslassen, nach Gehör spielen, weniger denken und nicht komplett expandieren wäre ein sinnvoller Ansatz um weiter zu gehen.
U.L.
Sur la scène de Patyolat, lieu budapestois en devenir, deux instruments. Plaqué au mur, un piano droit Rösler, 10128, Opus no 11048, "très vieux, mieux vaut ne pas y aller trop fort", me conseille l'organisateur de la master-class. Se réfère-t-il au fait que ces pianos, qui affichent aussi, suivant l'inscription, un G. avant Rösler – G. pour Gustav – ont été anciennement conçus et réalisés dans l'usine Petrov, en République Tchèque, alors qu'aujourd'hui ils sont produits en Chine ? La question aussitôt posée est aussitôt abandonnée, car découvrant sur la droite du clavier une sorte de tirette dorée, à action mécanique, portant le nom de Moderator, j'actionne cette manette, et imagine instantanément son effet sur les relations en cours de jeu entre les différentes variables du son. Mais la tirette ne répond pas, l'effet reste imperturbablement muet. Quoi qu'il en soit, même s'il ne s'agit en fin de compte que d'une simple sourdine, ce piano Rösler reste, au sens propre du terme, une boîte à musique. Qu'un piano soit muet ou sonore, il est habité par un son qui demeure potentiellement et physiquement présent. Le piano à queue placé au centre de la scène et recouvert d'une couverture noire, en simili-cuir et matelassée, un Yamaha, NO. G7, NIPPON GAKKI S.K.K. semble confirmer mon intuition. Au moment d'ôter sa couverture, il me vient à l'esprit une oeuvre de Joseph Beuys, Infiltration homogène pour piano à queue, où un piano est entièrement recouvert de feutre gris et porte une croix en tissu rouge sur un de ses flancs. Protégé ainsi par un isolant thermique, le piano est de ce fait aussi isolé acoustiquement du reste du monde. Ce geste d'étouffement raconte paradoxalement le son à travers la mise en scène du silence : le son ne prend-il pas appui sur le silence pour apparaître et n'a-t-il pas besoin du silence pour concrétiser sa propre disparition ? La vision d'un piano calfeutré et isolé de son propre contexte acoustique a toujours fait naître en moi un sentiment étrange d'une grande solitude un peu nostalgique. C'est précisément ce sentiment qui a resurgit à l'écoute d'une des participantes à la master-class. Artiste visuelle, sans maîtrise technique de l'instrument piano, elle a réussi à montrer une adéquation rare entre ses dispositions personnelles, son écoute et sa réalisation sonore. Un équilibre qui n'existe que dans sa remise en jeu renouvelée.
J.D.
Photos : Jacques Demierre