LDP 2015 : Carnet de route #23
La deuxième agglomération des États-Unis a été fondée en 1781 par les Espagnols. Construite selon un plan en damier, traversée d'autoroutes, elle s'étend aujourd'hui sur une centaine de km d'O. en E. et sur une cinquantaine du N. au S. (Larousse). Jacques Demierre et Urs Leimgruber y étaient, le 21 octobre dernier - pour célébrer non pas les 234 ans de la ville, mais les 80 ans de Barre Phillips.
21 octobre, Los Angeles
Artshare
Um 7:30 Uhr verlassen wir mit unserem Toyota die Innenstadt von San Francisco und stürzen uns in die morgentliche „rush hour“. Wir haben Glück. Der Verkehr rollt relativ fliessend, bestehend aus tausenden von Fahrzeugen in unzähligen Strassen und Avenues. Das Geschehen ist unüberschaubar, ein spannendes und beeindruckendes Zusammenspiel von fahrenden Objekten. Wir erreichen den Airport International San Francisco pünktlich zum check-in. Wir reisen komfortabel, denn der Flug ist kaum besetzt und dauert eine Stunde und zwanzig Minuten. Ankunft in Los Angeles. Wir mieten auch hier einen Kleinwagen, mit dem Unterschied, dass hier die Kleinwagen grösser und luxuriöser und dennoch billiger sind als in SF. Wir fahren durch eine fast ländlich anmutende Landschaft via Glendale Boulevard zum Three Bedroom Home von Jeff Koch. Jeff ist Theaterfachmann. Er ist für drei Monate in Prag, um ein neues Stück zu inszenieren. Während dieser Zeit vermietet er seine Wohnung über Airbnb. Jetzt geht es Schlag auf Schlag. Eine kleine Mahlzeit beim Vietnamesen, ein kurzer „nap“. Nach einer Stunde stürzen wir uns in die „rush hour“ von LA. Um 19:00 Uhr erreichen wir den Konzertort Artshare. Andrew Choate begrüsst uns herzlich. Wir haben uns viele Jahre nicht mehr gesehen. Umso grösser ist die Freude und das Wiedersehen.
Artshare ist ein alternativer Kunst- und Kulturraum. Shelley Burgon ist zusammen mit ihrem Gitarristen am Soundcheck. Wir begrüssen die beiden Musiker. Anschliessend stimmen Jacques und ich uns ein. Der Konzertraum ist ein aus Holz gebautes akustisches Instrument. Wir sind sehr gespannt, wie es später im Konzert klingen wird. Das Duo mit Shelley spielt eine minimalistische Musik in der Tradition von La Monte Young und Terry Reily, eine harmonisch/melodische Klangmusik, ein kurzes Konzert von 30 Minuten. Nach einer Pause präsentieren wir das Video mit Barre. Jacques und ich spielen das erste Mal als Duo zum Video. Auf einem mal spielt das Trio....! Im Anschluss spielen wir eine lange Improvisation. Aus leeren Flächen blitzen erste Regungen. Wir setzen Klänge in den Raum und fallen in die Stille. Ein interaktiver, ein offener und kantiger Austausch. Die Musik führt durch fast Unhörbares zu kollektiven Klangerschütterungen. Total freie Improvisation, wir komponieren aus dem Moment mit gestischem Spiel und extremer Dynamik. Immer wieder ist Ruhe, leert sich der Gedanke.
U.L.
HUNGRY, BROKE, TIRED & ALONE, comme quatre balles en plein cœur, écrit à la main, en majuscules, sur un vieux carton posé sur les genoux d'une femme assise au bord d'un trottoir de San Francisco. Face à elle, à quelques mètres à peine, des néons lumineux tracent dans la nuit le nom de GIORGIO ARMANI et dessinent sur sa silhouette recroquevillée de subtils reflets de paillettes colorées à l'indécence choquante. La présence de cette femme, à même le trottoir d'un quartier branché et touristique de la ville, témoigne tragiquement du déséquilibre absolu et exponentiel qui touche le monde aujourd'hui. Parmi la multitude de homeless de tous âges et de toutes provenances peuplant les rues de ce quartier, cette image est celle de la rencontre insupportable entre l'argent issu des grandes compagnies à la finance ascensionnelle et la chute vertigineuse de toute une partie de la population. Une chute dans laquelle misère et folie se côtoient de plus en plus souvent, comme si le déséquilibre fatal contaminait autant les corps que les esprits. L'exemple est ici californien, mais cette violence capitaliste est mondiale. Que faire? Comment faire alors que nous acceptions journellement, par exemple, à travers la "gratuité" d'internet, de nous offrir candidement comme produits d'un capitalisme à haute dérégulation ? Les mouvements citoyens sont sûrement ce qui a surgi de plus intéressant comme réponse à cette situation d'urgence. Que faire comme musicien ? Que faire de mes sons ? Leur faiblesse est peut-être leur force. Leur absence d'effets directs sur la société et sa violente complexité ouvre en contrepartie un espace de réflexion peu commun. SI l'engagement dans le son n'est le plus souvent pas directement social - il l'est encore et l'a été dans certains contexte - il n'est pas pour autant dénué de sens. Que ce soit au niveau de la structure interne du son ou à celui de son positionnement dans la société, nous avons finalement souvent le choix entre nourrir un système profondément inégalitaire ou proposer un lieu de questionnement et de transformation.
Comme en écho à ces pensées, le jour suivant, le concert organisé à Los Angeles par Unwrinkled Ear Productions fut un example d'engagement, à la fois artistique et social. Structure nomade, Unwrinkled Ear programme dans différents lieux de la ville : ce soir-là, Artshare, un "community art center". Les mots que Andrew Choate, responsable de Unwrinkled Ear, musicien et écrivain, utilisa un jour pour décrire la matière sonore mise en jeu par le trio me paraissent aujourd'hui évoquer le réseau de potentialités que le travail avec le son engage, qui vont de la résistance à l'utopie : A convivial need to unearth and upend the fibers of social reality pervades the atmosphere: the piano-bass-sax trio appears to be enjoying the acting out of their blistering urge to understand the foundations of human behavior as it relates to audible sound, even if the act itself sounds desperate, yearn-ridden, compromised. The idea of 'compromise' in artistic realms is loaded with negative connotations, but here it is experienced as both the celebration and tragedy that it truly is, as internal thoughts and feelings are translated into external sounds and actions. Even though music, by its nature, is continuous, this is the music of a paused shattering. Kissy-mouth sounds and barely-made-it-out-alive-from-the-cave squawks alternate with big-buzzed piano string thwacks and long, softly sustained chords, trickle, trickling, trickle. The interactive style is not really direct or laminal, but hinted-at-connected. The tension that feeds even the most seemingly innocent interactions does manifest itself, but it's like watching a pleasant underwater coral scene: sudden, violent feeding sessions erupt amid an ultimate equanimity. Threats are constantly implied, color and vibrancy are always everywhere.
J.D.
PS : Un spectateur, John, me demanda après le concert si j'avais aimé le piano. C'était un W.W. Kimball C.O., Chicago, U.S.A., lequel, en-dessous de l'énumération de quelques distinctions soigneusement mises en valeur, portait en inscription sur la table d'harmonie la mention suivante, "The only manufacturers thus honored". Je n'ai pu que lui répondre qu'il m'était impossible de lui répondre, car la mémoire des nombreux pianos que j'ai eu l'honneur d'approcher se construit en moi plutôt en buisson foisonnant qu'en excellence pyramidale.
Photos : Jacques Demierre