Harutaka Mochizuki : Doppelgänger ga boku wo
Mai 2023. C’est quelque part – ici un studio d’enregistrement de Metz – une façon qu’a trouvée Michel Henritzi de continuer à faire chanter Harutaka Mochizuki : en marge d’une tournée en France et en Angleterre d’une dizaine de dates (rappelons que leur duo au Mans est à entendre sur Nagori), le guitariste envoyait le saxophoniste en studio.
Chanter, donc : trois fois la voix d’Harutaka se pose sur un clavier de rien, nez sur les touches évoque Giacometti et Genet, interprète plus loin sur un accompagnement de karaoké Woman "W no Higeki" Yori de Yakushimaru Hiroko. L’air est toujours triste, l’interprétation naïve ; mais dans ces textes ce sont les points de suspension qui comptent. Ce qu'il y avait dans ce silence? Probablement une question, écrivait Maurice Blanchot.
Improviser, aussi : le saxophoniste et le doppelgänger annoncé enregistrent à l’alto, l’un après l’autre, deux prises qu’il s’agira d’arranger ensuite sur une seule – on se souvient alors des re-recordings de Blue Boyé de Julius Hemphill ou de Soliloquy de Paul Dunmall. Mochizuki reprend son souffle là où il l’avait laissé : le premier saxophone est sinueux quand le second rechigne, semblant hésiter entre épouser l’allure de celui qui le précède ou s’y opposer tout de go. Heureusement, le musicien œuvre ensuite avec grâce à leur entente ; heureusement encore, jamais doppelgänger n’a été si arrangeant, prévenant même. Comme l’illustre aussi la couverture du bel objet que le label an’archives en a fait, le disque est là pour le prouver.
Guillaume Belhomme © le son du grisli zombie 2024