Laurent Rochelle: Conversations à voix basse (Linoleum - 2005)
Jouer d’une douzaine d’instruments aide sûrement à s’attaquer seul à l’enregistrement d’un album. Ainsi, Laurent Rochelle, musicien jamais inquiété à l’idée de déserter le cadre d’un instrument unique, posait en 2003 dix compositions en guise de Conversations à voix basse.
De ce que le re-recording permet à tout un chacun – soit, insuffler à un enregistrement l’intervention d’une infinité possible de Moi -, Rochelle a su ne pas abuser. Tissant quelques fonds répétitifs au son d’une clarinette basse rappelant Louis Sclavis ou le Portal de Burundi (Pink City, C’était janvier), commandant l’invasion de l’espace à quelques samples faits décorums (Samplétudes), le musicien attise ensuite le propos par des progressions raffinées de soprano ou de flûte bancale.
Les tentations free (Sur le fil) côtoient une valse que dépose un piano, bientôt avalé tout entier par la véhémence de quelques programmations (Diagonales). Les impacts de clefs d’un instrument à vent fantasment une cavalcade rangée sur Le cheval rouge, au thème bientôt étiré par Cold Water Buffalos, rodéo intense tissé d’entrelacs de clarinettes sur lesquels court un mélodica.
Moins convaincant lorsqu’il se laisse aller à des penchants tierseniens – mélodie sentimentaliste de Petits pas perdus, apte quand même à l’appogiature, et piano d’une naïveté roborative d’une Chanson pour l’hiver qui vient -, Rochelle s’en tire avec les honneurs lorsqu’il fait confiance à d’autres influences. Celle de Satie, par exemple, qui n’aurait sans doute pas renié l’amusante voix de fausset doublant comme elle peut le thème de Que ma joie se meure.
Encourageantes, au final, Conversations à voix basse. Apprendre à une écriture qui ne crache pas sur les mélodies à accepter une approche plus expérimentale de l’interprétation, à se contenter aussi d’un fond répété pour toute consistance propre à accueillir l’intelligence de quelques trouvailles fulgurantes. Le mélange réussi de choix que d’autres auront longtemps dit exclusifs, de peur sans doute d’avoir trop à faire.
CD: 01/ Pink City 02/ Diagonales 03/ Les petits pas perdus 04/ Sur le fil 05/ Samplitudes 06/ Le cheval rouge 07/ Cold Water Buffalos 08/ Chanson pour l’hiver qui vient 09/ C’était janvier 10/ Que ma joie se meure
Laurent Rochelle - Conversations à voix basse - 2005 - Linoleum. Distribution Les allumés du jazz.