Carl Ludwig Hübsch : Save the Abenland (Berslton, 2016)
C’est un enregistrement sur lequel Carl Ludwig Hübsch n’intervient pas. Au tuba, trente-trois minutes et quarante-cinq secondes durant. On l’entend parfois bouger un peu, très légèrement – pour ce faire, il faudra quand même pousser le volume. Entre un frottement involontaire et un bruit du dehors étouffé, on se concentrera sur la lecture des notes d’intention que le musicien a glissées dans le disque : non, 33:45 n’a rien à voir avec le 4:33 de John Cage ; précisions : « no cuts, no overdubs » et puis « as you might notice by close listening, it is completely improvised ».
Puisque l’humour n’interdit pas le sens, Hübsch révèle aussi que ce « nothing to play » dont le sous-titre est « a statement to the migration debate » constitue sa réaction à la xénophobie ambiante, en d’autres termes : il réclame le silence tandis que gronde un déluge hystérique d’inquiétudes déraisonnables. En objecteur de conscience, le musicien dépose les armes, pour être exact : un tuba.
Dans un court message qu’il m’écrit en français, Hübsch précise encore : « A part ça, c’est aussi intéressant d’écouter le silence ‘’réel’’ (joué) ». C’est cette fois le musicien qui parle : sans la question qu’il pose, sans doute aurait-on été plus sévère avec ce « silence joué » ; mais puisqu’il n’est pas même élément de musique, alors on voudra bien l’entendre et même le prendre en considération. Comme la « déclaration » qu’il compose.
Carl Ludwig Hübsch : Save the Abenland
Berslton
Enregistrement : 23 juin 2016. Edition : 2016.
CD : 01/ Save the Abenland
Guillaume Belhomme © Le son du grisli