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Le son du grisli

26 avril 2023

Akchoté / Henritzi : Pour et Contre > Loren Connors et Alan Licht

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A l’occasion de la parution, début mai, du livre Guitare Conversation de Noël Akchoté et Philippe Robertle son du grisli ressuscite le temps d’une autre conversation : celle à laquelle se sont livrés Michel Henritzi et le même Akchoté, qui compose au fil des impressions une discographie de la guitare jazz faite d’une vingtaine de références. Dix ont été choisies par Henritzi, dix autres par Akchoté, auxquelles réagissent ensuite l’un et l’autre. En introduction de ce long échange – que vous retrouverez compilé à cette adresse au son du grisli –, Noël Akchoté explique... 

En fait, ce qui me manquait au-dessus arrive ici, avec des subjectivités plénières et magistrales, donc uniques, incomparables. Jouer c'est jouer ce que l'on peut, autant ce que soit seul pourra, que tout ce qu'il ne pourra pas (du moins à l'instant où on l'écoute se jouer). Des gens comme Loren Connors et Alan Licht (chacun dans ses différences d'ailleurs) sont de ceux qui me donnent l'impression de jouer à chaque fois une infime partie d'un jeu qui dure une vie entière, des tranches de vie donc. C'est un jeu qui ne se cache pas, laisse tomber des déchets qui pourtant soutiennent le tout.

Joe Diorio disait : lorsque tu commets une erreur, redouble là immédiatement, ça fera un style. Chez Loren Connors tout un tas de petits détails, parfois des incapacités, un jack qui ne tient plus, qui s'interrompt, crisse, un doigt qui glisse, tout ça soutient l'ensemble, le pèlerinage et la route. En fait, ce sont des discours, ce que j'appelle une prise de parole musicale, où chaque note est un verbe, qui dit un tout.

Le jazz ça n'est que ça pour moi, pas du tout un style à codes, une checklist de points obligatoires à vérifier, mais une prise de parole unique, celle de chacun. Je sais que l'on voudra sans doute classifier un peu (tout de même) ces musiques mais lorsque je commence à prendre la route avec eux, tout cela n'existe plus, hormis deux individus, ensemble et que la musique porte, leur jeu découle de là, et rien d'autre. J'adore, point. J'aurais pu m'étaler sur Alan tout autant, qui est une grande et simple personne, rare. Noël Akchoté

J'aime beaucoup cette idée de déchets que tu évoques, qui est contraire à ce qu'enseignent les écoles de musique en Occident, trop obnubilées par l'excellence, la compétition. Faire taire ce qui n'est pas dans l'évidence d'une répétition maîtrisée, dans l'idée de perfection.

On rêve de partitions pleines de pattes d'oie, de taches, de déchirures, ou ces partitions entièrement noires que filait Takayanagi à ses musiciens. Et là, que ferait-il, ces élèves disciplinés et studieux ? Marc Ribot disait à peu près la même chose que Diorio, que plutôt qu'essayer d'éliminer ses erreurs, ses imperfections techniques, au contraire, il avait choisi de les accentuer, d'insister avec jusqu'à en faire son style.

Connors c'est pareil et ce n'est pas important de savoir si c'est un grand guitariste ou non. Il est unique malgré ou grâce à ses répétitions, reprises incessantes des mêmes thèmes, jeux, notes, mais aussi avec il y a tous ces accidents inattendus, magiques.

Connors au fond n'a enregistré qu'un seul disque, comme Derek Bailey, Bill Orcutt ou Jim Hall, recommencé à chaque fois, creusant toujours un peu plus profondément au fond de lui, d'eux. J'ai toujours préféré ces guitaristes seuls, plutôt qu'en duo ou en groupe, parce que du coup ça parle d'eux, vraiment d'eux et avec eux il y a nous, l'auditeur. Tu disais de la note qu'elle était un verbe, il faut juste trouver à l'accorder dans le bon temps, ou si on préfère le désaccorder alors tout est possible. Michel Henritzi

Image of A paraître : Guitare Conversation de Noël Akchoté & Philippe Robert

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