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Le son du grisli

20 décembre 2018

Jacques Demierre, Anouck Genthon : Tǝɣǝrit (Confront, 2018)

jacques demierre anouck genthon teyerit

Sur son « intérêt pour la voix, le rapport entre la langue et la musique, le lien avec l’expérience de la linguistique (…) et, par-dessus tout, le rapport au sonore que sous-tend l’universalité de l’expérience du langage, qui ouvre sur un champ de possibles où créer du sens, mettre en forme, composer avec des matériaux appartenant à des mondes différents »*, Jacques Demierre a bâti une partie de son œuvre. Et Tǝɣǝrit est l’une des références de cette partie.

Composé en compagnie du fidèle Vincent Barras et réinventé, en quelque sorte, au côté de la violoniste Anouck Genthon, Tǝɣǝrit délivre des messages qui nous échapperont forcément, autant sur la forme que sur le fond. S’il s’agit de Voyelles, c’est par exemple bien un mot qu’on croit ici entendre, un mot forcément déformé à loisir : d’ « orgie » en « bougie » possibles, l’auditeur hésite alors et, s’il tarde trop à prendre une décision ou si la prononciation à peine entamée d’un nouveau phonème le distrait, se fera reprendre d’un coup d’archet.

A défaut de pouvoir déchiffrer le langage parlé de Demierre – de sa nouvelle mouture, en tout cas –, s’inquiéter de hiérarchie. Ainsi le violon de Genthon semble-t-il encadrer les expériences du vocaliste en tenant compte de ses stratagèmes et de ses effets : un mot déformé, un cri soudain, un grognement, une interjection valant repli… L’archet peut être franc, gratter la corde de façon plus « expérimentale », imiter le shamisen, agacer le partenaire… Ainsi, malgré la différence des gestes et des formulations, voix et violon, violon et voix, tissent des entrelacs qui, peu à peu, structurent un réseau musical des plus attachant.

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Jacques Demierre, Anouck Genthon : Tǝɣǝrit
Confront
Enregistrement : 2017. Edition : 2018.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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