LDP 2015 : Carnet de route #2
Après Berne et St. Johann in Tirol, Listening amenait le trio ldp à Sion et Saint-Gall. Les impressions suivantes constituent la deuxième partie du carnet de route qu'Urs Leimgruber, Jacques Demierre et Barre Phillips tiendront jusqu'en décembre pour le son du grisli.
21 Mars, Sion, Suisse
Oeil&Oreille, Eglise des Jésuites
This marvelous old church with a whomping great Bosendorfer resounding in a very clear sounding nave. The Black Bat joined us but was content to sit on my shoulder and just marvel at the sounds that came from the three of us. Sion-ness - the country folk - the great food - let your hair down - no squawking - What a marvel it is to live in the light.
B.Ph.
Heute sind wir in Sittu (Walliserdeutsch), Hauptort des Kanton Wallis.
Da gibt es magische Momente. Die trockene Hallakustik der l’église de jésuites bietet uns fast unbegrenzte Möglichkeiten Klänge in den Raum zu setzen. Die altgedienten Priester sind ausgeflogen, seitdem finden in den Räumen der Kirche Konzerte, Konzertinstallationen und Ausstellungen statt. Kunstschaffende nehmen die Räume in Beschlag.
Ungehörtes und Ungesehenes, andere Rituale finden statt. VIVA LA MUSICA.
U.L.
Bösendorfer, Wien, 47708, 290-97. J’observe la réverbération du do grave, noir contre noir, frapper les parois de l’église des jésuites. Comme transpercé par une flèche du temps, à double pointe, qui me ramène à la couleur blanche de ce Rud. Ibach Sohn, 73684, joué il y a trois jours à Zürich. Les musiciens sont-ils vraiment les élus des dieux, comme l’affirme mon voisin de table quatari? Peut-être: alors que je culpabilisais après avoir cassé une corde aigue du Steinway & Sons, D, 398761, avant-hier à Freiburg i. Br., Mr Yamamoto, accordeur, m’a tranquillisé en m’assurant qu’il s’agissait d’une fatigue du métal, eine müde Saite a-t-il précisé.
J.D.
22 Mars, Saint-Gall, Suisse
KAF (KleinAberFein)
The birthdays, les anniversaires, die geburtztagen -
It's getting to be rather amazing – Running into people, from the audience, that you somehow but not really recognize – "You know I heard you play with the George Russel Sextet in Lausanne in 1964".
Already 50 years ago. Older people, who still look at the newspaper and see that so & so is playing. And, amazed, come to see an old hero. Another errant knight from the bygone days who allows us to say "just maybe our era in the 60's and early 70's was a unique time that we won't see again on the planet ever". So many keepers of the faith, spread along the byways, popping up, not just to reminisce, but to reconfirm spirit meetings that were so important at that time and seem even more pertinent today. And the birthdays call up these old pledges. It is very touching. Fly me to the moon!
Black Bat was there again and did squawk here and there. But he-she's cool.
B.Ph.
Der Kanton St. Gallen (schweizerdeutsch Sanggale, französisch Saint-Gall, italienisch San Gallo, rätoromanisch Son Gagl) ist ein deutschsprachiger Kanton im Nordosten der Schweiz. Hauptort ist die gleichnamige Stadt St. Gallen. Eine Stadt mit historischem Hintergrund. Weltbekannt sind die Stiftsbibliothek und die St. Galler Strickereien. Bekannt ist die Stadt seit den 70er Jahre auch für improvisierte Musik. Hier findet heute unser nächstes Konzert statt. Ein neuer Ort, ein anderer Raum, neue Gesichter, ein anderes Konzert.
U.L.
Schimmel, 1885, 305.197. Une carte de visite soigneusement posée sur la gauche du clavier confirme ce que les oreilles avaient déjà pressenti: Stimmung auf 442 Hz. Un peu haut l'accord. Un son brillant pour une salle blanche. Déjà en jeu, Barre, de quelques pas, rebat les cartes, déploie le piano au centre du trio. Nouvelle topographie, le paysage est sonore, toujours, mais autre. La localisation initiale une fois retrouvée, rien ne sera plus comme avant. Ralentir la cadence, ralentir la fréquence.
J.D.
Photos : Jacques Demierre
Ideal Bread : Beating the Teens / Songs of Steve Lacy (Cuneiform, 2014)
Pas toujours évident de délivrer le « pain idéal ». Steve Lacy n’a fait que cela : pétrir, brasser, agiter, secouer ce satané ideal bread. Josh Sinton et ses amis (Kirk Knuffke, Adam Hopkins, Tomas Fujiwara) tentent d’en extraire de nouvelles saveurs. Prenant pour base les (courtes) années Saravah, le quintet fait acte de timidité, de sagesse, de rondeur. Ceci dans un premier temps. Ici, on les entend refuser les frayeurs. Et l’on s’habitue à ne plus retrouver Lacy.
Dans un second temps (et sur un second CD), la rugosité surgit. Maintenant, le blues est cocasse, les combinaisons contrebasse-baryton traversent quelques graves fissures, le cornet déborde le cadre, les tambours délivrent de sensuels roulements. Et le baryton de quitter son terrain d’exploration-observation pour s’en aller rejoindre une cour d’école dissipée. Et Lacy d'être retrouvé (The Owl, Blinks, Lapis). En un peu plus de deux heures, trente thèmes de Lacy refont surface. A suivre. Assurément.
Ideal Bread : Beating the Teens (Cuneiform / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
2 CD : CD1 : 01/ Three Pieces From Tao I 02/ Obituary 03/ The Precipitation Suite 04/ Wish 05/ Lesson 06/ The Wire 07/ Paris Rip-Off 08/ Cryptosphere(s) 09/ Scarps 10/ The Highway 11/ The Wane 12/ Dreams 13/ Somebody Special 14/ Name 15/ Three Pieces from Tao II – CD2 : 01/ Three Pieces from Tao III 02/ The Owl 03/ Spell 04/ Crops 05/ Pearl Street 06/ Ladies 07/ Blinks 08/ Cryptosphere 09/ Lapis 10/ The Uh Uh Uh 11/ Torments 12/ The Oil 13/ Notre vie 14/ Roba 15/ Three Pieces from Tao IV
Luc Bouquet © Le son du grisli
Kobe Van Cauwenberghe : Give My Regards to 116th Street (Carrier, 2015)
Kobe Van Cauwenberghe est un guitariste belge qui aime autant la classique que l’électrique (qu’il peut l’une comme l’autre préparer et coucher sur une table). On l’avait entendu dans Zwer, quatuor de guitares qui reprenait Phill Niblock sur Touch Five. Cette fois, il se retrouve seul sur des compositions de six collègues qu’il fréquenta à la Columbia University.
Si sa guitare est de bois, ses cordes sont bien de métal, et le produit des deux donne une couleur particulière à des pistes qui rappelleront autant Derek Bailey que John Fahey… Comment ne pas presque toujours entendre les deux anciens sur le duel des graves qui pestent et des aigues cutés de Strata (Alex Mincek) ? Et sur les dissonances des cordes pincées qui carillonnent de Sui Generis (Taylor Brook) ? Et sur les étouffements et les messages cryptés de Spindle (Rama Gottfried) et 1950 C (Paul Clift) ? Et sur les décharges électriques de Silent Screen (Aaron Einbond) ou sur les saturations et les harmoniques de Really Coming Down (Christopher Trapani) ? La question est bonne puisque c’est moi qui la pose, et même plusieurs fois !
Mais le disque n’en est pas moins passionnant. Voilà pourquoi je ne saurais que trop vous conseiller cet état des lieux des jeunes tablatures comme il peut s’en écrire en ce moment même près de la 116ème Rue de New York.
Kobe Van Cauwenberghe : Give My Regards to 116th Street (Carrier Records)
Edition : 2015.
CD : 01/ Strata 02/ Sui Generis 03/ Spindle 04/ Silence Screen 05/ 1950 C 06/ Really Coming Down
Pierre Cécile © Le son du grisli
Jeph Jerman, Tim Barnes : Matterings (Erstwhile, 2015)
Ce qui leur importe – et même : les travaille –, Jeph Jerman et Tim Barnes sont allés le capturer à et autour de Cottonwood, Arizona, et Louisville, Kentucky. Ces Matterings sont néanmoins pour les deux hommes – qui ont déjà plusieurs fois collaboré – devenus une habitude : transformation de field recordings en éléments de musique électroacoustique et jeu (souvent percussif) sur objets divers.
Découpant les arides paysages qu’ils explorent en zones de prospection, Jerman et Barnes pistent la rumeur géologique – pouls enfoui de la roche ou chant souterrain de l’érosion – pour la parer ensuite de battements sourds, de lignes d’aigus, de rythmes minuscules… Une fois fait, c’est à une réinvention de l’espace que s’attèle le duo, élaguant ses enregistrements ou les polissant afin de mettre au jour une musique différente, plus personnelle peut-être : ambient concrète que l’invitation faite à Rachel Short (cor et voix) et Jackie Royce (basson et voix) change, sur Bight, en refrain d’éther. Ainsi, de Cottonwood et de Louisville qu’ils ont prospectés, Jeph Jerman et Tim Barnes ont amplement élargi la périphérie.
Jeph Jerman, Tim Barnes : Matterings (Erstwhile / Metamkine)
Enregistrement : avril-décembre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Mammatus 02/ Relic Density 03/ In Situ 04/ Talus 05/ Bight
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dario Palermo : Difference Engines (Amirani, 2015)/ Gianni Mimmo, Alison Blunt : Lasting Ephemerals (Amirani, 2014)
La musique de Dario Palermo serait une musique d’épreuves, à la fois humaines et électroacoustiques. Humaines comme Milo Tamez (percussions), les membres de l’Arditti Quartet et Catherine Carter (mezzo-soprano), et Jean-Michel Van Schouwburg (voix). Electroacoustiques comme RO – Première danse de la Lune, The Difference Engine et Trance, les trois compositions de Palermo que ces humains interprètent respectivement.
Tamez est le premier à faire face à l’électronique en temps réel de ces trois pièces. Ses percussions grincent avant de lui répondre, réfléchissent à des parades avant de se faire avaler. L’obscur exercice n’en est pas moins passionnant. Au tour de l’Arditti Quartet et de Carter. Les cordes parcourent en tous sens un dédale en forme de labyrinthe où sont nichés des oiseaux-flûtes. Le contemporain est moins original. Reste le tour de Van Schouwburg, qui grogne à l’écoute des larsens, essaye de s’expliquer et déblatère. Trance est elle aussi moins captivante que la première pièce. Elle, on l’a réécoutera. En attendant des nouvelles de Dario Palermo.
Dario Palermo : Difference Engines (Amirani)
Edition : 2015.
CD : 01/ RO – Première danse de la Lune (2012) 02/ The Difference Engine 03/ Trance
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Gianni Mimmo est un soprano lui aussi, mais saxophoniste. Sur Lasting Ephemerals, il cherche le sillon qui le mènera le plus sûrement à la violoniste Alison Blunt. Comme dans ces jeux pour enfants, il y a plusieurs possibilités, mais Mimmo et Blunt préfèrent brouiller les pistes en déformant au maximum le son de leurs instruments (qui sonnent « électronique » parfois, comme sur la deuxième face où le romantisme côtoie la BO de film noir). Et ce sera le plus sûr chemin, celui d’un scherzo pas banal.
Gianni Mimmo, Alison Blunt : Lasting Ephemerals (Amirani)
LP : A/ Lasting Ephemerals – B1/ Elliptical Birds B2/ Scherzo
Enregistrement : 26 juin 2013. Edition : 2014.
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Merzbow, Mats Gustafsson, Balázs Pándi : Live in Tabačka 13/04/12 (Tabačka)
La veille de l’enregistrement de Cuts – disque qui consigna le premier la collaboration de Mats Gustafsson avec le duo Merzbow / Balázs Pándi –, les mêmes donnaient un concert à Košice, en Slovaquie. C’est ce concert que le vinyle estampillé Tabačka rapporte aujourd’hui.
Il faudra d’abord reconnaître à Pándi une oreille alerte : au creux de la déferlante électronique que Merzbow et Gustafsson polissent à force d’orage et de convulsions, ne parvient-il pas à décerner un pouls sur lequel calquer ses pulsations ? Affirmées, celles-ci, qui décident de frappes sèches et renforcent bientôt le tumulte. Sur la fin de la première face, quelques sifflements ; sur le début de la seconde, Gustafsson passe au saxophone baryton. Graves répétés, ripages et même un solo déposé sur les roulements de batterie, comblent l’improvisation bruyante d’une façon différente. Pas rare, ni inattendue, mais efficiente encore.
Merzbow, Mats Gustafsson, Balázs Pándi : Live in Tabačka 13/04/12 (Tabačka)
Enregistrement : 13 avril 2012. Edition : 2015.
LP : A-B/ Live in Tabačka
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
John Cage : Rire et se taire. Sur Marcel Duchamp (Allia, 2014)
S’il rapporte, en français, un entretien entre Moira et William Roth et John Cage – daté du 28 janvier 1971, partiellement publié en 1973 par la revue Art in America – commandé par les recherches universitaires que la première consacra à Marcel Duchamp (« Marcel Duchamp et l’Amérique, 1913-1974 »), Rire et se taire est un livre que l’on pourra n’attribuer qu’au compositeur.
Dans son œuvre écrit, Cage a souvent évoqué Duchamp, dont il fit la connaissance dans les années 1940. Ici, il faut l’entendre dresser un autre portrait de l’artiste au gré d’anecdotes, de réflexions (malgré les priorités autres du couple Roth), de perspectives et même d’aveux : ainsi « être » avec Duchamp, le regarder « faire les choses simplement », suffisait au compositeur. De là, ces questions jamais posées qui obsèderont Cage une fois le maître disparu.
A l’écoute du poète, plus encore que de l’artiste, Cage acquiert une vision dont profiteront la mise en place d’un langage autre et sa recherche de « connexions » inspirantes. A l’occasion d’un des rares passages où il s’exprime sur son art, le compositeur avoue ainsi son inquiétude pour la survie de la Cunningham Dance Company. Dans un autre de ces passages, il confiera enfin : « Je pense que la société est l’un des plus grands obstacles qu’un artiste puisse rencontrer. Je préfère penser que Duchamp serait d’accord avec cette conception (…) »
John Cage : Rire et se taire. Sur Marcel Duchamp (Allia)
Edition : 2014.
Livre : Rire et se taire. Sur Marcel Duchamp. Entretiens avec Moira et William Roth. Traduction : Jérôme Orsoni.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Miguel A. García : Choirs (Copy for your Records, 2014)
Dubitatif à l’écoute des deux premiers titres (c’est mon côté enfant gâté) et de leur succession de bruit blanc et de silence (à m’en demander si Miguel A. García ne cherchait pas à tester l’état de santé de mon audition ou à constater la dégradation de mes acouphènes), j’ai commencé à tendre l’oreille (une seule pour débuter) quand il a lâché son puzzle stéréo d’effets électroniques pour un noise qui me va mieux, pour ne pas dire « plus fort ».
Même s’il accentue aussi les acouphènes dont je parlais plus haut, ce noise se nourrit des allusions rythmiques contenues en fin de plages 1 & 2 pour faire trembler plus franchement ma membrane tympanique. Et voilà que mon cerveau reçoit tout avec plaisir : les larsens, les interférences, les coups de tonnerre et les coups de semonce, tous ces bruits de machines dont j’ignore jusqu’à la couleur si ce n’est celle des voyants qui m’alertent d’un danger, et que j’imagine rouge, rouge, et rouge écarlate. Tout ça avec un sens du rythme que García a d’affirmé (voir plages 4 & 5). Alors, j’applaudis... mais je n’entends pas mes claps.
Miguel A. García : Choirs (Copy for your Records)
Edition : 2014.
CD : 01-05/ Choirs
Pierre Cécile © Le son du grisli
John Coltrane : Live at the Showboat (RLR, 2010)
Cette évocation de Live at Showboat est extraite du livre que Luc Bouquet a consacré aux enregistrements live de John Coltrane : Coltrane sur le vif, en librairie depuis le 6 mars.
L’un des clubs préférés de John Coltrane à Philadelphie se nomme le Showboat. Le saxophoniste y jouera une dizaine de fois au cours de l’année 1963. SI nous avons ici conservé les dates d’enregistrement proposées dans les livrets des disques, restons (très) perplexes quant à leur exactitude.
Le saxophoniste retourne à « Good Bait », composition de Tadd Dameron qu’il a souvent interprétée avec Gillespie. Rien à signaler ici, si ce n’est la justesse parfois approximative de Coltrane et un Roy Haynes imitant Elvin Jones à la perfection si bien que…
« Out of This World » est une composition d’Harold Arlen et Johnny Mercer que le quartet enregistra le 19 juin 1962 pour l’album Coltrane (Impulse). Après un début hasardeux, Trane va déborder quelque peu l’harmonie du morceau. Deux chorus du saxophoniste, ici : le premier dure dix minutes, le second huit minutes, et, dans les deux cas, grognements et débordements free se taillent la part du lion. Pour ne pas briser l’intensité du set, le saxophoniste expose très rapidement le thème de « Mr. P.C. ». Nous n’avons jusqu’ici jamais évoqué cette systématique du quartet consistant à ne pas attendre les applaudissements du public pour enchaîner très vite sur un nouveau thème. Sans doute, pour le saxophoniste, une nouvelle version de l’aller-toujours-plus-vite. Après un chorus enlevé et trépidant de McCoy Tyner – et un solo,incomplet, de Jimmy Garrison –, Coltrane et Jones (serait-ce réellement Roy Haynes ? Nous doutons de plus en plus), se livrent à un duo homérique. Sans doute le plus brûlant que nous connaissions sur cette véloce composition, dédiée, rappelons-le, au contrebassiste Paul Chambers.
« Afro Blue » est un thème de Mongo Santamaria que le quartet ne semble pas avoir enregistré en studio. Ce morceau, qui met en avant Tyner, sera joué presque chaque soir lors de la tournée européenne de l’automne 1963. On s’étonne, ici, d’un tempo anormalement lent et d’une batterie n’employant pas le rythme latin habituel (Jones ou Haynes ? Le doute persiste...). Avec ses trente-cinq minutes, cette interprétation d’ « Impressions » est l’une des plus longues que nous connaissons. Nous sont ici confirmés les témoignages de spectateurs parlant d’improvisations dépassant l’heure de jeu. Débuté au soprano, « Impressions » se poursuit par un impétueux chorus de piano. Mais ce sont les vingt-cinq minutes du solo de Coltrane – maintenant au ténor – qui sidèrent, et ce, littéralement. Inlassablement, le saxophone lance flèches et sagaies et varie les angles d’attaque tout en entretenant un déluge continu. A travers ces notes rugueuses et supersoniques pointe le cri coltranien, celui-là même qui éclatera au grand jour quelques mois plus tard.
John Coltrane : Live at the Showboat (RLR)
Enregistrement : 17 juin (?) 1963. Edition : 2010.
CD : Live at Showboat
Luc Bouquet @ Lenka lente / Le son du grisli
Christine Mannaz-Dénarié : Viridité (Dysmusie, 2014) / La Morte Young : When Angels Speak of Love (Death Carnival, 2014)
Le 12 juin 2010, de 12H à 17H, onze musiciens du projet No Undo faisaient sonner (et résonner) une construction de Le Corbusier, l’église Saint-Pierre de Firminy. Livrons d’abord le nom des préposés à l’office : Jérome Noetinger, Christian Malfray, Jean-François Minjard, Jérome Montagne, Pierre Faure, Mathias Forge, Hervé Boghossian, Bruno Capelle, Nicolas Dick, Hervé Durand, Jean-François Plomb. Or il manquait un douzième apôtre…
Si mes connaissances en prénoms sont exactes, celui-ci sera femme : Christine Mannaz-Dénarié. C’est à elle qu'on a confié les enregistrements de la performance pour en faire deux compositions de musique électroacoustique : L’astrolabe et Le songe de Sisyphe. Un devoir de mémoire autant qu’un exercice de re-spatialisation (sur vinyle) de la performance du 12 juin, qui avait déjà été transformée sur place (si j’ai tout bien compris).
Pour faire référence à la mythologie (face B) ou construire la sienne (face A), Mannaz-Dénarié met tout ce petit monde dans une capsule, direction : voûte céleste. Le véhicule accélère, tourne, troue des champs magnétiques, et c’est sous forme de poudre que les musiciens se rappellent à notre bon souvenir. Lyophilisée, la performance fait penser à certains travaux de Xenakis ou à des chimères de Pierre Henry. Une préférence, quand même, pour la deuxième face (c’est que les guitares y prennent plus de place, et « modernisent » un peu le tout).
Christine Mannaz-Dénarié : Viridité (Dysmusie / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2014.
LP : A/ L’astrolabe B/ Le songe de Sisyphe
Pierre Cécile © Le son du grisli
Comme un Faure et un Malfray peuvent en cacher deux autres (et même, coïncidence ?, les mêmes !), changeons de genre avec La Morte Young. Moi qui ne crois ni aux anges ni à l’amour (triste fin de jeunesse), me voilà bien pour parler de When Angels Speak of Love. Heureusement, après le noiramour de Whisper of Dharma 3 j’ai bien cru apercevoir la queue du diable dans ce slow déguisé où les guitares plombées jouent au loup avec une enfant qui chante son effroi dans un mégaphone. Et croyez-moi, la queue du diable, ce n’est pas rien : titillée du bout du médiator et excitée par sa proie, le coup est parti tout seul : pan, dans l’ange !
La Morte Young : Whisper of Dharma 3 / When Angels Speak of Love (Death Carnival)
Edition : 2014.
Mini CD : 01/ Whisper of Dharma 3 02/ When Angel Speaks of Love
Pierre Cécile © Le son du grisli