François Carrier, Michel Lambert, Rafal Mazur : Unknowable (Not Two, 2015) / François Carrier, Michel Lambert : iO (FMR, 2015)
Le temps de s’adapter à Rafal Mazur, leur nouvel ami, et François Carrier et Michel Lambert retrouvent les plis et bosses de leur musique serpentée. Rien de neuf dans leur chant non voilé : le saxophoniste module le silence puis attaque sans préavis. Son phrasé empli de zébrures et de soleils éclatés inspire la caisse claire émancipée (sur-mixée ici) de son compère. Quant à la basse acoustique de leur ami polonais, elle se plait à saturer un cercle déjà débordant. Pas facile de temporiser avec ces deux-là, on en convient.
Reste à épingler / questionner le très discutable équilibre de la prise de son ainsi que quelques cuts assez incompréhensibles (un solo de batterie, par exemple, coupé sans aucun ménagement). Plaisir d’écoute souvent gâché ici mais compensé par un free instantané et ne comportant aucune trace de lourdeur ou d’ennui.
François Carrier, Michel Lambert, Rafal Mazur : Unknowable (Not Two Records)
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Listening Between 02/ Insightful Journey 03/ Be Young Beyond 04/ Unknowable 05/ Springing Out 06/ Dissolution
Luc Bouquet © Le son du grisli
Quelques mois plus tôt, François Carrier et Michel Lambert profitaient d'un duo pour réviser leurs classiques : escarmouches bien senties, caisse claire agressive, alto frondeur, caquetages d’hautbois, chants serrés, crochets secs, figures familières. Bref faisaient du Carrier-Lambert. Et le faisaient bien.
François Carrie, Michel Lambert : iO (FMR)
Enregistrement : 2012 & 2013. Edition : 2015.
CD : 01/ IO 02/ Blueshift 03/ Mock Sun 04/ Big Bounce 05/ Superstring 06/ Albedo 07/ Ida 08/ Open Cluster 09/ Nutation
Luc Bouquet © Le son du grisli
Matthieu Saladin : Esthétique de l’improvisation libre (Les Presses du Réel, 2014) / De l'espace sonore (Tacet, 2014)
Au printemps 2010, Matthieu Saladin soutenait, à la Sorbonne, une thèse dont le titre, « Esthétique de l’improvisation libre », cachait un sujet passionnant : la naissance de l’improvisation européenne sous l’impulsion de trois ensembles de taille : AMM, Spontaneous Music Ensemble et Musica Elettronica Viva. Si elle respecte un « cahier des charges » universitaire – emploi de la première personne s’adressant à une audience, implication de cette même personne à persuader, démontrer… –, la thèse en question est aujourd’hui un livre tout aussi passionnant que son sujet.
Dans laquelle on trouve une citation d’Eddie Prévost (l’autre penseur de l’improvisation, avec Derek Bailey, dont le livre fait aussi grand cas) qui avoue que l’intention d’AMM était, à l’origine, « dégagée de toute théorie, s’effectuant d’elle-même à travers un processus où semblaient se mêler radicalité esthétique et tâtonnement ». Mais les choses changent, dont Saladin expose alors les grands principes. Ainsi, quand AMM s’adonne à une self-invention – nécessité que Keith Rowe met en parallèle avec la démarche des plasticiens qui ne peuvent imaginer créer « à la manière » d’un autre artiste – mue par une recherche d’individualisation dans le son et même une certaine esthétique de l’échec (there is no guarantee that the ultimate realisations can exist, AMMmusic 1966), John Stevens impose, à la tête du SME, une improvisation collective plus volontaire et MEV affranchit ses membres (Alvin Curran, Frederic Rzewski, Richard Teitelbaum…) des convenances « du » composer.
Si les différents enjeux et les différentes méthodes permettent aux groupes de se distinguer, ils n’en démontrent pas moins quelques intérêts communs que Saladin examine dans le détail : nouveau rapport de la libre création musicale au collectif, au règlement, à l’expérimentation, à son environnement social et politique, même, auquel elle oppose bientôt ses propres vérités. Ainsi, depuis le début des années 1970 qui circonscrit cette étude, l’improvisation libre, obligée au constant renouvellement, se trouve-t-elle assurée d’actualité.
Matthieu Saladin
Esthétique de l'improvisation (Introduction)
Matthieu Saladin : Esthétique de l’improvisation libre. Expérimentation musicale et politique (Les Presses du Réel)
Edition : 2014.
Livre, 13X17 cm, 400 pages, ISBN : 978-2-84066-471-0
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dans l’introduction qu’il signe au troisième numéro de Tacet, Matthieu Saladin, qui dirige la revue (et a coordonné son troisième numéro en collaboration avec Yvan Etienne et Bertrand Gauguet), explique que les textes d’auteurs et d’époques différents qu’on y trouve permettront au lecteur « d’arpenter l’espace sonore » « par l’étude ».
Ce sont alors, dissertant ou documentés, Alvin Lucier, Michael Asher, Seth Cluett, Eric La Casa et Jean-Luc Guionnet, Maryanne Amacher, Paul Panhuysen, Christian Wolff… qui, chacun à leur manière, fragmentent pour mieux le détailler un territoire qu’on prend en effet plaisir à arpenter. Afin de ne pas égarer le lecteur, Saladin a pris soin de glisser dans l’épais volume une carte étonnante, Sound Space Timeline 1877-2014, qu’il a élaborée avec Yvan Etienne et Brice Jeannin. Dépliée, celle-ci confirme que le territoire est vaste, qui va des terres de Thomas Edison à cette ancienne cuve de pétrole à la réverbération exceptionnelle récemment découverte dans les Highlands.
Tacet N°3 : De l’espace sonore / From Sound Space (HEAR / Les Presses du Réel)
Edition : 2014.
Livre / Revue, 429 pages, ISBN : 978-2-84066-717-9
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
David Rosenboom, William Winant : Zones of Influence (Pogus, 2015)
D’entrée de jeu, le son ne trahit pas : on a affaire à un document. Le compositeur David Rosenboom (tendance serious contemporain) et le percussionniste William Winant (tendance je joue tout, Cage / Zorn / Curran / Lucier / Braxton etc., partout) enregistrés dans les années 1980…
Obscur ? Peut-être. Cosmogonique ? Plus encore. Car la musique qui se joue là est celle des Sphères. Et les sphères, on sait que ça s’entrechoque : bang un peu de marimba dans ton data, bing un coup de caisse claire dans ton logiciel. Les electronics contre les percussions, c’est déjà l’occasion pour Rosenboom & Winant de faire le point sur l’électroacoustique de leur temps.
Habitués que nous sommes aux sons surnaturels, les échanges peuvent nous paraître un peu datés (je pense au wood-block de synthé de Closed Attracting Trajectories Melody Set 1, entre autre) mais, de temps à autre, c’est un grand fatras bizarroïde (le second CD est là pour ça), musicalement hypothétique mais percussivement aventureux. Laissons-nous transporter dans le temps… La musique expérimentale, c’est aussi une histoire qu’il faut réviser, n’est-ce pas ? D'autant que le duo est toujours d'actualité (voir ci-dessous).
David Rosenboom, William Winant : Zones of Influence (Pogus)
Edition : 2015.
2 CD : CD1 : Part I / Part II – CD2 : Part III / Part III / Part IV
Pierre Cécile © Le son du grisli
Cem Güney : Five Compositions (Edition Wandelweiser, 2015)
Si elles ne savent leur inspirer un développement plus large, c’est déjà une compagnie que les cordes (violon de Burkhard Schlothauer, alto de Lydia Haurenherm et violoncelle de Marcus Kaiser) offrent aux instruments à vent (flûte d’Antoine Beuger et clarinette de Germaine Sijstermans) : ce, jusqu’à l’unisson, qui entame déjà la seconde des Five Compositions ici enfermées de Cem Güney.
De Güney, s’était effacé le souvenir lointain d’une écoute insatisfaite, celle de Praxis, que publia le label Crónica en 2008. Il faudra faire maintenant avec cette quarantaine de minutes pendant laquelle, le dos tourné au champ électronique, le musicien démontre d’autres intentions. Ainsi engage-t-il six instrumentistes (aux cinq déjà cités, ajouter le percussionniste « chantant » Tobias Liebezeit) sur des voies de concorde, voire de sympathie.
Lentement, les interventions se mêlent, plusieurs fois se fondent et se conforment, plus rarement – quand l’un des instruments, clarinette suspendue ou archet pressant, feint la sédition – ferraillent. Avec l’air de n’en faire qu’une, les cinq pièces se succèdent. Une constante délicatesse et puis, c’est une chose désormais entendue, de longs silences : à l’une et aux autres s’appliquent avec savoir-faire chacun des intervenants.
Cem Güney
Mulberry Grove (extrait)
Cem Güney : Five Compositions (Edition Wandelweiser)
Enregistrement : juillet 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Two and Three 02/ Mulberry Grove 03/ Hive Mind 04/ Conjunction 05/ Inner Voice, For Düsseldorf
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
OxJaMS Trio : Suite of Dreams (Slam, 2015)
A Oxford, se retrouvent George Haslam, Steve Kershaw et Richard Leigh. Le premier honore et cajole les graves de son baryton, offre à son tarogato quelques dissonances cinglantes, joue au derviche tourneur, opte pour une vieille mélodie médiévale. Le second fait claquer les cordes au gré des vents contraires, racle encore, ne s’embarrasse d’aucun préavis ou d'aucune précaution. Le troisième crée une harmonie stagnante, transforme son clavier en batterie diluvienne, joue au concertiste grandiloquent, use de stridences délétères.
Tous trois (solo, duo, trio) n’emportent pas toujours l’adhésion, peinent parfois à convaincre. Mais réussissent en fin de disque (Déjà-vu, Suite Dreams) à fignoler de vifs et inspirés échanges. A suivre donc…
The OxJaMS Trio : Suite of Dreams (Slam Productions / Improjazz)
Edition : 2015.
CD : 01/ Sostenuto 02/ Haunted Spaces 03/ Under a Different Sky 04/ Easy on the Poppadoms 05/ Dancing Folk 06/ Tenebrae 07/ Dreaming in Spires 08/ Somethingology 09/ Déjà-vu 10/ Suite Dreams
Luc Bouquet © Le son du grisli
Quentin Conrate : Sekametelisoppa (Creative Sources, 2015)
Est-ce parce que son kit de batterie a été réduit que Quentin Conrate s’attaquait, ce 27 juillet 2014 « dans le cadre » du festival Becoq, aux murs de La Coopérative de Montolieu ? Ce serait donc de flegme que serait, avant tout, fait ce premier enregistrement solo du batteur.
D’intrépidité, même – dans le registre des murs chantants, on a connu quelques précédents de taille, dont ceux des Thermes de Vals révélés par Fritz Hauser. Statique, le micro laisse à Conrate de la distance quand le disque donne une idée du vaste espace qu’il aura parcouru. Une respiration, d’abord, puis ces objets frottés qui font des parois leur grand terrain de jeu : crissements, dérapages, pluies, et enfin tumulte.
Si l’improvisation offre une suite de propositions liées mais presque toutes indépendantes, Conrate parvient à donner un souffle à l’endroit qui lui a été proposé – pour ne pas dire soumis. C’est d’ailleurs grâce à la distance avec laquelle il le traite qu’il y adhère finalement.
Quentin Conrate : Sekametelisoppa (Creative Sources / Metamkine)
Enregistrement : 27 juillet 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Sekametelisoppa
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Anne-F Jacques : Sable ou sel (Atrito-afeito, 2015)
Cent copies seulement ? Parfois (c’est le cas pour ce CD d’Anne-F Jacques), c’est bien dommage. Mais félicitons / envions sa centaine d’auditeurs, et moquons ceux qui devront se contenter de SonoreNuage (bam, de la trad’, que j'espère bien du Québec).
Maintenant, comment Anne-F. provoque-t-elle ce dommage ? Avec quel instrument ?, je veux dire… Une caisse claire remplie de cordes de contrebasse ? Rien n’est moins sûr. Alors une contrebasse préparée avec un morceau de carton comme ceux que les enfants attachent à l’une des roues de leur vélo avec une pince à linge ? Sans doute non… Des moteurs, alors ? De l’électronique, en fait ?
En tout cas ça gronde et ça craque, sur ces deux pièces d’une dizaine de minutes. Ça a un goût de bois, d’insectes nocturnes et quand on trouve les deux c’est que Jacques passe les deuzes dans un moulin à café. Moi qui raffole de ce genre d’expérience, j’ai enfin trouvé la musique qui va avec !
Anne F. Jacques : Sable ou sel (Atrito-Afeito)
Enregistrement : 2013. Edition : 2015.
CDR : 01/ 11 min 07 sec 02/ 10 min 35 sec
Pierre Cécile © Le son du grisli
Rydberg (Monotype, 2015)
On ne saurait reprocher à Werner Dafeldecker de chercher, et de chercher toujours. En Polwechsel, Ton-Art, Till The Old World's Blown Up And A New One Is Created… Avec John Tilbury, Valerio Tricoli, Simon James Phillips, Paul Baran… Et même seul (Long Dead Machines I-IX). Sous le nom de Rydberg, c’est avec Nicholas Bussmann (dont l’électronique a déjà gangréné l’art de Martin Brandlmayr en Kapital Band 1) qu’on peut aujourd’hui l’entendre.
Non plus à la contrebasse, ni à la guitare, mais au « function generator & electronics ». Le changement d’instrument peut permettre que l’on change de langage ; or, le changement de langage peut menacer jusqu’à une identité. Avec Bussmann, trois temps alors : le premier, Elevator, traîne en longueur, certes. Mais la pièce vaut à elle seule l’écoute du disque : ses volées de cloches transformées, ses basses électriques et ses pulsations sourdes y dessinent en effet une ambient inquiète, qui captive.
Les deux titres à suivre, Gardening et And the Science, ne feront malheureusement pas le même effet. C’est ici une techno minimaliste à peine perturbée par une insistante boucle de corde, et là – dira-t-on « pire » ? – un trip Dorado que l’effet des saturations ne suffit pas à rajeunir. Cette inconstante de Rydberg est-elle viable ? S'avérera-t-elle inébranlable ?
Rydberg (Nicholas Bussmann & Werner Dafeldecker) : - (Monotype)
Enregistrement : 2013-2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Elevator 02/ Gardening 03/ And the Science
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Festival Météo [2015] : Mulhouse, du 25 au 29 août 2015
Cette très belle édition du festival Météo vient de s'achever à Mulhouse. Petit florilège subjectif.
Le grain de voix. Rauque, granuleuse, grave, éructante, crachant tripes et boyaux, poilue. C'est la voix d'Akira Sakata, monument national au Japon, pionnier du free jazz dans son pays. Ce septuagénaire est peu connu en France. C'est un des génies de Météo que de faire venir de telles personnalités. Au saxophone, Akira Sakata oscille entre la fureur totale et la douceur d'un son pur et cristallin. A la clarinette, il est velouté. Et, quand il chante, on chavire. Il y a du Vyssotski dans cette voix, en plus sauvage, plus théâtral. On l'a entendu deux fois à Mulhouse : en solo à la chapelle Saint-Jean et lors du formidable concert final, avec le puissant batteur Paal Nilssen-Love et le colosse contrebassiste Johan Berthling. Ils forment le trio Arashi, qui veut dire tempête en japonais. Une météo qui sied au festival.
La brosse à poils durs. Andy Moor, guitariste de The Ex, brut de décoffrage, fait penser à un ouvrier sidérurgiste sur une ligne de coulée continue. En guise de plectre, il utilise parfois une brosse à poils durs, comme celles pour laver les sols. Un outil de prolétaire. Son complice, aux machines, est Yannis Kyriakides (un des électroniciens les plus convaincants de cette édition de Météo). Il lance et triture des mélodies de rebétiko. Des petites formes préméditées, prétextes à impros en dialogue. Un bel hommage à ces chants des bas-fonds d'Athènes, revisités, qui gagnent encore en révolte.
L'archet sur le saxophone. Lotte Anker a joué deux fois. Dans un beau duo d'improvisateurs chevronnés, avec Fred Frith, lui bidouillant avec des objets variés sur sa guitare, elle très inventive sur ses saxophones, jouant même par moment avec un archet, frottant le bord du pavillon, faisant résonner sa courbure. Elle s'est aussi produite en solo à la bibliothèque, dans la série des concerts gratuits pour enfants (encore une idée formidable de Météo), sortant également son archet, et accrochant les fraîches oreilles des bambins.
Le naufrage en eaux marécageuses. Les trois moments ci-dessus sont des coups de cœur, vous l'aurez entendu. Affliction, par contre, lors du deuxième concert de Fred Frith, en quartet cette fois, le lendemain, même heure, même endroit (l'accueillant Noumatrouff). Et – hélas –, mêmes bidouillages que la veille, en beaucoup moins inspiré, sans ligne directrice, sans couleur, si ce n'est les brumes d'un marécage. Barry Guy, farfadet contrebassiste qu'on a eu la joie d'entendre dans trois formations, a tenté de sauver l'équipage de ce naufrage moite.
Les percussions du 7e ciel. La chapelle Saint-Jean, qui accueille les concerts acoustiques (tous gratuits), est très souvent le cadre de moments musicaux de très haute tenue, sans concession aucune à la facilité. Pour le duo Michel Doneda, saxophone, et Lê Quan Ninh, percussions, la qualité d'écoute du public était à la hauteur du dialogue entre les deux improvisateurs. La subtilité, l'invention sans limite et la pertinence de Lê Quan Ninh forcent l'admiration. D'une pomme de pin frottée sur la peau de sa grosse caisse horizontale, de deux cailloux frappés, il maîtrise les moindres vibrations, et nous emporte vers le sublime.
Et aussi... Le batteur Martin Brandlmayr, avec sa batterie électrique : son solo était fascinant. Le quartet Dans les arbres (Xavier Charles, clarinette, Christian Wallumrød, piano, Ingar Zach, percussions, Ivar Grydeland, guitare), totalement extatique. Le quartet d'Evan Parker, avec les historiques Paul Lytton, batterie, et Barry Guy, contrebasse, plus le trompettiste Peter Evans, qui apporte fraîcheur, vitalité et une sacrée présence, sous le regard attendri et enjoué de ses comparses. La générosité de la violoncelliste coréenne Okkyung Lee, qu'on a appréciée trois fois : en duo furieux avec l'électronique de Lionel Marchetti, en solo époustouflant à la chapelle, et dans le nonet d'Evan Parker : elle a été une pièce maîtresse du festival, animant aussi un des quatre workshops, pendant une semaine. Les quatre Danoises de Selvhenter, enragées, toujours diaboliquement à fond et pire encore, menées par la tromboniste Maria Bertel, avec Sonja Labianca au saxophone, Maria Dieckmann au violon et Jaler Negaria à la batterie. Du gros son sans finesse, une pure énergie punk. Et, dans le même registre, les Italiens de Zu : Gabe Serbian, batteur, Massimo Pupillo, bassiste et Luca Tommaso Mai, saxophone baryton : un trio lui aussi infernal, qui provoque une sévère transe irrésistible.
Festival Météo : 25-29 août 2015, à Mulhouse.
Photos : Lotte Anker & Fred Frith / Lê Quan Ninh
Anne Kiesel @ le son du grisli
Easel : Bloom (Veto, 2015)
Le polystyrène que lacère sans relâche Michael Zerang n’y change rien : Christoph Erb et Fred Lonberg-Holm se livrent bataille. Et la bataille est longue. Leurs unissons malfaisants ne crachent que fiel et amertume. Il faudra que le percussionniste active sa quincaille rutilante et presse le pas pour que s’impose un semblant d’espace et de profondeur. Mais la colère de ce jour n’est pas prête de s’éteindre.
Revoici bruits et grincements, guitare perçante et souffles retors. Les dépôts soniques s’amoncellent, débordent. Ceci pour les deux premières improvisations du présent CD. Voici maintenant Perigan et on pourrait croire les secousses sismiques envolées : Zerang frétille comme un poisson dans l’eau. Mais sur le rivage se réveillent les vieux démons. Et saturent tous les espaces. Et ne jurent que par l’assaut, le combat. Aujourd’hui était bataille. Mais demain ?
Easel : Bloom (Veto Records)
Enregistrement : 29 avril 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Corolla 02/ Calyx 03/ Perigan
Luc Bouquet © le son du grisli