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Le son du grisli

4 mars 2024

Guy Le Querrec : Michel Portal au fur et à mesures

Certes, le son du grisli n'est plus, mais quoi ? De temps à autre, le son du zombie vous rappellera à son bon souvenir. 

 

Au son d’Our Meanings And Our Feelings – en couverture de ce disque Pathé daté de 1969, Michel Portal nous apparaît au saxophone sur le profil de Joachim Kühn –, on pourra ouvrir l’ouvrage épais, estampillé Les éditions de Juillet : Michel Portal au fur et à mesures. La « mesure » est plurielle, c’est entendu : de sa rencontre avec John Coltrane en 1962, nous dit la préface de Bernard Perrine, à ses pérégrinations africaines en compagnie du trio Sclavis / Texier / Romano, en passant par ces beaux clichés reproduits en références BYG Actuel (Sunny Murray, Dewey Redman, Gong), l’œil du photographe est à l’écoute – prolongeant la formule de Claudel, Michel Le Bris dira de Le Querrec qu’il est un « sonneur d’images ».  

 

13 mars 1964, Paris : à la Salle Wagram, Le Querrec prend des photos d’un concert de bienfaisance imaginé par Sonny Grey pour récolter de quoi permettre à Bud Powell, alors parisien, de payer ses frais d’hôpital. Dans l’orchestre de Grey, on trouve Bernard Vitet, Jean-Louis Chautemps et Michel Portal. C’est la première fois que Le Querrec photographie Portal : l’histoire peut commencer, que nous raconte Jean Rochard. Pourquoi attendre pour le dire ? La poésie de « l’homme de nato », en plus de ses connaissances et de son souci du détail, épouse à merveille cette rétrospective querreco-portalienne.

 

Guy Le Querrec, d’abord : première photo en 1954, premier Rolleiflex en 1959 (année de l’obtention de son bac), fréquentation de Jean-Pierre Leloir dès 1964, amitié naissante avec Henri Texier, et puis Mai 68, le Festival Panafricain d’Alger, Châteauvallon… C’est donc Rochard qui raconte : la langue est passionnée, vivante en conséquence, que viennent fleurir combien de témoignages choisis (musiciens, journalistes… ne semblent manquer que ceux de Brahms et de Mozart) et qui transforme jusqu’aux légendes des photos – voici celles-ci non pas seulement décrites mais plutôt remises en perspective (hors champ, qu’imaginer voir ?).

 

Michel Portal, alors : en 1968 auprès de Sunny Murray ou François Tusques, en 1969 avec Beb Guérin et Alan Silva, la décennie suivante à la tête de l’Unit (Portal et Vitet, Beb Guérin, Léon Francioli, Pierre Favre et Tamia. Jean Rochard recontextualise : la création n’est pas morte, c’est encore l’heure aussi de grands Buñuel, Mingus, Fellini, Ornette, Paosolini et aussi le temps des Gazolines ou du Vietnam arrêté pour l’éternité par le photographe Nick Ut. « Il serait pathétique de murmurer » écrit Rochard. Alors !!! Portal enregistre pour le Futura de Gérard Terronès.

 

A la fin des années 1970, le souffleur est sur la scène de l’Olympia ou à la Chapelle des Lombards en compagnie de Sunny Murray et Barre Phillips. A l’orée de la décennie suivante, c’est le suicide de l’ami Beb Guérin : « rien ne pourra plus être comme avant », explique Rochard. Une autre époque commence pour Portal (qui poursuit son œuvre avec Jenny-Clark, Lubat, Sclavis, Texier, Drouet, Don Cherry, Han Bennink ou Gil Evans à l’occasion du premier concert donné par l’Orchestre National de Jazz), dont la figure n’a pas fini d’inspirer Le Querrec. Qu’il répète, dirige, salue, voyage, écoute, sourit…, le musicien fait confiance au photographe : Le Querrec, lui, fait bel et bien sonner l’image. Et la musique de Michel Portal avec.

 

Guillaume Belhomme © le son du grisli zombie

 

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